Dans le cadre de la diffusion du numéro exceptionnel du Monde de Jamy « Réchauffement climatique : nos produits du terroir vont-ils résister ? », nous avons pu nous entretenir avec Jamy Gourmaud.
Pourquoi ce sujet ?
Je pense qu’on entend très souvent parler de l’impact du réchauffement climatique sur nos produits. Mais, finalement, on a un peu de mal à le mesurer. Au bout du compte, lorsqu’on va faire nos courses, que ce soit dans une grande surface ou au marché, tous ces produits se retrouvent sur les étalages. Alors, bien sûr, avec une fluctuation de prix, mais on a du mal à concrétiser l'impact du réchauffement climatique sur tous ces produits qui font la richesse de notre gastronomie.
Ensuite, très souvent, on entend parler de sécheresse ou de manque d’eau, mais derrière ces phénomènes il y a des effets induits et méconnus du public.
Nous voulions montrer très concrètement comment le réchauffement climatique impacte nos produits, leur qualité ou leur volume de production.
Avez-vous découvert quelque chose ?
Je trouve l’histoire du fromage, que vous pourrez voir dans le documentaire, vraiment éloquente. On pourrait penser tout simplement que parce qu’il fait trop chaud, les vaches produisent moins de lait. Mais il n’y a pas que ça. Certes, au-delà d’une certaine température (22 °C), la production de lait en volume diminue, mais ce qui m’a surpris c’est toute l’histoire qui accompagne ce processus.
Avant, la neige fondait progressivement, l’herbe poussant elle aussi progressivement. Les éleveurs sortaient leurs animaux, qui mangeaient cette herbe tendre dans la vallée. Petit à petit, la neige à plus haute altitude fondait, et les animaux montaient dans les alpages et se nourrissaient de cette nouvelle herbe tendre.
Aujourd’hui, d’abord, il neige beaucoup moins bas. Et puis quand la neige fond, elle fond beaucoup plus brutalement. Donc toutes les herbes poussent en même temps. Arrive un moment où les vaches que l'on sort n'ont plus le temps de consommer toute cette herbe. Par conséquent, quand elles arrivent un peu plus haut, l’herbe est beaucoup plus haute, beaucoup plus ligneuse, mais aussi moins riche en éléments nutritifs, et notamment en protéines. Or, s’il y a moins de protéines, ça complique les choses pour réussir à faire un bon fromage.
Quels dangers la disparition de ces produits du terroir peut-elle représenter pour la gastronomie française ?
La disparition de l’abricot du Roussillon est un bon exemple. Il faut bien imaginer que tous les pâtissiers adorent travailler l'abricot du Roussillon et d'autres variétés d'abricot. Donc, il y aura fatalement un impact sur nos tartes fines aux abricots qui sont fabriquées par des pâtissiers de renom, par exemple.
L’intervention de Pierre Hermé, célèbre pour ses macarons à la pistache, est un beau contre-exemple. La pistache de Provence fait partie de ces cultures de substitution, que certains ont déjà commencées. Nous nous sommes d’ailleurs aperçus qu’à une époque la pistache était même très cultivée dans cette région. Elle y revient. En rendant visite à Pierre Hermé, nous avons voulu montrer que certains pâtissiers pouvaient être intéressés par ces nouveaux produits.
Propos recueillis par Clara Luc