Faire corps

Note d'intention de Gianluca Matarrese
Le film se déroule dans un contexte politique et socioculturel complexe, en Italie comme en Europe, où une vague conservatrice restreint de plus en plus les droits des minorités et des femmes. L’un des thèmes centraux est le débat sur l’utilisation des bloqueurs de puberté pour les mineurs dans le cadre des thérapies d’affirmation de genre. Les partis conservateurs en demandent l’abolition, tout en restreignant les droits des communautés LGBTQIA+. Dans le domaine de la procréation médicalement assistée (PMA), plusieurs forces politiques en Europe proposent d’en réserver l’accès aux seuls couples hétérosexuels, excluant ainsi les personnes trans des services de santé reproductive.

En Italie, où une coalition de droite est au pouvoir, ces enjeux sont particulièrement sensibles. Par exemple, une loi actuellement en discussion vise à faire de la gestation pour autrui (GPA) un crime punissable, même lorsqu’elle est réalisée à l’étranger, en la considérant comme un « crime universel ».

Le film se concentre sur un hôpital public italien qui offre gratuitement des soins en matière de PMA et de thérapies d’affirmation de genre. À travers les consultations dans le cabinet du Dr Bini – qui accueille des patient·es trans et des couples infertiles –, nous découvrons les défis auxquels sont confronté·es un médecin et son équipe, contraint·es de naviguer entre jugement clinique et restrictions légales de plus en plus sévères. Ils doivent aussi faire face à la concurrence des praticiens privés, soumis à des réglementations plus souples, notamment en ce qui concerne l’usage de donneurs de sperme pour les couples de même sexe ou l’administration de bloqueurs de puberté.

Si cette situation illustre un paradoxe italien, le film aborde des dilemmes éthiques, sociaux et juridiques qui dépassent largement le cadre national : ils sont présents dans toute l’Europe, dans les démocraties occidentales, et à l’échelle mondiale. Des désirs profondément humains – comme celui d’avoir un enfant ou d’affirmer pleinement son identité de genre en modifiant son apparence ou son nom à l’état civil – sont universels. La nécessité de négocier ces désirs individuels dans un cadre légal, au milieu de défis éthiques et culturels, constitue une lutte partagée, bien que les lois varient selon les pays.

Le film explore ces désirs universels et les obstacles que rencontrent celles et ceux qui cherchent à les concrétiser. Il s’attache à révéler l’intersection entre aspirations personnelles et paysage socio-politique rigide et restrictif, en mettant en lumière la résilience et la détermination de celles et ceux qui traversent ces eaux troubles pour réaliser leurs rêves et affirmer leur identité.