Entretien avec Charles Berling

pour L'enchanteur

Diffusé le 12 février à 21.10 sur France 2 et sur france.tv, L'enchanteur revient sur le mystère qui entoure Émile Ajar à la parution de son premier roman, La vie devant soi, et l'illusion créée par Romain Gary.

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Vous avez souvent questionné la notion d’identité dans vos œuvres, est-ce cette notion qui vous a attiré dans l’histoire de Romain Gary et de L’enchanteur

Oui, forcément. Le rapport entre la fiction et la réalité m’a toujours passionné. Un personnage comme Romain Gary, qui est très polymorphe, construit sa propre identité et s’en amuse.  

Gary était un hypocrite au sens grec du terme*, il y avait tout de même une vérité en lui, dans son engagement dans la Résistance, dans les sujets qu’il traite. Il faut trouver comment être amoureux de la vérité au travers de la fiction. 

Vous êtes un féru de littérature, vous écrivez vous-même, vous avez déjà lu des textes de Camus dans le cadre d’une exposition par exemple, vous interprétez aujourd’hui Romain Gary à la télévision, c’est important de continuer à faire vivre ces œuvres et ces personnalités ? 

Oui, pour moi il s’agit d’une des valeurs profondes de France Télévisions et du service public. Surtout lorsque l’histoire est racontée de manière ludique, car le film est palpitant et le scénario très bien écrit. Il y a un réel travail de dramaturgie. 

Ces auteurs sont des figures du XXe siècle, des visionnaires, et les écouter c’est comprendre ce que nous sommes aujourd’hui. C’est très important de donner envie au public d’aller les relire. Je joue d’ailleurs un spectacle autour des textes d’Hannah Arendt à La Scala, à Paris. Ces écrivains sont des lumières artistiques, pleines de nuances et de pensées. 

Une œuvre en particulier qui vous a parlé ? 

Dans Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable par exemple, on lit la description d’un homme qui a 60 ans qui a peur de l’impuissance, mais aussi du déclin de l’Occident, que nous vivons toujours de manière terrible aujourd’hui. Ce sont des histoires qui touchent quelque chose de très juste. 

Comment approche-t-on l’interprétation de quelqu’un qui a existé, qui a beaucoup pris la parole dans les médias, qui a déjà une présence très forte dans l’esprit de ceux qui le connaissent ? Cela laisse-t-il place à une part de liberté de jouer ? 

J’ai toujours pensé qu’il ne fallait pas se laisser intimider par le personnage que vous avez à jouer, même s’il est vivant. Quand je jouais Gary, c’était comme si j’étais accompagné par une présence fantomatique. J’ai joué Bergman et Badinter, c’est assez impressionnant, mais l’acteur est mû par une force qui le dépasse. 

Vous êtes-vous préparé pour ce tournage ? 

J'ai relu ou lu des œuvres que je n'avais pas lues, comme Éducation européenne, j’ai vu des archives. Le travail préparatoire, c’est aller chercher ce fantôme, de se laisser traverser par son œuvre. Les fantômes font partie de notre ADN, nous sommes tous fabriqués de nos ancêtres de manière collective et l’acteur doit aller chercher cette mémoire. 

* « Qui mime, fait semblant », ndlr.

Propos recueillis par Lucile Canonge

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