REQUIEM POUR UNE TUEUSE

Requiem pour une tueuse

Cinéma

Spécialisée dans l’usage des poisons, et passionnée d’Opéra, Lucrèce, la tueuse à gages, va devoir s’acquitter d’un contrat difficile au coeur des Alpes Suisses.

Sous les traits d’une jeune chanteuse lyrique, Lucrèce doit se produire sur la scène du très select Festival d’Ermeux et tenter d’y abattre l’un de ses partenaires : le bariton britannique Alexander Child. Ce dernier, devenu récemment propriétaire d’une distillerie en Écosse, demeure le seul obstacle à un projet de pipeline stratégique, aux enjeux économiques considérables. Il vient de gagner un long bras de fer juridique contre la British Oil, qui n’a plus d’autre choix que de l’éliminer.

Pour compliquer le tout, le contre-espionnage français, informé de ce contrat, envoie Rico, ancien du Service Action, pour s’infiltrer dans l’orchestre, démasquer et effacer tous ceux qui en veulent à Alexander Child.

Rico n’a aucune information sur la tueuse et il aura bien du mal à la localiser au milieu d’une galerie de portraits : un chef d’orchestre odieux, un ténor particulièrement orgueilleux et un directeur de festival étrangement stressé…

Au rythme des répétitions du sublime Messie de Haendel, c’est donc un chassé-croisé haletant qui commence…  et pourrait bien finir en Requiem… pour une tueuse ! 

REQUIEM POUR UNE TUEUSE

Durée : 1h31

Scénario et Réalisation : Jérôme Le Gris

Avec : Mélanie Laurent, Clovis Cornillac, Tcheky Karyo, Xavier Gallais, Christopher Stills, Corrado Invernizzi, Michel Fau, Frédérique Tirmont, Johan Leysen

Production : Alain Terzian, Alter Films

Année : 2011

Entretien avec Mélanie Laurent, interprète de Lucrèce

Qu’est-ce qui vous a donné envie de jouer dans Requiem pour une tueuse ?

Je connais Jérôme Le Gris depuis longtemps. À l’époque où Je vais bien, ne t’en fais pas n’était pas encore sorti, il voulait déjà réaliser un film dans lequel il m’avait proposé un très joli rôle. Même si le film n’a pas pu se monter, j’ai tout de suite cru en lui, en son univers. Sa passion et ce qu’il est humainement m’ont plu. Nous sommes restés en contact et j’ai toujours gardé l’envie de travailler avec lui. Je crois beaucoup à ce que je ressens des gens. C’est souvent ce qui motive mes engagements. Je préfère de loin privilégier des choix instinctifs basés sur ce que j’éprouve que sur des critères carriéristes qui me pousseraient à accepter les propositions venues d’Hollywood. Des années plus tard, Jérôme m’a donné le scénario de Requiem pour une tueuse en m’annonçant que j’étais le personnage principal ! Malgré l’a priori positif que j’avais pour ce qu’il me proposait, si je n’avais pas été séduite j’aurais eu la franchise de le lui dire. Mais en lisant l’histoire, en sachant tout ce que Jérôme pouvait donner au film, j’ai tout de suite accepté.

Qu’avez-vous pensé du scénario ?

Faire un polar pour faire un polar ou jouer une simple tueuse n’aurait pas été forcément très intéressant, mais il y avait autre chose. Ce sont des tueurs, ils ont tous des cibles différentes, et leurs rapports sont très atypiques. Jérôme joue avec les codes du thriller, mais le facteur humain va surgir et changer la donne. Pour chacun, les enjeux vont au-delà d’une simple mission. Tous les protagonistes ont des zones d’ombre, des secrets. Tous ont des motivations qui dépassent leur contrat. Chacun se retrouve dans la ligne de mire de l’autre et rien ne se passe comme prévu. Ce ne sont plus des machines implacables. On se retrouve du coup avec des scènes très humaines, un peu à la Sautet, dans un univers de thriller et de polar. Le film est un mélange original, avec de l’émotion, de l’humour et un vrai rythme. C’était perceptible dès la lecture et le film apporte encore une richesse de mise en scène.

Pouvez-vous nous parler de votre personnage, Lucrèce ?

C’est une tueuse à gages d’un genre particulier. Sa spécialité consiste à ne laisser aucune trace, à faire passer la mort de sa cible pour naturelle. Ses exécutions sont toujours plus complexes qu’un simple assassinat. Elle est spécialiste en complots de haut vol. C’est un personnage qui ne parle pas beaucoup. Lucrèce a un côté introverti, presque timide qui contraste avec ce qu’elle fait. C’est une jeune femme discrète. Lorsqu’elle arrive au festival où elle est censée être chanteuse lyrique, elle ne s’invente pas un personnage exubérant. Elle reste sur la réserve, au point de risquer de griller sa couverture. C’est sa nature. C’est un autre aspect qui rend le film intéressant. Le chant, qui est sans doute l’activité la plus personnelle et la plus vraie de sa vie, fait surgir le facteur humain là où il ne devrait pas avoir sa place. On découvre et on comprend Lucrèce au fur et à mesure que l’histoire avance. Ses clés sont toutes affectives, et de nombreuses questions restent en suspens dans sa vie. Elle est certainement, dès son plus jeune âge, devenue très intérieure, un peu enfermée dans son propre esprit. Cela explique sans doute son peu d’exubérance. Cela pourrait la faire passer pour glaciale, mais c’est juste une attitude qui lui permet de se concentrer pour tout analyser autour d’elle.

Lucrèce est coincée dans une vie qui la met de plus en plus mal à l’aise. Elle souffre de ce rapport avec sa petite fille, difficilement assumé, parce qu’elle ne supporte plus d’être si souvent éloignée pour ses contrats.

Finalement, c’est un peu la même chose pour les actrices - les crimes en moins ! On enchaîne les films, au risque de passer parfois un peu à côté de la vie.

Comment avez-vous abordé le personnage ? Vous sentez-vous proche de lucrèce ?

Elle est très différente de moi. Je suis beaucoup plus heureuse qu’elle. Ce qui la définit, c’est une ligne, une image dont elle ne s’éloigne jamais. C’était très intéressant à construire. Je n’avais jamais joué de personnage sur ce registre. Jamais un sourire qui vienne du coeur, jamais un éclat de rire spontané, toujours très intérieure. Pour moi qui ris beaucoup, m’enlever cela change déjà énormément l’image. C’est aussi un rôle plus mature que ce que j’ai eu l’occasion de jouer jusque-là.

C’est la première fois que j’assume un côté femme, et Jérôme le souhaitait aussi.

Nous avons aussi beaucoup travaillé la façon dont Lucrèce observe et réagit. Quand elle regarde quelque part, elle le fait directement, sans hésiter, jamais au hasard. Même chose pour ses gestes. Elle ne papillonne pas, elle se comporte un peu comme un oiseau de proie, elle cible tout. Dès qu’elle pose son regard sur quelque chose, on sait qu’elle réfléchit. C’était très précis et très agréable à jouer. Je trouve que du coup, face à des personnages plus extravertis comme le directeur, joué par Xavier Gallais ou les autres participants du festival,

Lucrèce devient encore plus énigmatique.

Votre personnage a aussi beaucoup de style. Comment l’avez-vous mis au point ?

Elle a un côté années cinquante, une silhouette très dessinée, avec quelque chose de félin qui correspond bien au jeu de chat et de souris qui se déroule. Nous avons d’abord travaillé l’apparence, la coiffure et le maintien. Je me tiens très droite, j’ai une coupe au carré et Jérôme a beaucoup travaillé la lumière. Sur ce film, pour la première fois, j’avais mon maquilleur et mon coiffeur avec qui d’habitude, je fais plutôt des photos de mode. Ils ont amené autre chose à mon look. Rien que le maquillage est plus mode que ce qui se fait d’habitude. Cela apporte une touche qui ne se remarque pas mais qui se ressent.

Toutes mes tenues, mes robes ont été choisies chez Balenciaga. Le personnage avait aussi quelques scènes où il était possible de jouer une apparence, une allure assez rare dans le cinéma français et que je n’avais jamais eu l’occasion d’explorer avant. Jérôme a toujours cherché à le valoriser. C’est très agréable pour une actrice.

Lucrèce est aussi une chanteuse lyrique. comment avez-vous préparé cet aspect ?

Une nouvelle fois, il m’a fallu travailler une facette que je ne maîtrisais pas du tout. Le chant est quelque chose qui implique tout le corps, le visage et la gorge en particulier. Il est impossible de se contenter de bouger les lèvres. Pour la crédibilité physique des scènes, je devais chanter réellement, même si ce n’est pas ma voix que l’on entend. J’ai donc pris des cours et je m’y suis consacrée d’autant plus intensément qu’à la même époque, je préparais mon propre album de chansons. Deux aspects de mon travail se rejoignaient sur cette préparation. Pour le film, j’ai surtout fait des exercices, travaillé la respiration et la tenue du souffle. Dans le Messie de Haendel, il y a des notes qui durent longtemps et même si je ne chante pas comme un contralto, les reprises de souffle et la tenue sont authentiques. Un vrai travail d’apnée !

Comment avez-vous travaillé avec Clovis Cornillac et Tcheky Karyo ?

Ce sont deux comédiens que j’aime beaucoup. Alain Terzian, le producteur, a eu l’élégance aujourd’hui trop rare d’organiser un dîner avec eux, Jérôme et moi pour que nous puissions apprendre à nous connaître avant de travailler ensemble. Au-delà de leurs qualités professionnelles, j’ai découvert l’humour de Tchéky et le côté très humain de Clovis. Avant ce dîner, j’étais déjà impatiente de faire le film mais après, c’était pire !

Dans le jeu, leurs personnages et le mien n’ont pas du tout le même type de rapport. Tcheky joue mon mentor, mon agent - aussi bien pour les contrats qu’au festival - et il détient certaines clés de mon passé. Nous avons quelques scènes très fortes. Clovis est un peu un collègue, une menace, mais peut-être une solution… La richesse de notre relation est un des moteurs du film. Tourner avec les deux a été un vrai plaisir. Le personnage de Lucrèce ne va pas souvent au bout de ses émotions et lorsqu’elle y va, c’est avec le personnage de Clovis et celui de Tcheky. J’attendais ces scènes avec beaucoup d’envie. Difficile d’en dire plus sans dévoiler l’intrigue mais elles ont été fantastiques à tourner.

En visionnant le film terminé, qu’avez-vous découvert que vous n’aviez pas anticipé ?

Malgré la connaissance que j’avais du projet, le film m’a quand même surprise et donné encore plus que ce que j’espérais. Le premier point concerne les acteurs. On ne s’en rend pas compte lorsque l’on tourne dedans, mais l’alliance des personnalités est incroyable. Tous les rôles, principaux ou secondaires, existent et ont une vraie épaisseur.

L’autre point concerne l’aspect visuel. Le film est extrêmement léché, avec des plans superbes, des effets de mise en scènes, des mouvements de caméra assumés, dans un environnement très esthétique.

Même dans les scènes formelles, Jérôme arrive à mettre en scène avec élégance sans jamais perdre son propos ni devenir esthétisant. Découvrir le film était une vraie surprise parce que, contrairement à ce que laisse penser l’image, nous avons tourné en région parisienne et les montagnes ont été incrustées ensuite. Même si nous avions un très bel espace pour jouer, nous n’avions pas du tout la sensation d’air frais et de nature immense et oppressante que donne le film. En le voyant, j’ai pris conscience du rythme, de ce que la mise en scène de Jérôme apporte au fonctionnement de son histoire. Je me suis aussi aperçue de la parfaite maîtrise de la mécanique du récit. Le film de Jérôme ressemble à une sorte de Cluedo dont les règles auraient explosé. Tous les personnages sont à tiroirs, avec des jokers dans la manche, et la partie se joue vite, se compliquant à chaque fois un peu plus.

Que retiendrez-vous de ce film ?

Ce fut un tournage heureux et un projet qui me tenait vraiment à coeur. Sachant que j’allais moi-même passer à la réalisation, j’observais le processus de fabrication avec encore plus d’attention que d’habitude. J’ai même fait des mini stages avec tous les chefs de poste. J’ai travaillé le son, fait des changements de filtres à la caméra, le clap et j’ai même tourné un plan avec le steadicam qui doit faire mon poids !

Le jour de mon dernier plan, j’étais triste que le tournage se termine. Tout s’est tellement bien passé que je vais jouer dans le prochain projet de Jérôme. Je trouve qu’il fait du vrai cinéma.

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