INFRAROUGE
Infrarouge

Au nom du père, du fils et du jihad

Documentaire - Inédit - Mardi 18 octobre 2016 à 23.15

La case «Infrarouge» est de retour avec un documentaire inédit signé Stéphane Malterre. Au nom du père, du fils et du jihad retrace l'histoire complexe d'une famille franco-syrienne installée en Belgique, dont l’un des fils est parti combattre en Syrie. Un documentaire saisissant.

Aussi controversée soit-elle, la famille Ayachi reste fascinante. Fascinante car elle demeure debout en dépit de ses multiples contradictions, au gré des époques, des modes et de l’histoire. C'est l'aîné, Abdelrahmane Ayachi, que le réalisateur Stéphane Malterre commence à filmer en Syrie, où ce Franco-Syrien est venu combattre le régime en place. À la mort de ce dernier, Stéphane Malterre se rend en Belgique et montre le reportage à la famille. À ce moment, il réalise que les Ayachi sont connus, très connus. Notamment par la figure du père, Bassam, appelé également Cheikh Bassam, qui a marqué les esprits partout où il est passé.

De l’insertion à la radicalisation
De la Syrie à… la Syrie, en passant par Aix-en-Provence, Djeddah, Molenbeek et Bari, Bassam Ayachi a essaimé ses discours religieux et/ou antigouvernementaux. Fuyant le régime d’Hafez el-Assad, Bassam s'exile en France et est ébloui par la révolution qui s’y déroule : mai 68. Une révolution non sanglante menée sans armes par un peuple qui défie le pouvoir en place. À Aix-en-Provence, où il poursuit ses études, il fait la connaissance de Pascale, étudiante également, qu’il épouse rapidement. Elle se convertit à sa demande. Plus tard, ils partent en pèlerinage à la Mecque, et la famille, qui s’est agrandie, s’installe plusieurs années à Djeddah, où Bassam Ayachi travaille pour une entreprise française. En parallèle, il prêche dans une mosquée des discours hostiles à la famille royale. En 1979, mêlé de près à un groupe de rebelles antimonarchistes qui prend en otage des centaines de pèlerins à la Mecque, Bassam est expulsé de l’Arabie saoudite après avoir purgé huit mois de prison.
De retour à Aix-en-Provence, il prône le vivre-ensemble, l’insertion voire l’assimilation, et crée par la suite une mosquée, où il prêche des sermons «pas politiques mais historiques ou moraux».
Dans les années 90, la famille s’installe à Molenbeek, où vit une importante communauté musulmane. Bassam Ayachi prend la tête du CIB, le Centre islamique belge ses prêches changent de ton et versent dans le radicalisme. L'homme éveille la curiosité de la police. En témoigne son autre fils, Abdallah : «Mon père avait une image en France d’un imam cool, et quand on est allés en Belgique, c’était plus l’image d’un intégriste, et ça dérange le gouvernement.» Le CIB est suspecté d’être un terreau de jihadistes, d’autant que Bassam Ayachi a marié l’un des futurs assassins du commandant Massoud. «Avec l’assassinat de Massoud, c’est là qu’ont démarré les problèmes», révèle Abdallah. Son père est longtemps soupçonné d’être l’instigateur d’une filière de moudjahidines en lien avec des organisations terroristes. Mais la police ne trouve pas de preuves le mettant en cause, et le CIB sera fermé en 2010. Entre-temps, le fils aîné, Abdelrahmane Ayachi, informaticien doué très demandé, bascule dans un radicalisme plus virulent que son père, ce qui lui vaudra procès et condamnations. Il part une première fois en Syrie dans les années 2000 et y retourne lors du printemps arabe en 2011, à la tête de l'une des coalitions salafistes, «Suqur as-Cham».

Quand l'élève dépasse le maître
Deux figures charismatiques se distinguent donc dans la famille Ayachi, le père et le fils. L’un a façonné l’autre, et le second a dépassé le premier. Si Bassam est suspecté d’être à la tête d’une filière islamiste, le fils, lui, prend les armes. Il se bat contre le régime de Bachar el-Assad pour instaurer un État islamique. Il ne craint pas une issue fatale, il la recherche même. Plus tard, sa mort en martyr parachève une vie sous le signe de la religion. Abdelrahmane, le fils prodige, a ébloui le père. Ce qui pousse ce dernier à continuer la lutte. « Il m’a dépassé. Maintenant, c’est moi qui dois y aller. » Il est désormais juge dans un tribunal islamique dans les lieux mêmes où son fils a perdu la vie lors d’un assaut.

Au nom du père, du fils et du jihad retrace les vies hors normes de certains membres d’une famille, régies plus précisément par le salafisme, un mouvement religieux de l’islam sunnite. Le documentaire dévoile les contradictions de cette famille, oscillant entre douleur et fierté, libre arbitre et fatalisme. Abdelrahmane déclare face caméra : « Je me sens aussi bien Français que Syrien. Je suis né et j’ai grandi en France. Je ne peux pas ne pas me sentir Français. » Il se bat néanmoins en Syrie pour un État islamique. Le père prône le vivre-ensemble en France, mais ses propos ont un ton bien plus radical en Belgique. Il a été suspecté, emprisonné mais est sorti blanchi. Le père continue la lutte de son fils, une lutte engagée également contre Daech dont il honnit l’état d’esprit. Stéphane Malterre pointe toutes ces contradictions et les retourne contre ses interlocuteurs qui, habilement, les éludent ou trouvent une réponse qui leur correspond.

Les images saisissantes du conflit syrien soulignent le courage du réalisateur, parfois en premières lignes, aux côtés des combattants. Il révèle ainsi les liens entre les différentes factions en place contre le régime syrien. Les images apocalyptiques ne présagent rien de bon quant à l’issue du conflit, d’autant plus que l’ombre de Daech plane à la fois sur ces combattants rebelles et sur le régime de Bachar el-Assad. 

Mona Guerre

Ecrit et réalisé par Stéphane Malterre
Produit par Cat & Cie
Avec la participation de France Télévisions
Avec la participation du Centre National du Cinéma et de l'Image Animée

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