YAM QUAND L'IGNAME RACONTE LES HOMMES
PATITIFA

Yam quand l'igname raconte les hommes

Documentaire - Le lundi 24 avril 2017 à 19h30 - Sur Polynésie 1ère

L’igname n’est pas qu’un délicieux aliment de base. Dans la culture mélanésienne, ce légume-racine est investi d’un important capital symbolique. De l’archipel du Vanuatu aux îles Salomon, de la Nouvelle-Calédonie à la Papouasie-Nouvelle Guinée, il accompagne les grandes étapes de la vie humaine, de la naissance à la mort. Matéo vous propose d'en apprendre davantage sur cette culture voisine à la nôtre, le lundi 24 avril dès 19h30 sur Polynésie 1ère.

Sur l’île de Tanna, au Vanuatu, un grand jour se prépare. «Chaque année, le 1er avril, nous prions la nouvelle igname, explique Raymond Senea, le chef du village d’Ianarawia. On doit d’abord ouvrir un chemin pour notre ancêtre Matitiki. C’est une sorte d’homme que l’on ne voit pas : il est invisible.» Gardien de la magie de l’igname, Bernard Sero décrit ce qui se prépare : «Nous allons prendre les pierres ; elles représentent les étoiles et les signes. Si ces derniers sont bons, les ignames auront une bonne qualité.» Annonçant tout à la fois la fin d’un cycle et le renouveau, le rituel permet au clan d’«entrer dans la coutume». Il s’accompagne de chants et de danses, qui racontent l’alliance entre les hommes et l’igname. Symbole de fertilité, de puissance créatrice et d’honneur, le légume-racine tient une place à part dans la culture des peuples premiers des archipels océaniens. Sur l’île corallienne de Santa Catalina, aux Salomon, les femmes la cultivent sur les hauteurs, au milieu de la forêt. «L’igname est comme un enfant : on doit prendre soin d’elle avec bienveillance», rappelle l’une d’elles. «Ici, à Santa Catalina, précise Sias Maka’a, un villageois, elle est très importante, car on l’utilise dans les initiations des jeunes garçons pour qu’ils deviennent adultes.»

Quand des aliments venus d’ailleurs, d’Europe ou d’Asie, comme le riz, sont arrivés dans les îles du Pacifique, les comportements alimentaires ont changé. La culture de l’igname aurait pu disparaître et avec elle un patrimoine immatériel unique. «L’implication des gens dans les cérémonies coutumières était totalement perdue, se souvient George Qwarea, chargé culturel de Santa Catelina. Entre les années 1990 et 2000, il n’y avait plus de maisons coutumières, plus de pirogues traditionnelles. Mais nous les avons fait renaître !» Moyen de paiement, d’échange et de remerciement, l’igname est en Nouvelle-Calédonie, à Maré par exemple, au cœur de la cérémonie du mariage. Offerts aux jeunes époux, les longs tubercules noirs matérialisent également l’appartenance au peuple kanak. «Ce qui bloque le mariage coutumier, regrette Robert Ngazo, chef de Hnadide, c’est l’argent… Une personne riche oublie la coutume, la néglige, alors que la coutume n’a pas de prix.» Sacrée en Papouasie-Nouvelle-Guinée, où elle permet d’honorer la mémoire des défunts, l’igname atteste de la valeur d’un leader, assure Pino Kais : «À Maprik, celui qui récolte une longue igname devient un grand homme, le chef de la communauté, car il est le meilleur.»