
Nouveau visage de Mon Côté Sud, Carole Gaessler revient pour nous sur le concept et les ambitions du magazine, renouvelé dans sa formule. Car l’histoire d’un territoire est écrite par ses habitants, la journaliste explique l’importance des rencontres dans la découverte d’un lieu. Partage, curiosité et transmission : tels sont les ingrédients d’une recette signée France 3.
Pourquoi avoir accepté de présenter Mon Côté Sud ?
Invitée de la précédente formule, j’avais présenté mon village de Beaumont-Pertuis et ses savoir-faire locaux. Partir à la rencontre d’un producteur provençal de pistaches, mettre en lumière l’art d’un coutelier passionné : je me rappelle avoir pris beaucoup de plaisir à promouvoir ce territoire et ses habitants. C’est à la suite de mon passage que Philippe Martinetti et France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur m’ont proposé de présenter l’émission, non incarnée jusqu’alors.
Incarner une émission, c’est la colorer de son regard, comment comptez-vous y inscrire un peu de vous ?
Je n’ai jamais été aussi spontanée et naturelle lors d’une émission. Je peux y mettre de la gourmandise, de la curiosité, de la découverte. Je tisse un lien de complicité avec l’invité, qui me partage ses bonnes adresses, ses endroits secrets et ses belles rencontres. L'énergie est une des clés de l'émission. J'espère la transmettre aux téléspectateurs.
Explorer des villes ou des villages au travers de l’univers personnel de ceux qui les traversent, c’est un peu ce que vous faites depuis 2014, dans Des Racines et Des Ailes. Qu’est-ce qui va être différent dans Mon Côté Sud ?
Des Racines et Des Ailes part d’une volonté éditoriale. La Rédaction choisit un territoire et les histoires qu'on y raconte. Ici, c’est l’inverse. Le point de départ, c’est la personnalité, qui devient en quelque sorte le rédacteur en chef du magazine. L’émission naît de ses envies. De notre côté, nous travaillons l’architecture de la narration, en veillant à l’équilibre entre les lieux, les rencontres, les possibles. Mais l’élan initial, c’est l’invité qui l’insuffle.
« Je tisse un lien de complicité avec l’invité, qui me partage ses bonnes adresses, ses endroits secrets et ses belles rencontres. »
Le Sud, c’est une notion vaste : une géographie, une évocation, un imaginaire… Que représente-t-il pour vous ?
Le Sud, c’est une lumière, un art de vivre, une gastronomie, une certaine végétation. Les pins, les chênes et les oliviers colorent la région de vert, même en hiver. C’est surtout une terre de contrastes. Entre le côté mer et côté terre, il n’y a pas un côté Sud.
Vous décrivez un Sud pluriel, riche de sa diversité. Dans sa nouvelle version, l’émission partira-t-elle à la découverte de la région dans son entièreté ?
La précédente version explorait la région PACA. La nouvelle formule élargit nos champs de tournage et couvre désormais tout le Sud – PACA, Occitanie, Nouvelle-Aquitaine, Corse...
Désormais, l'émission est diffusée à l'échelle nationale, mais elle reste produite en région. Nous travaillons avec 13 PRODS, une société de production marseillaise bien ancrée dans l’écosystème régional et également national. Cet enracinement local est essentiel pour nous.
Et pourquoi pas Mon Côté Nord ou Mon Côté Ouest ?
Peut-être qu’un jour nous couvrirons tout le pays – même si ce n’est pas d’actualité. Les ciels de l’Ouest, la nature de l’Est : il y a tellement de France(s) à découvrir.
Par ailleurs, nous avons tous un « village de cœur », un décor qui nous a construits, influencés, et qui garde ce parfum de l’enfance. L’émission part à la rencontre de personnalités qui sont attachées à ces lieux chargés en souvenirs, en symboles, en odeurs… En fait, partout où il y a un attachement au territoire, l’émission peut se faire.
« Nous avons tous un "village de cœur", un décor qui nous a construits, influencés, et qui garde ce parfum de l’enfance. »
Un univers sépare la présentation d’un journal de l’animation d’un magazine comme Mon Côté Sud. Ces tournages sont-ils pour vous des parenthèses, des respirations face au rythme des plateaux ?
Absolument, ce sont des tournages où je prends le temps. Pour moi, c’est une bulle, un espace de liberté. Mais je reste journaliste : l’enjeu est d’allier le plaisir de la découverte au devoir de transmission. De sorte qu’à chaque émission, le téléspectateur puisse apprendre quelque chose de nouveau. Avec Michel Sarran, par exemple, nous avons visité la dernière fabrique de briques rouges de Toulouse. Raconter ce savoir-faire permet d’en apprendre davantage sur la « ville rose ».
En effet, c’est une approche différente, mais complémentaire de ce que je fais depuis des années. Ce qui reste essentiel pour moi, c’est la rencontre. Partir au plus proche des Français, aller sur le terrain, montrer les choses importantes qui s’y jouent : voilà ce qui me nourrit. Mais c’est une ambition qui peut s’incarner aussi bien dans un magazine comme Mon Côté Sud qu’au travers d’une émission électorale, qui porte la voix des citoyens en régions. Parce que finalement, le « territoire », ce n’est pas seulement une zone géographique, c’est surtout les gens qui le font vivre.
Nous traversons actuellement un monde en crises. Est-ce que c’est important pour vous que France Télévisions, en tant que média public, engage des moyens dans des programmes qui sont des fenêtres vers des imaginaires moins chargés, plus oniriques que les réalités anxiogènes qui circulent dans l’univers médiatique actuel ?
Le climat mondial est extrêmement tendu : l’Ukraine, Gaza, les tensions entre le Pakistan et l’Inde... Cependant, je suis convaincue qu’en partant des territoires, on peut redonner confiance, encourager l’action locale et retisser des liens. Le murmure médiatique laisse croire que les Français sont divisés, sans cesse dans l’invective et l’opposition. Je crois, au contraire, qu’il existe des terrains d’unité, qui rassemblent autour de ce que nous avons en commun : une culture, une gastronomie, un paysage, une mémoire. France Télévisions, avec son réseau régional et son ADN, a la capacité et l’ambition de réparer les fractures et d’apaiser les tensions.
« Partir au plus proche des Français, aller sur le terrain, montrer les choses importantes qui s’y jouent : voilà ce qui me nourrit. »
Propos recueillis par Agathe Souchu