meres sans toit
INFRAROUGE

"Mères sans toit"

Mardi 4 avril 2017 à 22h55 - INÉDIT
C’est une femme que j’ai rencontrée en plein hiver à Saint-Denis. Elle avait pris un billet Alger-Paris sans retour, seule avec ses 3 enfants. Après l’école, Souhila n’avait d’autre solution que de faire appel au 115, le numéro d’urgence des sans-abri. D’hôtel en hôtel, elle préférait prendre le risque de la précarité ici plutôt que la violence là-bas. Car c’est ici qu’elle construit patiemment l’avenir de ses enfants. Souhila est la première femme qui a accepté l’idée d’un film. Un film qui raconterait son destin et celui de toutes les autres. ANNE RICHARD

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Pourquoi ce film ?

Je voulais faire connaissance.

En ce début d’année 2014, alors que j’arpente les couloirs de la maternité Delafontaine pour rencontrer celles que l’on nomme pudiquement « mamans en errance », Sarah Gerard-Hirne, assistante sociale de 30 ans, me tend ses courbes et ses statistiques. Sur l’année 2013, plus de 160 femmes n’ont eu d’autre solution que de faire appel au 115 le numéro d’hébergement d’urgence des sans-abris, et trouver refuge dans une chambre d’hôtel, leur nourrisson sous le bras.

C’est 60 de plus que l’année précédente et c’est presque une mère tous les deux jours.

A ce chiffre-là, s’additionnent encore toutes les autres, qui ont préféré refuser l’hôtel, ont trouvé un accueil provisoire chez un ou une amie, chez un marchand de sommeil, dans un squat ou une caravane, quand ce n’est pas dans les halls des urgences ou des gares.

Dans le même temps, la mortalité infantile dans le département continue sa courbe ascendante inquiétante, passant de 5 à 5,9%o, selon les dernières données de l’INED et de l’INSEE. C’est presque deux fois plus que la moyenne nationale (3,5 %o).

Des enfants de moins d’un an décèdent en Seine-Saint-Denis plus que partout ailleurs en France. Et de plus en plus de mères se retrouvent à la rue pour faire grandir leur enfant. Mais ces alertes ne semblent inquiéter personne. Seules les assistantes sociales de la maternité Delafontaine, motivées que par leurs propres convictions, tiennent des statistiques qui montrent l’ampleur du phénomène.

Mais qui sont ces mères condamnées à l’errance dès la sortie de la maternité ? D’où viennent-elles ? Partout ailleurs en France, on nous parle de plus en plus de cas sur le terrain, à la PMI du 10ème arrondissement, juste à côté du bureau de notre agence en plein centre ville, le phénomène est connu. Même son de cloche dans les départements du Nord de la France. Mais aucune étude ne les suit, ne s’intéresse à elles.

Les mères sans toit ont cette particularité qu’elles tombent dans l’oubli ou la complication des chiffres statistiques. Puisqu’elles ne sont pas codifiées comme une catégorie en soi. On connaît le nombre d’accouchements chaque jour en France, on ne sait jamais ce que les mères deviennent. En revanche l’Observatoire du Samu Social de Paris, responsable du 115, confirme que les demandes des familles, ou des femmes seules avec enfant ont explosé depuis 10 ans. Les associations Interlogement, Médecins du Monde, Solipam, entre autres, parlent, elles, de « bombe à retardement ».

Puisque les chiffres ne disent rien d’elles, de leur parcours, de leur existence aux yeux des institutions françaises, je voulais leur redonner un visage. 

A Saint-Denis, Aubervilliers, Epinay-Sur-Seine, dans les maternités, hôtels du 115, centre d’hébergement d’urgence ou association,  je suis partie à leur rencontre, des femmes sans papiers, des Françaises aussi. J’ai recueilli leurs témoignages anonymes, leurs histoires si différentes et pourtant toujours avec un puissant dénominateur commun.

« Vite ! lui trouver à manger et un toit…

Vite ! qu’il se fasse des amis…

Vite ! qu’il soit scolarisé… »

Elles faisaient toutes front, montraient une dignité face à l’épreuve, souvent au nom de leur enfant à venir, ou qui venait de naître. Les pères avaient disparu ou restaient dans l’ombre. Préférant parfois la rue à la domination d’un homme, à la violence conjugale, au mariage forcé ou à l’esclavagisme, ce sont elles, et elles seules, qui luttaient pour faire une place à leur nourrisson au sein de la société française.

J’ai attendu plus d’un an avant de convaincre l’une d’entre elles de sortir de l’anonymat.
Souhila a été la première femme à accepter ma caméra
.

Elle n’avait pas peur, elle avait fait le choix de venir en France, sans papiers, au nom de ses enfants, elle était fière de leurs bonnes notes à l’école. Dans son sillage, Bénédicte et les autres se sont senties plus fortes. Ensemble, elles ont eu le courage de vaincre la peur d’une expulsion, briser le tabou de leur précarité et me montrer leur combat quotidien.

Souhila a été la seule à accepter l’idée d’un film au long cours.
Un film qui raconterait son destin et celui de toutes les autres.

Anne Richard
 

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Biographie d'Anne Richard

Anne Richard est, à l'été 2010, la première réalisatrice à suivre les protagonistes d’un scandale qui allait devenir, un an plus tard, l’Affaire Mediator, (52’ pour Public Senat, sélection au FIPA 2012).
Après Sciences Po et des études en Allemagne, Anne démarre sa carrière en parcourant l’Europe. Elle réalise une cinquantaine de films pour les émissions d’ARTE, Forum des Européens et Zoom Europa, au sein de la Compagnie des Phares et Balises. Quelques années plus tard, elle se lance dans des formats plus longs, en France comme à l’étranger pour la société WA productions. Elle signe en 2002 son premier 52', Afrique du Sud, le train de l’espoir, pour ARTE et Odyssée. Indépendante depuis 2011, c’est la première fois qu’elle collabore à Infrarouge avec Mères sans toit, le destin de Souhila, Bénédicte et les autres.

 

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FICHE TECHNIQUE

Un film réalisé par
Anne Richard

Produit par
Christie Molia
Agnès Molia


Une production
Tournez S'il Vous Plaît

Avec la participation de
Souhila Oussadi
Bénédicte Attoumo

et les autres

Avec la participation de
France Télévisions

Avec le soutien du
Centre National du Cinéma et de l'Image Animée 
du Fonds Images de la Diversité - Commissariat général à l'égalité des territoires
de la Procirep 
de l'Angoa

Conseillère de programme
Caroline Glorion

Directrice de l'unité documentaires et magazines culturels
Catherine Alvaresse
 

Quartier impopulaire

 

 

 

Le rendez-vous Infrarouge invite les téléspectateurs à réagir et commenter les documentaires en direct sur twitter via le hashtag #infrarouge.
 

Le documentaire est disponible en visionnage sur le site francetvpreview:
https://www.francetvpreview.fr/

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