Des Brésiliens obèses à la plage.
Le Monde en face

Malbouffe sans frontières

Documentaire - Mardi 15 mars 2016 à 20.40

Alors que le nombre d’obèses ne cesse de croître dans le monde, les multinationales de l’alimentaire rivalisent d’ingéniosité pour attirer les consommateurs. Objectif : fidéliser, notamment les plus jeunes, à des produits industriels dont l’impact néfaste sur la santé n’est plus à prouver. Chronique d’un désastre sanitaire annoncé.

Depuis une quinzaine d’années, dans les pays occidentaux, les campagnes de prévention se multiplient pour alerter sur les risques de la « malbouffe ». En France, une loi votée en 2004 encadre désormais le marketing alimentaire, interdit auprès des plus jeunes. Sous la pression des pouvoirs publics, les industriels ont accepté de réduire les taux de sucre, de graisses saturées et de sel dans leurs produits. Ce qui ne les empêche pourtant pas de cibler de nouveaux consommateurs sur Internet, où la publicité est nettement moins contrôlée… Mais c’est surtout dans les pays émergents que les grands groupes développent leur marché, grâce à des stratégies qu’ils n’ont souvent plus le droit d’utiliser en Europe ! Avec des conséquences dramatiques sur la santé des populations.

Un marketing alimentaire offensif

Au Brésil, où, loin des images d’Épinal vantées dans les publicités, un adulte sur deux est en surpoids et un sur sept, obèse, certaines marques n’hésitent pas à démarcher dans les écoles maternelles et primaires. Pour Ekaterina Karageorgiadis, avocate d’une association de consommateurs, « le marketing abusif est l’un des principaux responsables de la hausse de l’obésité. […] Les enfants boivent beaucoup de soda dès 2 ans, parfois même au biberon. Les parents leur donnent ce genre de boissons parce qu’ils se disent que si c’est autant mis en avant par la pub, ça ne peut pas être nocif ». Dans ce pays qui constitue le troisième marché pour Coca-Cola, il n’existe pas de législation limitant le marketing alimentaire. La célèbre marque rouge fidélise ses clients, notamment en sponsorisant des événements sportifs dans des établissements scolaires.

Même méthode pour McDonald’s qui envoie Ronald, son clown fétiche, faire des spectacles chez les tout-petits depuis vingt-sept ans. Une pratique légale mais controversée. L’an dernier, la plainte d’une association a conduit le procureur de São Paulo à adresser une mise en garde au secrétariat d’État à la Santé, qui n’a pas donné suite.

Autres pays, même problème

Avec son milliard et 270 millions d’habitants, l’Inde représente un véritable eldorado pour les multinationales de l’alimentaire en quête de nouveaux marchés. Mais, ici, la nourriture n’est pas chère, alors, pour vendre, les grandes enseignes occidentales tablent sur l’opacité et les produits « low cost ». Leurs spots télévisés encensent sans cesse la « qualité internationale » et ça marche, en particulier auprès de la classe moyenne.

Des Indiens en train de manger des pizzas

Les Indiens sont de plus en plus adeptes de junk food. © Babel Productions

 

Dans ce pays, où beaucoup souffrent encore de malnutrition, 30 % des adolescents sont en surpoids. Un chiffre multiplié par deux en à peine cinq ans. Comment ne pas être tenté par la nouveauté, l’exotisme d’un sandwich ou d’une pizza venus d’ailleurs et proposés à moins de 1 euro ? Mais, à ce prix, les produits de Domino’s, de McDo ou de KFC sont-ils identiques à ceux que l’on trouve en Europe ou aux États-Unis ? Après analyse dans un laboratoire, la surprise est de taille : le McChicken est 2,5 fois plus sucré, les Hot Wings de KFC contiennent 3 fois plus de graisses et les frites, 10 fois plus de sel que dans l’Hexagone. Quant à la pizza au fromage de Domino’s, elle comporte 52 grammes de graisses et pas un de… fromage. Des taux inenvisageables aujourd’hui dans les pays occidentaux. Si, en Inde, les multinationales profitent de l’absence de législation, en France et ailleurs, elles tentent de la contourner en s’adressant aux plus jeunes à travers les réseaux sociaux. Depuis dix ans, elles développent des jeux mettant en scène les différentes marques : les advergames. Et sur le Net, pas de mentions sanitaire ni publicitaire obligatoires.

En 2008, les vingt principaux groupes alimentaires se sont engagés à limiter la pub, advergames compris, auprès des enfants de moins de 12 ans. Il y a quelques mois, ils ont annoncé l’adoption, à partir de 2018, de critères nutritionnels communs applicables dans le monde entier. Mais aucune sanction n’a été prévue en cas de non-respect de ces décisions.

Beatriz Loiseau

Documentaire

Durée 52 min

Réalisation Camille Le Pomellec et Victoria Alvares

Production Babel Doc, avec la participation de France Télévisions

Année 2015

 

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