MAI 68, LES COULISSES DE LA REVOLTE

Mai 68, les coulisses de la révolte

Documentaire - Dimanche 25 mars 2018 à 20.50

À l’occasion du cinquantenaire de Mai 68, l’auteur de ce documentaire, Patrice Duhamel, retrace, à partir de témoignages inédits, les principaux épisodes de cette révolte historique. Ce film plonge dans les coulisses du pouvoir et interroge des leaders étudiants et lycéens, des envoyés spéciaux des radios périphériques et des journalistes en grève de l’ORTF. On y retrouve aussi les témoins de la folle journée de Baden-Baden qu’ils ont vécue heure par heure…

Tout a commencé le 22 mars 1968, à la faculté de Nanterre, lorsque les militants ont décidé d’occuper l’administration. La jeunesse s’est aussitôt mobilisée autour de Daniel Cohn-Bendit, qui deviendra le grand leader de ce mouvement révolutionnaire. « On avait ensemble, dans notre groupe, une intelligence de l’événement qui faisait que, tous ces potentiels de révolte, on a su les animer », confie-t-il.

Patrice Duhamel recueille le témoignage de nombreuses personnalités, des acteurs ou des témoins majeurs de cette vraie-fausse révolution qui aurait pu faire basculer la France. Daniel Cohn-Bendit, Édouard Balladur, Romain Goupil, Yves de Gaulle, petit-fils du général, Valéry Giscard d’Estaing, Alain Pompidou, fils de l’ancien président, Jean-Louis Debré, Françoise de Panafieu, fille du ministre gaulliste François Missoffe, Roland Dumas, Alain Duhamel, Michel Drucker… Tous livrent leur vision des événements graves qui ont paralysé la France sur une période très courte, à peine un mois. Ce documentaire chronologique permet de comprendre que Mai 68 ne se résume pas à l’occupation de la Sorbonne, aux barricades, à la jeune génération dans la rue et à la grève générale. Il met aussi en lumière les doutes et les coups de colère de De Gaulle, la diplomatie et l’influence de Pompidou ou encore les appels à l’apaisement de Cohn-Bendit.

De quoi mesurer l’ampleur de ce mouvement intense et violent, qui, cinquante ans après, occupe encore une place à part dans la mémoire collective.

MAI 68, LES COULISSES DE LA REVOLTE

Documentaire

Durée 91 min

Auteur Patrice Duhamel

Réalisation Emmanuel Amara

Commentaire Patrice Duhamel

Consultante historique Marie-Caroline Broussard

Production Siècle Productions (Georges-Marc Benamou), avec la participation de France Télévisions, du CNC, de TV5 Monde et de AB Thématiques pour Toute l’Histoire

Année 2018

Entretien avec Patrice Duhamel

Les étudiants dans la rueAu tout début du documentaire, vous plantez le décor avec ce commentaire : « Printemps 68, des milliers de lycéens et d’étudiants mettent le feu à une France qui va bien. » Ce point de vue était-il vraiment celui des jeunes de l’époque ?

Patrice Duhamel : La France était politiquement stable depuis dix ans, elle connaissait une croissance impressionnante. C’était les Trente Glorieuses et l’on avait l’impression que tout allait bien. L’insatisfaction s’est manifestée le 8 janvier 1968 avec l’inauguration de la piscine du campus de Nanterre par le ministre de la Jeunesse et des Sports, François Missoffe. Cohn-Bendit est devenu célèbre en lui demandant à cette occasion l’ouverture de dortoirs mixtes. Les étudiants n’avaient pas de problème d’emploi à ce moment-là. Alors qu’ils ressentaient une sorte de routine de la prospérité, leur sentiment de frustration et de manque de liberté s’est exprimé.

On perçoit le travail rigoureux d’écriture dans ce documentaire très rythmé et richement documenté. Comment avez-vous procédé ?

P. D. : À l’approche du 50e anniversaire de Mai 68, l’idée d’embrasser le sujet de la manière la plus factuelle et la plus rigoureuse possible s’est imposée. Avec le réalisateur Emmanuel Amara et le producteur Georges-Marc Benamou, nous avons choisi un récit chronologique. Ensuite, les très nombreux témoignages ont permis d’enrichir cette trame.

Ce n’est pas un film engagé, ou partisan. Il s’agit de raconter, vus du côté des acteurs et des témoins de l’époque, les grands moments de cette révolte, du 3 au 30 mai en particulier. Ceux qui ont vécu 68 pourront ainsi se souvenir de cette partie de leur jeunesse. Et les moins de 65 ans, qui n’ont pas connu Mai 68, en découvriront l’essentiel. Traiter l’histoire immédiate avec cinquante ans de recul est très intéressant, car la plupart des témoins sont là : Cohn-Bendit, Balladur, Goupil, le petit-fils de De Gaulle, le fils de Pompidou, Jean-Louis Debré, l’amie de la fille du général Massu présente à Baden-Baden le 29 mai… Les générations nées après 68 pourront prendre conscience que ces événements vont bien au-delà d’une bouffée de lyrisme et de romantisme. Il y a eu des avancées sociales essentielles. Il y a eu aussi beaucoup d’affrontements, de violence. Il ressort d’ailleurs très bien que le préfet de police de Paris, Maurice Grimaud, a tout fait pour éviter une effusion de sang pendant les barricades.

Sur la forme, le rythme, très enlevé, donné au film par le réalisateur permet d’alterner parfaitement les témoignages et les images d’archives.

Vous mettez en lumière le rôle de Georges Pompidou aux côtés du général de Gaulle. En quoi s’est-il montré exemplaire durant cette période houleuse ? Le leader Daniel Cohn-Bendit

P. D. : Pompidou, comme de Gaulle, avait été très marqué par la longue grève des mineurs en 1963 et par le recul de son gouvernement. Il avait donc compris comment gérer une grève, « jouer le pourrissement » face à un grand mouvement social. Il avait cette double crainte des manifestations de jeunes et de « la coagulation des mécontentements ». Il a réussi à séparer les étudiants des syndicats avec les négociations de Grenelle.

Deux personnes semblent avoir particulièrement influencé le général de Gaulle : son petit-fils Yves de Gaulle et le général Massu à Baden-Baden. Le dénouement des mouvements sociaux aurait-il pu être différent sans eux ?

P. D. : Sans doute. Pendant les événements, de Gaulle a demandé à ses petits-fils, dont Yves, qui témoigne dans ce film : « Au fond, les jeunes, vous voulez quoi, dans cette affaire ? » Yves a répondu : « On veut vivre plus… ne plus être enfermés dans un certain nombre de règles de comportement et de pensée… » De Gaulle, lui, pour faire bouger la France, avait en tête la décentralisation et la participation. Il était à côté du sujet. Mais son coup de génie, de mon point de vue, est son intervention à la radio le 30 mai au milieu de l’après-midi. Cette allocution rappelait volontairement, par sa forme radiodiffusée, l’appel du 18 Juin. Je m’en souviens encore, neuf Parisiens sur dix marchaient dans la rue avec leur transistor collé à l’oreille. La veille, ce fut aussi un coup de tonnerre, un moment particulièrement fort, avec la disparition du général pendant plusieurs heures et son arrivée à Baden-Baden pour rencontrer le général Massu. Un événement étonnant, totalement inédit sous la Ve République, et que nous racontons dans le détail.

Vous montrez bien le rôle déterminant qu’ont justement joué les radios périphériques Europe 1, RTL et Radio Luxembourg dans la diffusion de l’information en direct, alors que France Inter était sous le contrôle de l’État…

P. D. :Elles sont devenues un acteur incontournable de toutes les manifestations. Étudiants et responsables du maintien de l’ordre dialoguaient par radio interposée. Puis la bataille de l’information s’est durcie en même temps que les mouvements sociaux. Du 17 mai au 23 juin 1968, les journalistes de l’ORTF, alors considéré comme un instrument politique, se sont mis en grève pour la première fois.

Y a-t-il un personnage que vous affectionnez particulièrement ?

P. D. : Sans parler De Gaulle et Pompidoud’affection, la psychologie et la démarche du général de Gaulle pendant cette période sont passionnantes à observer et à analyser. De Gaulle a douté. Il s’est beaucoup interrogé. Il a laissé Pompidou manœuvrer. L’homme du 18 Juin hésitait. Il voulait absolument rétablir l’ordre, mais en évitant toute effusion de sang. Il avait beaucoup de difficultés à comprendre ce qui se passait sous ses yeux. Et puis, d’un coup, il a disparu après avoir dit à son Premier ministre : « Je vous embrasse. » Tout cela ne lui ressemble pas et fait de lui, pendant ces événements de mai, un personnage complexe, assez fragile, plutôt touchant. Avec cinquante ans de recul, le « trio » de Mai 68 qu’il constitue avec Cohn-Bendit et Pompidou apparaît presque romanesque.

Propos recueillis par France Hatron

À VENIR SUR FRANCE 5

La Traversée, un film de Romain Goupil. Cinquante ans après Mai 68, Daniel Cohn-Bendit et Romain Goupil décident de parcourir la France et la République d’aujourd’hui.

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Sylvie Syren
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