
Désenchantées

Notes d'intention
Note d'intention de Carole Della Valle, productrice
Lorsque nous avons découvert le livre de Marie Vareille Désenchantées, outre le plaisir de la lecture, nous avons immédiatement pensé qu’il ferait une formidable adaptation pour la télévision.
Cette histoire, qui raconte le retour de Fanny, journaliste de 40 ans, dans son village d’origine pour couvrir les 25 ans d’un fait divers qui avait à l’époque bouleversé la région, nous plonge avec une certaine nostalgie dans les années 90, mais aussi dans les non-dits et les lourds secrets de famille.
Ce récit est une illustration de l’intensité des amitiés adolescentes à travers des portraits de femmes à la fois fortes et ambivalentes. Jusqu’où des âmes blessées sont-elles prêtes à aller pour se sauver ?
Pour donner vie à cette adaptation, nous avons immédiatement pensé à deux personnes : la première, Solenn Le Priol, scénariste, avec qui nous venions de terminer l’aventure Skam France (saison 12) et le second David Hourrègue, réalisateur, avec qui nous avions commencé l’aventure Skam France (saisons 1 à 6) mais aussi la série Germinal. Solenn a par la suite complété son équipe d’écriture avec Claire Kanny et Chloé Glachant.
Nous pressentions alors qu’avec leurs sensibilités réunies, nous pourrions proposer un beau projet à France Télévisions.
Désenchantées est une mini-série de suspense qui laisse énormément de place à l’émotion mais aussi aux questionnements. Qu’aurions nous fait à leur place ?
Note d'intention de David Hourrègue, réalisateur
Il est des livres qui vous retournent le cœur, tant l’écho qu’ils provoquent en vous emporte tout sur son passage. Désenchantées de Marie Vareille est de ceux-là et bien plus encore : enquête journalistique, roman adolescent, réflexion sur la sororité autant que sur la vengeance face à une justice défaillante, ce thriller convoque de nombreux thèmes et les mêle harmonieusement sur un rythme mené tambour battant jusqu’à un final proprement bouleversant.
Rajoutez à cela une utilisation subtile et bouleversante des hits musicaux des années 1990 et vous tenez un livre qui vous reste longtemps en tête, qui diffuse son étrange
mélancolie longtemps après l’avoir refermé. Un rendez-vous incontournable et nécessaire dans mon parcours de réalisateur.
J’avais l’âge des héroïnes dans les années 1990, décennie souvent décrite comme la dernière insouciante où les enfants jouaient dehors librement et où les brimades scolaires ne trouvaient pas de relais virtuel sur les réseaux sociaux. J’en garde un souvenir vivace, aussi riche que violent. Souvenir qui m’a notamment aidé, durant les six premières saisons de Skam France à aborder des sujets aussi divers que le harcèlement, l’éveil à la sexualité ou les maladies mentales à travers ce prisme adolescent. Au contact de mes jeunes comédienne-s, j’y ai acquis la certitude que les mêmes maux continuent de s’exprimer à travers les époques et que seuls les moyens de le faire ont évolué. D’un point de vue narratif, l’idée de revenir questionner les moments adolescents à travers une enquête menée par une adulte, impliquée personnellement dans l’affaire, est une perspective très excitante. Tenter d’appliquer raison et recul à l’analyse d’une période où tout n’est qu’extrême, dans l’expression de l’amour comme dans celle de la souffrance s’avère souvent une sacrée gageure. Confronter une adolescente revendicatrice des années 2020 comme Lilou au souvenir d’adolescentes de cette génération, dans un contexte où les voix des femmes ne portaient pas autant me passionne.
Personne ne peut nier la souffrance de Sarah et Angélique et leur envie de vengeance, mais quel regard porter sur ces évènements 20 ans après ? Autant de chocs à venir entre deux époques qui sont autant de promesses fascinantes pour le spectateur.
Je suis amoureux des thrillers depuis toujours et j’imagine Désenchantées au croisement de films comme Gone Girl et Virgin Suicides. Porté par l’adaptation de Claire Kanny, Solenn Le Priol et Chloé Glachant, la série Broadchurch a été une inspiration dans son habileté à provoquer l’empathie envers ses personnages, par sa redoutable mécanique d’enquête tout autant que dans la qualité de sa description de ces petites bourgades donnant sur la mer. Le vent du large qui souffle contre les façades, ces visages et ces âmes marquées par le ressac et tous ces secrets qui ne demandent qu’à rester enfouis.
Soucieux d’éviter le ton sur ton, je suis allé chercher la lumière partout où elle se trouve pour mieux la mettre en contraste avec les ambiances travaillées des intérieurs où les drames se déroulent souvent à l’abri des regards. J’ai fait la part belle au contraste stylistique, visuel et sociétal entre les années 1990 et les années 2020.
J’ai baigné l’évocation des années 1990 de lumières et de couleurs pastel rassurantes en m’y déployant avec une caméra à l’épaule libre et très proche des regards.
Je me me suis appliqué à restituer au plus près la réalité émotionnelle des protagonistes à commencer par celle de Sarah et d’Angélique - la grande histoire d’amour de ce récit à mes yeux - en les traitant avec la force du présent, de l’instantané et jamais comme des évènements du passé.
L’enquête de Fanny et Lilou est abordée d’une manière toute aussi intense mais plus cinématographique, avec des cadres plus posés, une lumière réaliste et contrastée. L’intérêt étant de montrer que la vérité se cache souvent derrière des cadres solidement enracinés et de donner à l’évocation du passé, tandis que l’enquête progresse, des airs de véritables bouffées d’oxygène pour le spectateur. Le passé nourrit le présent et vice versa. Le récit gagne ainsi en dynamisme, en équilibre et le plaisir du public sera, je l’espère, constant.
Comme dans le livre, la musique joue un rôle central dans la série. Dans les années 1990, pas d’envoi de liens instantanés, pas de streaming, si on voulait une chanson, soit on avait les moyens de s’acheter la cassette ou le CD, soit on attendait qu’elle passe à la radio pour l’enregistrer, souvent en cours de route. Alors quand quelqu’un prenait le temps de vous enregistrer une cassette audio avec une compilation de chansons, comme Benjamin le fait pour Angélique, c’était un geste précieux. Dans cette idée, dans cette envie de retrouver ce sentiment de préciosité si typique de cette époque, Désenchantées accorde une place de choix aux titres synchronisés avec l’envie de trouver des chansons qui possède cette aura d’incontournables dans la culture populaire française ou internationale, autant que de puissants déclencheurs émotionnels.
Sur ces bases, Désenchantées se révèle être une série ambitieuse dans son propos comme dans sa mise en scène, à même d’attirer un public multigénérationnel, passionnante dans son enquête, bouleversante dans son drame mais porteuse de réflexion autant que d’espoir. Un sacré programme, à la hauteur du livre et de ce choc que je n’aspire qu’à partager avec les spectateurs.