DANS LES YEUX D'OLIVIER

Dans les yeux d'Olivier – Saison 7

Traqués
Magazine - Inédit - Mardi 5 septembre 2017 à 23.35

Il y a une vingtaine d’années, le compagnon de Rachel a assassiné son père et agressé sauvagement la jeune femme et sa mère. Il pourrait sortir de prison dans deux ans et ne désarme pas... À cause de ses prises de position, Zineb, journaliste franco-marocaine, a été condamnée à mort par des islamistes radicaux... Éric, gardien de prison, a dénoncé les agressions commises par certains de ses collègues sur des détenus. Il l’a payé très cher. Olivier Delacroix est parti à la rencontre de femmes et d’hommes menacés, harcelés, surveillés mais qui luttent pour leur liberté.

Quelle est l’origine de ce film ?
Je m’intéresse depuis longtemps à la mafia et au crime organisé, ce qui m’a amené à devenir très ami avec Jérôme Pierrat, l’un des spécialistes français de cette question. Un jour, nous parlions de Roberto Saviano*, avec qui il est en contact. Jérôme me disait à quel point sa vie est un véritable enfer. Je me suis demandé si on ne pourrait pas faire un film sur cet homme. Cela s’est avéré finalement trop compliqué, ne serait-ce que parce que Saviano parle assez mal le français, ce qui n’est pas un mince détail dans cette émission qui s’intéresse avant tout à la parole. Mais en en reparlant avec toute l’équipe, nous nous sommes dit qu’il était peut-être dommage d’abandonner totalement ce thème. Il fallait l’éprouver un peu, voir s’il tenait bon. Tout le monde connaît des histoires de femmes espionnées ou poursuivies par un mari ou un amant jaloux. Pouvait-on aller au-delà de ça ? Trouver des histoires assez riches, assez diverses pour, comme à notre habitude, couvrir le plus largement possible cette thématique ?

Rachel, Zineb, Éric, leurs proches, leurs parents... Qu’est-ce qui pousse ces gens à témoigner ?
Chacun d’entre eux refuse la violence et l’injustice qui le frappent et qui sont motivées par des attitudes – l’intolérance, le racisme, la jalousie, la vengeance – rétrogrades et potentiellement barbares. Ils ont conscience que la liberté est un bien précieux mais fragile, qu’il faut la défendre pied à pied. Ce sont des obstinés qui ne se résignent pas à se laisser marcher dessus ni à se laisser imposer leur conduite. Je crois que leurs témoignages sont guidés avant tout par ce que j’appellerais un militantisme humaniste.

Mais ce film risque d’être regardé éventuellement par des personnes – ou des institutions – mises en cause par ces témoins. Est-ce une question qui a été abordée ?
Bien entendu. On ne pouvait pas l’ignorer. Le cas sans doute le plus exemplaire est celui de Rachel. Son ancien compagnon, actuellement en détention pour le meurtre de son beau-père, a promis de s’en prendre à elle et à sa mère à sa libération. L’émission sera évidemment diffusée en prison. Mais, pour Rachel, le choix de témoigner est totalement réfléchi et assumé. Elle a monté une pièce de théâtre sur son histoire, elle va peut-être en tirer la matière d’un livre. Son point de vue – que je partage – est que le fait de parler, de sortir du silence, de la peur, voire de la culpabilité, de raconter ce dont on a été victime, finalement, vous protège. Cela crée de l’empathie chez les autres, du respect, de la sympathie, peut-être même une sorte de « ceinture » de personnes susceptibles de vous aider. Est-ce qu’on s’attaque si facilement à quelqu’un qui témoigne la tête haute ?

Il est trop tôt pour préjuger de ce que sera l’avenir pour ceux qui témoignent dans ce film. Mais, plus généralement, arrive-t-il que des témoins vous recontactent pour vous raconter ce qu’ont pu être les répercussions d’un tournage et surtout d’une diffusion ?
Très souvent. Compte tenu de la force de ce qui se passe durant un tournage entre mon équipe et les témoins – on passe trois ou quatre journées ensemble, 12 heures par jour, on déjeune ensemble, on dîne ensemble, on accueille une parole très précieuse –, je ne peux pas envisager qu’il n’y ait pas un après et que les choses s’arrêtent là. On se reparle dans les semaines, les mois qui suivent, je réponds à leurs questions, parfois à leurs inquiétudes, je prends des nouvelles, je passe beaucoup de temps au téléphone, vous savez, je suis une véritable pipelette [rires]. Après la diffusion, certains liens perdurent et se transforment parfois en amitié. Je pense à Anne-Gaëlle. Nous l’avions rencontrée Pour un certain regard sur France 4, qui constituait les prémices de Dans les yeux d’Olivier. Elle avait été un homme, avait décidé un jour d’avouer à ses proches se sentir une femme depuis toujours, était partie en Thaïlande subir une opération. À son retour, c’était Anne-Gaëlle. La diffusion de ce sujet, puis celle d’un autre que nous lui avons consacré dans la saison 3 a bouleversé beaucoup de téléspectateurs, notamment sa femme et ses enfants qui ne lui parlaient plus depuis des années. Chaque fois que je suis de passage à Toulouse, nous déjeunons ensemble et je me réjouis que la suite ait été aussi positive pour elle.

Dans les yeux d’Olivier change la vie des gens ?
Non. Ce serait prétentieux de notre part de le prétendre. Et un peu déplacé. Nous ne sommes pas là pour ça. Disons plutôt que, quand les témoins viennent s’exprimer devant des millions de téléspectateurs et d’internautes, cela doit être totalement mûri et assumé. Tout est prêt alors chez eux, autour d’eux, dans leur tête pour que les choses puissent changer dans leur existence.
 

Propos recueillis par Christophe Kechroud-Gibassier

 

* Écrivain et journaliste italien, Roberto Saviano s'est rendu célèbre pour avoir décrit précisément les milieux mafieux, notamment dans son œuvre Gomorra (2006). Il vit désormais sous protection policière permanente.

Présenté par Olivier Delacroix
Produit par MFP et Tesséo Prod
Avec la participation de France Télévisions

Pictogramme francetvpro
Pictogramme Phototélé
Pictogramme France.tv Preview
Pictogramme Instagram france 2