LA TRAVERSÉE

La Traversée

Film - Lundi 21 mai 2018 à 20.50

Cinquante ans après, deux soixante-huitards, et pas n’importe lesquels, partent sur les routes pour prendre le pouls de la France d’aujourd’hui. Entretien croisé avec Daniel Cohn-Bendit et Romain Goupil, les auteurs-acteurs de ce road-movie surprenant.

Comment vous est venue l’idée de partir à la rencontre des Français ? C’était un désir commun de faire un film en duo ?

Romain Goupil : Au moment de la Coupe du monde au Brésil, Dany était parti en voiture sur les traces du grand footballeur Sócrates, et avait fait un film de rencontres qui a été diffusé par Arte. C’est ce qui a donné l’idée à la production de lui proposer une traversée de la France. Il ne voyait pas trop l’intérêt, mais leur a répondu qu’il acceptait si j’étais d’accord pour participer au projet. On a eu un premier rendez-vous en 2015. Je n’étais pas très chaud au départ, mais on a commencé à rêver avec Dany et à réfléchir à ce qu’on pourrait faire ensemble...

Le projet a mis du temps à mûrir…

Daniel Cohn-Bendit : On s’est mis d’accord pour réaliser le film mais on ne voulait pas d’un reportage qui serait diffusé juste après l’élection présidentielle. Romain avait besoin de plus de temps aussi. J’en avais assez de discuter sans arrêt autour du projet. Nous avons donc proposé à Nathalie Darrigrand (ndlr : directrice générale de France 5) l’idée d’une traversée à notre manière, celle de deux anciens soixante-huitards qui parlent de la France d’aujourd’hui. Un film qui pourrait être diffusé pour les 50 ans de Mai 68. Après, il a fallu négocier sur la durée du film… Et ça, c’est une autre histoire. On lui a présenté un programme de tournage et dit d’emblée que 52 minutes ce n’était pas possible. On a signé pour 90 tout en sachant que nous allions les dépasser. Lorsque Romain a fait son premier montage, nous étions à 4 h 20…

R. G. : Le film magnifique est celui-là ! J’ai toujours beaucoup de mal à couper. C’est la chair de ma chair. Après le premier visionnage et maintes discussions, nous nous sommes mis d’accord sur 2 h 20.

D. C.-B. : Là, ils ont été très intelligents à France 5, parce qu’ils ont décidé de diffuser le film dans la case cinéma du lundi, qui par définition est ouverte, ce qui nous a laissé plus de latitude.

Comment avez-vous défini votre itinéraire ? Vous avez laissé la place à l’improvisation ou tout était-il écrit à l’avance ?

D. C.-B. : Le film est un work in progress, c’est-à-dire que nous avons avancé pendant le tournage, qui s’est étendu sur une cinquantaine de jours entre avril et octobre. Mais nous avions déjà beaucoup discuté, travaillé et on connaissait la plupart de nos points de chute.

R. G. : On a travaillé d’une manière très étrange. Dany avait rendez-vous à Grenoble pour les états généraux des réfugiés et c’est dans le train que nous avons commencé à regarder les coupures des journaux et à les classer par dossiers : hôpitaux, révolte des prisons, écoles… Petit à petit les idées sont nées.

D. C.-B. : Nous nous sommes penchés sur des sujets qui nous interpellent et qui sont dans l’espace public. Nous voulions aussi parler du service public. Nous avons fixé un certain nombre d’étapes, mais notre but n’était en aucun cas de démontrer quoi que ce soit. L’idée était vraiment de partir à la rencontre des gens.

Ça n’a jamais été compliqué de vous mettre d’accord ?

R. G. : Ce film est dans l’esprit de 68 : on va débattre en permanence, il va évoluer en fonction de discussions tout à fait collectives. On était trois sur le tournage (avec Valéry Gaillard qui tenait la deuxième caméra). On a discuté des dossiers ensemble, des plans que l’on devait faire ou pas ; on a regardé les images ensemble. On était tout le temps ensemble, on a tapé l’incruste chez les copains… C’était un peu comme si l’on avait 18-20 ans.

On ne sait jamais où vous êtes. Est-ce un parti pris ?

D. C.-B. : Oui, c’était ça l’idée, parce que si on dit qu’on est à Tourcoing ou ailleurs, on peut alors se demander pourquoi pas à côté. On est AVEC des gens, dans le Nord, ou dans le Sud, peu importe. Ce qui nous intéresse, ce sont les gens qui vivent dans un endroit. Quand on est dans la Scop dans le Sud, on n’a pas besoin de dire qu’on est à 10 kilomètres de Carcassonne. Ce sont les individus et leur combat qui sont intéressants.

Comment s’est déroulé le tournage ?

R. G. : On a décidé de tourner avec deux caméras, ce qui normalement complique tout. En plus, on est toujours l’un dans le champ de l’autre… Après, il a fallu trouver quelqu’un avec qui il y ait une entente parfaite, sachant que ni Dany ni moi ne sommes faciles. Valéry était au-delà de tout ce qu’on pouvait espérer. L’utilisation des deux caméras, c’est ce qui va faire aussi l’étrangeté et la réussite de ce film, qui pour moi n’est pas un film sur l’identité, la fragmentation de la France, mais un magnifique portrait de Dany avec la France. C’est tours et détours d’un vieil enfant de 68, avec moi bien sûr.

Il y a une séquence étonnante avec le président Macron…

D. C.-B. : Oui, mais on préfère garder la surprise. C’est le seul moment où Romain et moi nous sommes vraiment engueulés pendant le tournage.

R. G. : Et cette engueulade va donner une séquence géniale pour le film !

Beatriz Loiseau

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FESTIVAL DE CANNES

Présenté en séance spéciale lors du prochain Festival de Cannes, qui aura lieu du 8 au 19 mai, le film sera également décliné en cinq programmes courts de 8 minutes qui seront diffusés sur France 3 Île-de-France, du lundi 28 mai au vendredi 1er juin à 10.30.

LA TRAVERSÉE

Un film rêvé par Daniel Cohn-Bendit et réalisé par Romain Goupil

Format 140 min

Production Siècle Productions, avec la participation de France Télévisions

Année 2018

Valérie Blanchet
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