PLANÈTE BLEUE 2

Interview de James Honeyborne

Pourquoi est-ce le moment idéal pour proposer cette nouvelle série sur l’océan ?
L’océan est sans doute le lieu le plus excitant pour nous actuellement. En raison des découvertes scientifiques et des progrès des nouvelles technologies qui nous permettent d’adopter une perspective complètement différente sur la vie qui s’épanouit sous les mers. Cette série révèle de nouvelles histoires, mettant en scène des lieux encore plus spectaculaires, des comportements animaux encore plus extraordinaires qui nous aident à mieux apprécier les merveilles, la magie et l’importance des mers.

 

A quel point est-ce difficile de réaliser d’aussi remarquables documentaires sur la faune marine par rapport aux films tournés en surface ?

La mer est toujours en mouvement, toujours changeante : c’est certainement ce qui fait son charme et son mystère à nul autre pareil. Ceci dit, cela pose aussi des défis uniques. Si vous travaillez au contact de l’océan, il faut en accepter sa nature capricieuse. Filmer sous l’eau signifie se trouver à la merci de forces colossales telles que les marées, les courants, les vents, les vagues, des profondeurs vertigineuses, une visibilité médiocre qui peuvent menacer votre vie. Tous ces facteurs imprévisibles, combinés au fait que nous connaissons moins les océans que n’importe quel autre environnement sur la planète Terre, tout cela complique incroyablement tout tournage consacré à la faune sous-marine. C’est pourquoi nous avons uni les forces de scientifiques, d’explorateurs, d’experts marins à la pointe des connaissances actuelles sur l’océan pour réaliser ensemble ce projet .

 

De quelle manière les nouvelles technologies ont-elles été utilisées sur Planète bleue II ?

C’est ahurissant de voir à quel point les techniques de tournage ont évolué depuis la série originelle, Planète bleue. Nous avons exploité ces nouvelles techniques pour raconter des histoires d’une manière totalement inédite.

Nos équipes sous-marines peuvent désormais plonger bien plus longtemps par rapport à ce que permettaient les équipements traditionnels. La plongée en recycleur permet à nos équipes de s’asseoir en silence et d’observer, sans bulles, sans perturber l’eau et donc de vraiment comprendre ces nouvelles créatures et leurs comportements si particuliers.

Par le passé, nous aurions réalisé des plans aériens en 16mm, avec des hélicoptères. Aujourd'hui, nous disposons de drones ultra-HD que l’on peut déployer où on veut, partout où c’est permis et qui ont révolutionné la manière d’observer la vie des océans vus d’en haut, ajoutant force détails et moments déterminants, par exemple la stratégie d’alimentation par cyclone des raies manta dans les récifs coralliens. De même, les submersibles embarquent des caméras ultra-HD très légères qui permettent de s’inviter dans le monde inconnu des profondeurs de l’océan, enregistrant des événements jamais observés comme les meutes de calmars de Humboldt en chasse à 800m de profondeur.

 

Quel type de nouvelle technologie numérique avez-vous employé ?

L’un des plus grands défis lorsqu’on filme sous l’eau est de rendre correctement les dimensions. Trop souvent en effet, tout se résume à une immensité bleue. Pour faire lien avec un personnage et pour le comprendre au mieux, il est essentiel d’appréhender aussi son monde. Nous avons fait équipe avec des ingénieurs experts pour construire un objectif split-screen appelé « mégadôme » qui nous permet de contextualiser sans ambiguïté les mondes en surface et sous-marins simultanément. Lorsque nous filmons un morse sur un iceberg, par exemple, on peut également voir ce qu’il se passe sur l'énorme partie immergée de l'iceberg. Nous avons aussi élaboré de nouvelles manières de transporter le public au cœur même des récifs coralliens en développant un objectif d’exploration spécifique qui permet d’accéder directement aux coins et recoins du récif et de mettre au jour ses mystères les plus fascinants. Ce gros plan, cette perspective à angle large correspond à celle d’un poisson de ce récif. Ainsi nous éprouvons d’autant plus d’empathie pour les défis qu’ils doivent relever dans leur habitat de corail.

 

Dans quelle mesure avez-vous observé de profonds changements dans notre compréhension des océans depuis le premier opus Planète bleue ?

Durant les quatre années de tournage nécessaires pour cette nouvelle série, d’innombrables découvertes scientifiques et études ont été publiées. Il n’y a jamais eu autant de gens qui étudient les océans ; nous comprenons mieux que jamais, non seulement comment ils fonctionnent mais également notre influence sur eux. Et cela veut dire que nous pouvons offrir un portrait contemporain de ces océans tels qu’ils se présentent aujourd'hui.

Ce que nous révélons peut parfois choquer et attrister, susciter un très large éventail d’émotions tout au long de la série. Toutefois, ce qui est probablement l’aspect le plus passionnant de cette entreprise a été de rendre le plus précisément possible les découvertes ; nous ne nous sommes pas contentés de rapporter les dernières découvertes des biologistes marins, nous avons uni nos offres aux leurs, rendu possible certaines découvertes, ensemble.

 

Malgré ces progrès époustouflants, dans quelle mesure les océans constituent-ils toujours une frontière ultime, un mystère insondable ?

Pendant des siècles, les océans ont attiré explorateurs, navigateurs, marins et plus récemment scientifiques. Et malgré tous leurs progrès conjugués, cet espace demeure l’ultime frontière à explorer sur la planète. Je réalise des documentaires sous-marins depuis vingt ans mais ce n’est qu’un réalisant Planète bleue II que j’ai réussi à apprécier à quel point nous ignorions la réalité de l’océan. Selon les estimations, l’œil humain n’aurait à ce jour entrevu que moins d’un pour cent des fonds océaniques, aussi reste-t-il encore énormément à observer et apprendre. A vrai dire, chaque nouvelle plongée est susceptible d’apporter son lot de découvertes. Nous pouvons aller bien plus loin dans l’exploration de l’océan, c’est vraiment excitant !

 

Quel a été votre moment le plus marquant du tournage ?

J’ai eu de grands moments en travaillant avec l’équipe « Profondeurs », à filmer des piscines d’eau salée et un volcan de méthane dans le golfe du Mexique, et également sur un lieu de tournage en Antarctique. Cela dit, pour moi, je crois que ce qui m’a profondément marqué ont été tous ces instants inattendus quand nous examinons les rushes qui émanent d’un peu partout dans le monde. C’est ce qui m’a le plus fait plaisir. C’est quelque chose de voir un poisson voler dans les airs, c’est plutôt inattendu ; mais observer un poisson voler dans les airs et attraper un oiseau dans sa gueule, waow…

Un poisson qui saisit un oiseau ? Le poisson jaillit de l’eau à une vitesse phénoménale, accélère encore et s’empare de l’oiseau dans les airs. De plus, nous avons filmé en ultra-ralenti. Pour moi, c’est une image indélébile, car ce moment bouleverse notre compréhension de ce que les poissons peuvent accomplir. Au départ, ce n’est qu’une histoire de marin, tout juste une rumeur dont nous avions entendu parler : la seule manière d’en avoir le cœur net était de nous rendre dans l’océan Indien et de le filmer nous-mêmes. Je crois que cette image à elle seule résume tout le grandiose, la puissance, l’effet de surprise que l’océan peut nous offrir.

 

 

 

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