© Jean-Luc POLION
Nouveau magazine d'information

Sur la ligne

Jeudi 12 janvier à 23.00

Interview de Djamel Mazi et Christophe Kenck pour le nouveau magazine d’information Sur la ligne.

Quelle est l’ambition éditoriale de ce nouveau magazine ?

Christophe Kenck : Simplement aller à l’autre bout du monde et raconter des histoires d’hommes et de femmes de part et d’autre d’une frontière. Frontière qui peut être physique, comme pour le premier numéro, mais aussi psychologique, sociétale, environnementale.
Comprendre ce pur produit de l’homme qu’est la frontière. Car l’homme a toujours été nomade, mais, par peur de l’autre, il a décidé de se barricader avec une barrière.
Le titre Sur la ligne incarne bien cette idée d’être sur un trait où l’on peut aller de part et d’autre. Nous voulons montrer pourquoi des gens pas si différents se regardent finalement en chien de faïence, et ne se parlent pas.

En quoi se démarque-t-il aussi sur la forme ?

Christophe Kenck : Il se démarque par le fait que nous sommes deux à incarner le magazine. Djamel ne parle pas à la caméra, il me parle et je suis donc présent. Le téléspectateur découvre alors le visage de celui qui tient la caméra. C’est une volonté que j’ai eue quand j’ai imaginé ce magazine. J’ai intégré la deuxième caméra dans le concept pour voir nos échanges mais aussi nos doutes, nos interrogations.

Est-ce important que ce soit un magazine de la rédaction nationale ?

Djamel Mazi : C'est fondamental. C'est non seulement une fierté mais il faut dire aussi que les talents sont là. On a la chance d'être entourés de journalistes crédibles et très expérimentés. Cela envoie un message en interne : nous avons les capacités d'innover au sein de la rédaction nationale. Ça permet aussi de fédérer autour de ce nouveau projet. De nombreux journalistes sont venus nous voir pour nous soumettre des idées. C'est très enthousiasmant.

Comment s’est créé votre binôme ?

Djamel : Avec Christophe, nous nous sommes connus dès l'été 2016, lors du lancement de la chaîne franceinfo sur le canal 27. Nous avons eu l'occasion de travailler ensemble pendant deux ans et par la suite nous avons toujours souhaité innover et créer un projet ensemble. Avant l’été dernier, Christophe est venu me voir car la direction de  l'information et des magazines était à la recherche d'un nouveau magazine d'actualité internationale. Il m'a proposé son projet et j'ai tout de suite été séduit. J'avais confiance en sa grande expérience sur des zones compliquées à travers le monde et j'avais ce besoin de retourner sur le terrain. La direction a beaucoup aimé et a alors décidé de nous suivre dans cette aventure.

Christophe : Djamel a été une rencontre magique. À l’été 2016, je suis arrivé à franceinfo en tant que responsable d’édition. Je voulais enrichir mon expérience professionnelle et découvrir les coulisses de la fabrication d’un journal. J’ai alors travaillé avec Djamel et ça a été, comme on dit, « un coup de foudre professionnel » ! Quand je suis reparti, après deux années à franceinfo, sur les chemins du monde, on s’était juré de travailler ensemble. Ce nouveau magazine était cette opportunité. Nous avons mis en page un concept intitulé « Frontière » que j’avais imaginé il y a quelques années. La suite, vous la connaissez.

Quels sont les avantages de filmer avec un smartphone ?

Christophe : Je voulais des plateaux incarnés en séquences qui se fassent en une seule prise. Sans beaucoup de matériel, qui casse la spontanéité. Alors pourquoi pas des smartphones ? Tout en ayant une très bonne qualité d’image, ils permettent d’être plus discret, plus souple. J’avais ressenti la même chose quand je suis passé de la caméra d’épaule aux appareils photo/vidéo. Avec les smartphones, nous retrouvons cette liberté et aussi de la fluidité, car ils sont très bien stabilisés, donc parfaits pour tourner en séquences.

Pourquoi avoir choisi la frontière entre les États-Unis et le Mexique ?

Djamel : C'est l'une des frontières les plus connues à travers le monde. La frontière, et surtout le mur qui la dessine. Dans l'esprit des gens, il s'agirait de l'œuvre de l'ancien président Donald Trump, qui a souhaité publiquement ce mur et, de surcroît, le faire payer aux Mexicains. Or il n'en est rien aujourd'hui. Ce mur est la pure création de présidents aussi bien démocrates que républicains depuis le début du XXe siècle. Et puis il faut ajouter que ce mur est d'une grande cruauté pour de nombreuses familles. C'est pourquoi nous voulions raconter cette histoire.

Ce mur vous a-t-il convaincu de son efficacité ?

Djamel : Quand on empêche les gens de passer par la porte, ils passent par la fenêtre. En l'occurrence, nous avons constaté par nous-mêmes que les familles candidates à l'exil parviennent à le franchir coûte que coûte. En 2022, plus de 3 millions de personnes sont parvenues à le franchir illégalement. 600 000 d'entre elles sont restées aux États-Unis. Et puis, concernant le trafic de drogue, les cartels ont creusé de nombreux tunnels. Il y en aurait plus de 200 le long de la frontière.

Sans révéler le contenu de ce premier numéro, y a-t-il une personne ou une situation qui vous a plus particulièrement touchés ou, à l’inverse, heurtés ?

Djamel : Une fois par an, de nombreuses familles séparées ont l'occasion de se retrouver au niveau de la frontière. Ils ont seulement trois minutes pour se voir et s'embrasser grâce à des ONG et en accord avec les autorités. Une sorte de parloir géant à ciel ouvert. Toute l'équipe de tournage a pleuré ce jour-là. C'était déchirant.

Christophe : La rencontre avec Pacheco, qui vit au pied du mur côté mexicain avec sa femme, dans une maison insalubre et un quartier très pauvre de passeurs, avec finalement un pistolet sur la tempe. Car il faut dire que la ville est tenue par le cartel de Sinaloa, et leurs membres sont venus lui mettre la pression pour qu’il vende sa maison afin de construire un tunnel et y faire passer de la drogue. Il a tenu tête et j’ai été impressionné par son courage.

Avez-vous déjà un deuxième numéro en préparation ?

Djamel : Oui ! Nous repartons en tournage début janvier 2023. Ce sera une frontière assez différente pour le coup.

Christophe : Djamel a raison, nous repartons à l’autre bout du monde le 3 janvier. Et effectivement la frontière sera étonnante…

 

Propos recueillis par Béatrice Dupas-Cantet

Titre post médias

Pictogramme francetvpro
Pictogramme Phototélé
Pictogramme France.tv Preview
Pictogramme Instagram france 2