Interview de Camille Cottin

Maîtresse de cérémonie

Que représente le Festival de Cannes pour vous ?

Un moment assez unique où des cinéphiles du monde entier se retrouvent. C'est très émouvant. Tant parce que le Festival a été créé pour résister à l’emprise de la censure fasciste en 39 en se faisant appeler « le cinéma du monde libre », que parce qu’il continue d'agir sur nous comme fabrique à rêves, et que la mythologie des marches nous fascine encore. 

Que signifie pour vous le fait de venir aujourd’hui en tant que maîtresse de cérémonie et comment envisagez-vous votre rôle ?

C'est un honneur et une preuve de confiance à laquelle j'essaierai de répondre du mieux que je peux. J'ai l'impression que la maîtresse de cérémonie, comme son nom l’indique, se doit d'accueillir les festivaliers, les spectateurs et de les emmener avec douceur dans ce moment un peu hors du temps, avant d'accueillir le jury et que soit déclaré le Festival ouvert. Elle tire délicatement le rideau.

Avez-vous le trac ?

Oui. C'est une très grande salle de 2 300 personnes, et c'est en direct, retransmis dans le monde entier. J'essaierai de ne pas penser à tout ça avant d'entrer en scène, mais je pense que mon corps ne sera pas complètement docile face au trac… 

Ce rôle consacre votre parcours de comédienne qui a su allier le cinéma grand public et d’auteur, films français et films internationaux. Quel regard portez-vous sur votre carrière, et comment parvenez-vous à toujours vous réinventer (de bobo mal élevée à agent forte et frontale, de fille fêtarde à mère douce et femme déterminée…) ? 

J’ai encore beaucoup d’envies, de personnes avec lesquelles je rêverais de collaborer et d’histoires que j'aimerais porter. C'est une chance inouïe de faire ce métier et il y a tant de façons de le faire. J’ai le sentiment de continuer à apprendre sans cesse.

Y a-t-il chez vous une volonté de ne pas vous laisser enfermer dans un genre, une époque, un type de personnage... ?

Oui, c’est juste. Ça part d’une envie personnelle. La découverte d’un nouveau terrain de jeu est très exaltante, et enrichissante aussi. Et puis on évolue avec le temps et nos désirs aussi. 

« J’ai encore beaucoup d’envies, de personnes avec lesquelles je rêverais de collaborer et d’histoires que j’aimerais porter. C'est une chance inouïe de faire ce métier et il y a tant de façons de le faire. J’ai le sentiment de continuer à apprendre sans cesse. »

Étiez-vous une spectatrice du Festival ? Vous rappelez-vous des moments forts du Festival ?

J’ai en mémoire des moments forts auxquels je n'ai pas assisté, comme la fameuse phrase de Maurice Pialat, « Si vous ne m’aimez pas, je peux vous dire que je ne vous aime pas non plus », qui peut s'avérer utile dans plusieurs situations de la vie quotidienne... Sinon, il y a le doigt d’honneur de Tarantino, plus laconique, ou le discours de Benigni aussi...

Quels films avez-vous découverts grâce au Festival ?

Je me souviens avoir été profondément émue par Amour d’Haneke que j'ai vu au Palais des festivals l'année où il était en compétition.

Y a-t-il eu un film qui vous a donné l’envie d’être comédienne ?

Alors, petite fille, plein, mais c'était plus pour l’idée de porter de belles toilettes ! Après, plus âgée, je dirais que c’est La Leçon de piano de Jane Campion qui m’a donné envie de faire du cinéma. Holly Hunter y est magistrale, et ce film est un chef-d'œuvre. 

Quelle cinéphile êtes-vous ?

J'essaie d'être attentive au mode de fabrication et je finis toujours par me laisser emporter par l’émotion. Je n’ai pas de genre de prédilection. Mais il y a des réalisateurs que j'attends impatiemment comme Ken Loach, Jane Campion, Wes Anderson, Bong Joon-ho, Tarantino, Miyazaki ou George Miller qui sera présent à Cannes avec le dernier Mad Max.

La présidente du jury est Greta Gerwig, une comédienne et réalisatrice engagée, que vous inspire son parcours ?

Un respect immense. J’adore son cinéma, et j'adore l’entendre parler de ses films, de son rapport à l'image, comment son passé de danseuse l'influence dans ses mouvements de caméra et sa façon de filmer ses acteurs. Son processus d’écriture aussi. Ses films sont des bijoux de délicatesse et d'intelligence. 

Pouvez-vous nous dire deux mots de votre actualité ?

Je répète un seul-en-scène adapté d'un roman de Katharina Volckmer (Le Rendez-vous, adapté de Jewish cock), et je me prépare à partir en Arménie pour le premier long-métrage de Tamara Stepanyan, aux côtés de Zar Amir Ebrahimi et Claire Mathon.

Et cette année sortiront au cinéma le premier long-métrage de Simon Moutaïrou Ni chaînes, ni maîtres, ainsi que le film d'Emmanuel Mouret, Une honnête femme.


 

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