Portrait de dix Français dans une série documentaire écrite et proposée par Laurent Delahouse
La nouvelle série de France 2

Les Français

Série documentaire - Inédit - Dimanche 17 avril 2016 à 22.50

Avec Les Français, Laurent Delahousse signe une série documentaire délicate et forte à la fois. En suivant dix personnes aux quatre coins de la France, il dévoile le quotidien que pourrait vivre chacun d'entre nous. Une immersion intense qui ne peut que provoquer l'empathie. Laurent Delahousse nous en dit plus sur cette série inédite.

Pourquoi ce titre ?
Parce qu’il annonce une promesse simple et claire. Avec ce titre, tout est dit... ou presque. Car les Français sont parfois bien loin des stéréotypes dans lesquels on les enferme.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous intéresser aux Français ?
L’époque, nos malheurs, nos bonheurs, nos doutes, nos incertitudes. Le divorce profond qui existe entre les Français et les élites politiques, intellectuelles et médiatiques. Tenter de les écouter. De ne pas les juger.
Le mot clé du moment que nous vivons est probablement « désorientés ». Les Français sont pris dans ce vertige. Nous avons changé de monde. Sommes-nous prêts à l’accepter ? Les ouvriers, les professeurs, les chefs d’entreprise, les agriculteurs ne souffrent-ils pas des mêmes maux ? Le sentiment d’être seuls au milieu d’un tout dont les frontières ne sont plus palpables.
Notre métier n’est pas uniquement basé sur la démonstration, le décryptage. Ici, il s’agit juste de montrer et donc de regarder. Il est peut-être utile de repartir à la source, celle de l’écoute. Voir les autres, c’est déjà ouvrir une voie, aller au-delà de son cercle, de ses pairs, cesser de ranger les Français en classes sociales, en milieux sociaux. C’est une démarche journalistique peut-être plus humble.

Pourquoi maintenant ?
Cette série, je l’avais en moi depuis longtemps. Mais cette fois, elle était devenue presque nécessaire. L’actualité, le climat m’ont peut-être abîmé. L’intensité et la violence de l’actualité ne laissent sans doute pas indemne. C’est aussi une façon d’exercer ce métier de manière moins oppressante. J’avais besoin d’autres choses. D’une autre écriture, un besoin d’une autre vérité. Entendre, voir et raconter les Français autrement.

À un an des présidentielles, au vu des propos recueillis par les protagonistes et de ces tranches de vie prises sur le vif, pensez-vous avoir pris le pouls de la France ?
Oui et non. D’abord, j’espère que oui et, d’ailleurs, il est vif ce pouls, intense même. Parfois, on frôle l’arythmie cardiaque. De nombreux Français ont l’impression de vivre sur un fil fragile. Certains rêvent de retrouver le monde d’hier, c’est un pari perdu d’avance. D’autres s’inquiètent de ne pas appartenir à celui qui défile sous leurs yeux. Enfin, il y a ceux qui avancent vite, très vite et vibrent à l’idée de conquérir celui de demain.
Y a-t-il encore une seule France ? Comment faire coexister les pôles de ces aimants qui s’opposent ? J’en veux terriblement à nos responsables pour leur manque de pédagogie, de vision. Personne n’a pris le temps de réfléchir, encore moins de tenter d’expliquer ce défi historique qui s’offre, mais qui s’impose aussi à nous.
Il est parfois difficile pour les Français d’accepter de ne plus être une grande puissance. De ne plus savoir ce qu’ils sont, où ils vont. Et pourtant, ce pays est composé de milliers de merveilles, de talents qui sont sous nos yeux.
Je reviens à votre question : avons-nous pris le pouls des Français ? Oui, je le crois, enfin, je l’espère. En même temps, il faut être humble. Ce travail de plusieurs mois ne peut qu’être subjectif. Mais il révèle de très belles choses qui sont trop souvent invisibles.

Que vous inspirent ces personnes ?
Sincèrement, tellement de choses. Beaucoup d’authenticité, d’émotions. Des ressources insoupçonnées que l’on ne met pas assez en lumière. De réelles inquiétudes aussi, profondes. Et une forme d’amertume.
Ces personnes n’attendent plus grand-chose d’un grand projet commun porté par les politiques. Elles sont sur un pont entre deux rives, nostalgiques d’un passé dont elles doivent faire le deuil et en même temps inquiètes du monde qui se présente à elles. Ces personnes se replient sur ce qui les rassure, leurs enfants, leurs amis, une entité proche, un club, une association qui peut porter un projet qu’elles maîtrisent. Il est temps de retrouver ce projet commun. Peut-on, aujourd’hui, se retrouver ensemble en dehors d’une finale de Coupe du monde ou après une attaque terroriste insoutenable ?

« Si on croit qu’on a gagné, on se trompe. » Ne trouvez-vous pas que cette phrase prononcée par Bernard est propre à chaque protagoniste que vous avez filmé ?
Si vous êtes fidèles à l’ensemble des épisodes de la série, vous allez découvrir qu’il y a des dialogues qui rendront jaloux les auteurs de fiction. Il y en a qui vous feront rire, vous émouvoir, vous faire réfléchir.
Je ne peux résumer tous les protagonistes à une seule phrase. Ce que je sais, c’est que ces Français vont vous surprendre. Parce qu’ils vont aussi parfois vous révéler.

Comment avez-vous procédé pour déterminer le profil et le choix des protagonistes ?
Une équipe de 5 personnes a rencontré, durant deux mois, plusieurs dizaines de témoins. Et puis il y a eu des évidences, des rencontres, des choix d’équilibre sociologique et géographique. Pour ceux qui n’apparaissent pas dans les 8 premiers épisodes, ils trouveront leur place, nous l’espérons, dans une deuxième saison.

Qu’avez-vous voulu exprimer avec cette nouvelle série documentaire ?
En aucun cas, il ne peut s’agir d’un portrait exhaustif de la société française. Mais c’est une photographie sincère, à travers 10 personnages, sans faux-semblants, sans excès, une photographie de ce que ces Français-là sont et vivent aujourd’hui.

La nouvelle série Les Français, de par sa démarche, n’est-elle pas une façon de rendre hommage aux oubliés des médias, à ceux et celles qui œuvrent chaque jour pour ce pays mais que l’on n’entend pas et que l’on ne reconnaît pas ?
Les fameux invisibles... En tout cas, ici, nos héros anonymes ont accepté de se laisser observer dans leur vie avec, je l’espère, vous le verrez, une certaine simplicité et, en tout cas, une réelle sincérité. La caméra est souvent loin d’eux, on les écoute, on les regarde. Pas de commentaire qui viendrait guider le propos. Pas de jugement. Pas de caricature de personnage. Pas de mouvements artificiels de caméra qui alimentent aujourd’hui trop souvent les reportages. Il y a, j’espère, une forme d’esthétique de la sobriété au service du discours de ces hommes et ces femmes. J’aime leurs mots mais aussi, beaucoup, leurs regards, leurs silences.
En fait, si l’on y réfléchit bien, ils sont assez peu nombreux, réellement, les oubliés des médias. Mais la qualité de leurs propos n’est peut-être pas assez souvent respectée. Elle est peut-être, par un mauvais souci d’efficacité, tronquée. Vous savez, je vous assure que des ministres aujourd’hui en exercice ne parlent jamais dans les médias comme ils vous parlent hors micros.
Il est peut-être temps qu’eux aussi apprennent à s’exprimer avec sincérité, au risque de perdre de leur pouvoir, à vivre en adéquation avec eux-mêmes.

Il y a une démarche artistique, une esthétique qui s’approche du cinéma du réel...
J’aime le cinéma. Ces dernières années, les films Polisse, De rouille et d’os, La Tête haute et La Loi du marché m’ont profondément marqué. Le cinéma de Maïwenn, d’Emmanuelle Bercot, de Jacques Audiard, de Stéphane Brizé. Les critiques ont relevé que ces fictions s’apparentaient aux documentaires, que les personnages étaient ancrés dans le réel.
Dans cette série, nous avons volontairement choisi nos personnages parce qu’ils ont des enjeux de vie a priori ordinaires. Ils sont du moins représentatifs de ce que nous pouvons tous être amenés à vivre. Partir à la retraite, enseigner dans un collège, se battre pour empêcher son entreprise de licencier, faire gagner sa petite équipe de rugby contre des clubs plus puissants, créer sa micro-entreprise… Au fil des épisodes, les téléspectateurs se rendront compte que tous nos personnages ont une part d’extraordinaire qui va bien au-delà des apparences ou de la première impression.
J’ai toujours des rêves de fiction et de cette liberté scénaristique. Cette série me confirme une fois de plus l’intensité folle que peuvent avoir le réel, le quotidien et donc le documentaire.

Quelle a été la place de l’équipe de réalisation lors du tournage ?
Essentielle ! Nous étions une petite équipe. C’était important que l’écriture visuelle ne soit pas différente selon les personnages, qu’elle soit homogène pour le récit de la série. Je voulais des cadres particuliers, proches parfois, mais aussi et surtout lointains, comme si nous nous placions en simples observateurs. C’est presque un réflexe professionnel inversé que je souhaitais, être moins en recherche de séquences.
Les réalisateurs et réalisatrices, avec le producteur Christophe Janin, ont pu apporter leur regard, leur sensibilité, installer une confiance avec les personnages et leurs familles. Ensuite, il a fallu entrer en salle de montage pour entremêler ces histoires, trouver le bon équilibre, le bon rythme de la série.

Comment crée-t-on une relation de confiance face caméra ?
Une équipe légère, très légère. Une seule caméra. L’humain, la sincérité, le respect, le dialogue, l’absence de jugement ont été les maîtres mots apportés aux équipes.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Le temps. On manque toujours de temps. Encore plus dans cette période d’« hystérisation » de tout.

Que vous ont apporté ces témoignages, ces échanges face-à-face ?
Ils m’ont nourri, enrichi de leur expérience. Et je les remercie pour leur confiance.

La série Les Français est-elle amenée à durer sur le temps ? Suivra-t-elle ces personnes sur du long terme ? Ou sera-t-elle amenée à intégrer d’autres témoignages ?
Nous sommes déjà en train de travailler sur une saison 2. Nous suivrons ces Français au cours d’une année qui s’annonce des plus intenses avec l’élection présidentielle. Leur regard sera une clé de compréhension de ce que nous vivons et un éclairage probablement essentiel pour ceux qui envisagent de conquérir le pouvoir.
L’objectif est de mettre un panel de Français face à eux dans quelques mois. Mais avant cela, la règle est assez simple en télévision. Il faut que le succès soit au rendez-vous de la première série.

Qu’espérez-vous de la diffusion de cette série ? Quel message souhaitez-vous que les téléspectateurs retiennent ?
Que ce qui définit les Français n’est pas la somme de toutes leurs peurs. Mais davantage la liste de leurs envies.
Qu’il faut se méfier des masques que l’on nous impose, que notre société nous impose. Elle aime tellement ranger les personnes dans des cases. À la clé, il y a cette sensation d’enfermement sans issue, ce qui crée le désespoir et les réflexes que l’on connaît.

On est ici assez éloignés des collections « Un jour, une histoire » et « Un jour, un destin »...
Je ne suis pas sûr. Au contraire, j’y vois même une cohérence. Après plus de 90 portraits, je pense que la force et le succès d’« Un jour, un destin » ou d’« Un jour, une histoire » résident certes dans leur structure narrative, mais aussi dans le miroir que la trajectoire de ces personnalités nous tend. Elles sont dans la lumière, on les qualifie d’exceptionnelles, de hors norme mais, finalement, regardez bien. Leurs fêlures intimes et familiales, leurs rebonds professionnels, leurs doutes, ce sont les nôtres. Leur vie, ce sont les nôtres.

Propos recueillis par Mona Guerre

UN JOUR UN DESTIN 2013

Série de 8 x 52'
Écrite et proposée par Laurent Delahousse
Produite par Magneto Presse
Avec la participation de France Télévisions
Réalisée par Sabine Graissaguel, Éloïse Millet, Stéphane Rossi et Thierry Teston

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