Entretien avec l'équipe de La Peste

Gilles Taurand (scénariste), Antoine Garceau (réalisateur) et les comédiens Frédéric Pierrot, Judith Chemla et Sofia Essaïdi se confient sur l'adaptation du roman d'Albert Camus.

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Les personnages 

Gilles Taurand : Camus disait que la peste sert de révélateur de l’âme humaine, pour le meilleur et pour le pire. Nous y avons beaucoup pensé dans la construction et l’évolution des personnages. Le Dr Joseph Grand, par exemple, est toujours à la recherche d’un mot qu’il ne trouve pas. Comme c’est assez difficile à transposer à l’écran, nous lui avons donné une surdité dont il se sert pour jouer l’espion. Il est le personnage type du collabo. À l’inverse, le juge Othon, qui au départ incarne une figure du “salaud”, passe par la rédemption. 

Frédéric Pierrot : Ce qui est intéressant dans ces personnages, c’est la tension entre leur combat collectif contre une épidémie comme la peste et la nécessité de retourner à des choses simples. 

Judith Chemla : Ce combat est porté par des figures comme le Dr Rieux quand d’autres personnages révèlent que, face à ces catastrophes, très peu d’individus embrassent avec intégrité la cause collective. 

G. T. : Face à la tragédie, la vraie nature de chacun prend le dessus. 

F. P. : L’idée d’un médecin sauveur est dangereuse et il faut lutter contre. Les médecins savent très bien qu’il y a des moments et des pathologies où il n’y a hélas plus rien à faire à part accompagner. Il faut retenir de Camus la modestie à effectuer son travail sans abandonner et sans rien attendre en retour. 

J. C. : Mon personnage, Lucie, représente un féminin au-delà du cliché. Lucie apporte une dimension artistique, une échappatoire par l’art qui reste la langue de Camus. Elle entre dans la résistance et elle raconte un engagement humain, une forme d’amour autre que romantique.  

Elle fait partie de ceux qui, dans la lutte contre le virus, sont en proie au désespoir et se sentent perdus. Nos tragédies personnelles ont plus de sens lorsqu’elles ne nous sont pas circonscrites. Elles participent à ce besoin de sauver les autres. Lucie est prête à abandonner les équipes médicales menées par Tarrou mais elle se décide à rester pour aider.  

Sofia Essaïdi : Nous nous rattachons tous à l’amour dans ce genre de situation. Il peut sauver face à l’adversité et c’est ce qui le rend aussi intéressant. 

G. T. : Un des premiers titres de La Peste était Les Séparés, qui posait la question de ce que devient l’amour lorsqu’on est séparé. Rambert est séparé de Laurence, Juliette Rieux s’en va en Italie. Nous avons choisi de développer ces relations. 

Le tournage 

Antoine Garceau : Nous avons voulu resserrer la narration : l’histoire commence le premier jour des vacances avec Lucie qui souhaite un bel été à ses élèves. La dernière scène du dernier épisode se déroule le jour de la rentrée des classes.  

La ville dans laquelle se déroule l’histoire n’existe pas vraiment. Nous avons fait le choix de l’inventer en partant de la typologie d’une station balnéaire du Sud. L’idée était de créer un lieu “universel” qui ne soit donc pas reconnaissable. De fait, nous avons tourné dans plusieurs villes du Midi comme Marseille, Aix et Nice. 

L'histoire 

F. P. : Nous avons organisé des lectures avec l’ensemble des acteurs. C’est un moment toujours très précieux où l’on peut se découvrir. Nous avons ressenti des émotions très fortes, grâce au travail des comédiens et de notre réalisateur.  

Pour la scène de la mort du fils du juge Othon, nous nous sommes mis à l’écart une demi-heure avant le début du tournage et nous avons pris le temps, tous ensemble, de relire ce passage. C’est un moment très difficile à jouer, qui dure en réalité tout un chapitre et qui a dû être condensé. 

Propos recueillis par Lucile Canonge

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