LA GRANDE LIBRAIRIE

La Grande Librairie - La Valise idéale

Magazine - En direct - Jeudi 26 mai 2016 à 20.45

La librairie Montbarbon, à Bourg-en-Bresse, qui se transmet depuis cinq générations, accueille la dernière « Grande Librairie » de la saison. Dans cet ancien relais de poste, François Busnel demande à six écrivains mais aussi à cinq libraires de constituer leur valise idéale pour l’été. Les téléspectateurs pourront découvrir notamment les coups de cœur littéraires de Jean Teulé, Pierre Lemaitre, Christophe André, Yann Queffélec, Marie-Hélène Lafon et Alice Zeniter.

« Un lieu de liberté et de plaisir »

Vous représentez la quatrième génération d’une famille de libraires. Comment cette histoire a-t-elle commencé ?

Philippe Montbarbon : En 1864, notre ancêtre Jean-Marie Montbarbon a reçu des mains de l’empereur Napoléon III son brevet de libraire. Celui-ci était remis, non pour reconnaître des qualités propres à l’exercice de ce métier, mais bien pour être sûr que le libraire, un colporteur à l’époque, n’allait pas répandre le mauvais esprit ni s’opposer au pouvoir. Napoléon III s’inquiétait en effet beaucoup de la diffusion de la pensée.

Aujourd’hui, vous qui revendiquez le fait d’être indépendant et de défendre vos choix, comment vivez-vous cette ascendance ?

P. M. : Cet héritage-là n’a pas pesé du tout sur notre destinée. Nous sommes une lignée de libraires qui a été divisée en deux : une partie s’est installée à Bourg-en-Bresse et l’autre, à Toulon. Cette librairie a fermé dans les années 1980. Aujourd’hui, avec mon neveu Martin, qui incarne la cinquième génération, nous sommes fiers d’exister encore et de résister aux attaques frontales que représentent deux grandes surfaces culturelles. Pour une petite ville de 40 000 habitants, c’est beaucoup ! En tant que librairie généraliste, nous essayons de proposer à la population bressane l’ensemble de la production française, sauf pour les domaines très spécialisés.

Pensez-vous que le lieu, un ancien relais de poste, soit un atout ?

P. M. : Depuis le début du XXe siècle, nous étions installés au centre de la ville sur une surface moyenne. En 2011, nous avons eu l’énorme chance d’investir cet ancien relais de poste de 700 mètres carrés qui date du début du XIX e siècle. Cet endroit a une histoire et nos clients aiment y déambuler librement. On a imaginé l’espace — qui permet d’accueillir jusqu’à 160 personnes — pour qu’il puisse être bousculé régulièrement à l’occasion de rencontres avec les auteurs ou de conférences. Notre état d’esprit est de proposer un lieu de liberté et de plaisir.

Vous allez accueillir l’équipe de La Grande Librairie pour la dernière de la saison, avec des auteurs et des libraires. Chacun présentera sa valise idéale. Quelle serait la vôtre ?

P. M. : Ce n’est pas un titre qui me vient à l’esprit, mais un auteur : Jean-Christophe Rufin. J’ai toujours beaucoup aimé ce qu’il écrit, pour son style, mais surtout pour les sujets qu’il aborde : l’Afrique et le monde médical. Si on ne le connaît pas encore, c’est le moment de le découvrir et de le lire.

Propos recueillis par Anne-Laure Fournier

Philippe Montbarbon

Magazine

Durée 90 min

Présentation François Busnel

Réalisation Adrien Soland

Production Rosebud Productions, avec la participation de France Télévisions

 

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« Les bons libraires sont des médecins fabuleux »

 

Quel est votre premier souvenir marquant de librairie ?

François Busnel : Les librairies à ciel ouvert des quais de Seine : les bouquinistes ! Ce fut mon premier contact avec des passionnés de littérature qui me conseillaient et m’ouvraient de nouveaux horizons. Je devais avoir 8 ou 10 ans et je déambulais le long des boîtes vertes, découvrant des merveilles. Je continue, aujourd’hui encore, d’aller y pêcher des splendeurs…

Vous avez dit un jour : « Mon Panthéon est une librairie. » Si vous deviez la décrire, à quoi ressemblerait-elle ?

F. B. : Ce serait une librairie assez vaste pour contenir tous les livres des écrivains que j’aime… et surtout pour abriter tous les livres qu’il me reste encore à lire ! Dans une librairie, il faut que ce soit un peu le désordre, le bazar. Bazar rime avec hasard : c’est grâce au hasard que l’on devient un bon lecteur, quand on cherche quelque chose et que l’on trouve autre chose (de mieux). Un peu comme dans la vie courante, avec les gens… Ce serait aussi une librairie-labyrinthe, qui promènerait le lecteur comme à travers un jardin pour le ramener sur le seuil les bras chargés de bouquins. Il ne faut jamais se sentir écrasé par les innombrables livres qui trônent dans une librairie : ils forment une écorce protectrice ; dans les librairies, il y a des livres pour être lus et des livres pour être là.

Vous-même avez publié Lettres à mon libraire. Qu’attendez-vous d’un libraire aujourd’hui ?

F. B. : Non, je n’ai fait que préfacer cet ouvrage collectif où de grands romanciers d’aujourd’hui disent tout ce qu’ils doivent aux libraires. J’attends d’un libraire qu’il me reconnecte avec le réel, avec moi-même, en me conseillant le livre qui m’attend sans que je le sache. Tous les bons libraires savent faire cela. Ce sont des médecins fabuleux.

Que pensez-vous de cette citation de Pierre Péju dans La Petite Chartreuse : « Qui saura, dans un avenir pas très lointain, ce que représentaient, pour des gens comme moi, les libraires et les librairies ? Ce que signifiait, dans une ville, grande ou petite, la présence de ces lieux où l’on pouvait entrer dans l’espoir d’une révélation ? Qui se souviendra de la façon paisible dont on pénétrait dans ces antres à l’odeur de papier et d’encre ? De cette façon de pencher la tête pour déchiffrer un titre nouveau, puis un autre, des noms d’auteurs familiers ou inconnus, afin de glaner des indices et des signes vivant sur les couvertures claires ? Le seul vrai lecteur, c’est le lecteur pensif. »

F. B. : Il faut insister sur le fait que la librairie est d’abord un lieu. C’est la raison pour laquelle, depuis la création de La Grande Librairie, j’envoie mes équipes filmer et raconter ces lieux. Je crois à l’esprit des lieux. Une librairie est un des derniers espaces démocratiques dans une ville : tout le monde peut s’y rencontrer et échanger, quels que soient son âge, son origine sociale, son milieu, son travail, ses opinions, et partager les mêmes valeurs autour de tel ou tel écrivain. C’est un endroit idéal pour découvrir l’Autre.

Quel genre de lecteurs souhaitez-vous que cette nouvelle « Valise idéale » engendre ?

F. B. : Je crois que nous pouvons bâtir une nation de lecteurs. Lire, c’est remettre en question les idées reçues, donner une grande claque sur le museau des préjugés, s’étonner, s’émerveiller, restaurer la curiosité. J’aimerais que cette émission donne envie. Envie de lire. De questionner. De s’émerveiller. De replacer la curiosité au premier rang de toutes les valeurs. C’est à cela que peut aider La Grande Librairie, et notamment en proposant aux téléspectateurs une « valise idéale ».

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