Retour aux sources

« Je fais partie d’une génération où on ne posait pas de questions aux adultes. J’ai connu ma babouchka, mais pas mon grand-père parce qu’il est mort en déportation. Mon père était quelqu’un de très secret et donc, je n’ai jamais rien su de ma famille [paternelle]. » François Berléand.

Il s’est construit autour de non-dits, de silences. Ceux d’un père refusant catégoriquement d’évoquer ses origines ou son passé. Aussi, quand la possibilité lui a été donné de remonter le temps pour enfin découvrir l’histoire de ses grands-parents paternels, François Berléand n’a pas hésité un instant. « J’arrive à un âge où on a envie de savoir d’où on vient. Du côté de mon père, il y a tout ce qui m’intéresse : la Russie, mes origines juives... Mais [il] n’a jamais voulu transmettre quoi que ce soit (…), et ne rien savoir d’eux me trouble énormément. » Seule entorse à cette règle, une révélation que lui fait son père le jour où François annonce à ses parents qu’il souhaite embrasser la carrière d’acteur. Il lui avoue alors qu’il reprend le flambeau en ajoutant, sans autre précision, que son grand-père était metteur en scène de théâtre, et sa grand-mère, comédienne. Une affirmation sans preuves à l’époque, que le comédien pourrait enfin confirmer ou infirmer.

« Un petit pas dans l’enquête mais un grand saut pour moi. »
Il a suffi à Philippe Berléand, le frère de l'acteur, de retrouver, dans un dossier familial oublié de tous, un titre d’identité et de voyage au nom de leur grand-mère pour permettre le début des recherches. Dans Retour aux sources, chaque document découvert devient une pièce à conviction qu’il faut étudier, décrypter ou se faire expliquer pour ainsi reconstituer pas à pas le puzzle d’un passé méconnu. L’occasion aussi pour Marie Drucker, qui guide François Berléand dans ses recherches, de replacer certains faits, lieux ou découvertes dans un contexte plus général : l’origine de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et des apatrides), les conséquences de la révolution d’Octobre, la vie des Russes exilés dans le Paris des années 20 ou encore l’histoire du camp de transit de Drancy et celle de la gare de Bobigny d’où sont partis pour l’Allemagne un tiers des Juifs de France déportés. Ici, l’histoire prend parfois des chemins détournés pour se raconter. Et comme le disait François Berléand en préambule de sa quête, « c’est sûr que ça va beaucoup me troubler ». Ça n’a pas manqué.

Clotilde Ruel