Pétra : au royaume des femmes

Les régions montagneuses de l’actuelle Jordanie et le désert de l’Arabie saoudite abritent les vestiges de deux magnifiques cités, bâties par les Nabatéens bien avant notre ère : Pétra et Hégra. Ce peuple a laissé peu de traces de son histoire, mais des découvertes récentes et les inscriptions sur les extraordinaires tombeaux et temples sculptés à même la roche révèlent peu à peu les secrets de cette civilisation méconnue.

Dans l’Antiquité, le désert d’Arabie est au cœur d’un vaste réseau commercial qu’empruntent les caravanes transportant toutes sortes de marchandises, dont certaines précieuses, tels l’encens et la myrrhe. Des produits très demandés car ils servent alors à la fabrication de remèdes et à la pratique de rituels religieux. Nomades à l’origine, les Nabatéens savent parfaitement où se trouvent les sources d’eau indispensables à la survie dans ce milieu hostile. Grâce à leur connaissance du terrain, ils font la route en un temps record. « Tirant parti de leur emplacement dans la région, ils se sont vite enrichis », explique Glenn Corbett, un chercheur américain.

Peu à peu, ils se sédentarisent et commencent à construire des villes qui leur permettent d’asseoir leur contrôle sur le commerce et les axes menant vers les ports de la Méditerranée. En 150 avant J.-C., les Nabatéens sont à la tête d’un royaume prospère. Pétra compte alors 30 000 habitants, « à en juger par la taille de son théâtre ; c’est donc une ville majeure », selon l’archéologue Khairieh Amr. Taillée dans le grès rouge, difficile d’accès, la cité est approvisionnée en eau grâce à un système hydraulique moderne et astucieux. Ils transforment ainsi une étendue aride en une véritable oasis.

À 500 kilomètres de là, au sud de leur territoire, une autre grande cité, façonnée sur le même modèle, voit le jour : Hégra. Sur les deux sites subsistent des temples dédiés aux divinités, toutes féminines, indiquant le statut privilégié dont semblent bénéficier les femmes dans la société nabatéenne. Une hypothèse confirmée par les inscriptions sur de nombreux tombeaux, ainsi que sur des manuscrits retrouvés dans une grotte. Elles jouissent d’un pouvoir considérable, assument parfois d’importantes fonctions de protectrices, sont indépendantes et possèdent les mêmes droits de propriété que les hommes. Une condition que l’on pourrait leur envier encore aujourd’hui.

Beatriz Loiseau