Chroniques Méditerranéennes, le doc
Les Nouveaux Nomades : Chroniques Méditerranéennes, le doc

Les fermiers de la mer

Inédit - Dimanche 29 janvier à 12h55 - Sur France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur

Quand la Méditerranée et les océans se vident de leurs poissons, les aquaculteurs remplacent peu à peu les pêcheurs. 

Avec une dizaine d'installations, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur abrite la plus grande concentration d'élevages marins en France.
A Marseille et dans la baie de Cannes, deux fermes d'excellence ont vu le jour il y a 30 ans. 
Pour toutes, le nerf de la guerre reste la nourriture, à base de produits de la pêche, accusée de vider encore les océans. 
L'avenir pourrait bien s'écrire avec la recherche sur les algues. Une start up, hébergée par le laboratoire de Villefranche-sur-Mer, annonce les premiers essais in vivo pour 2017…

> voir des extraits 

 

aquaculture

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Un film de 26’ de Valérie Simonet

Coproduction France 3 PACA / 13 Productions

> le replay

 

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Propos recueillis par Pernette Zumthor

On connaît plutôt les élevages de poissons de rivière, saumons, truites, souvent de réputation mitigée, mais beaucoup moins les élevages de poissons de mer. Depuis quand s’est développée l’aquaculture marine ?

Valérie Simonet : En matière d'élevage de poissons, la France et notamment l'ancêtre de l'Ifremer, a entamé des recherches, surtout sur la côte atlantique dans les années 70. Elle est d'ailleurs devenue une référence en matière de recherche et a fait profiter de nombreux pays européens de ses résultats. Paradoxalement, l'élevage de poissons marins est resté à la traîne dans notre pays, surtout du fait de fortes contraintes réglementaires.

Si l'on veut remonter dans l'Histoire, les premières tentatives d'élevage de poissons marins ont eu lieu dans la région dans les années 1860, à Marseille et dans l'Etang de Berre. Dans une première version du film, un historien témoignait de cette tentative d'élevage qui s'appuyait sur une croyance, héritée des Saints-Simoniens, que par la science l'homme pourrait maîtriser la nature pour faire le bien de l'humanité. Dans des espaces dévolus aux marais salants sur l'Etang de Berre, Léon Vidal, fils d'industriel et génial inventeur, a ainsi tenté d'élever des poissons de mer. Il se heurte justement aux piètres connaissances techniques sur la vie des poissons et leur reproduction en captivité. Cet essai sera un échec.

Il faudra donc attendre plus d'un siècle pour que dans les années 1980, les premiers élevages de poissons marins voient le jour dans la région. Les deux fermes pionnières sont celles que l'on peut voir dans le film : le Frioul à Marseille et celle au devant de Cannes.

La région PACA compte aujourd'hui la plus grande concentration de ces élevages en France. Même si cela reste modeste: une dizaine de fermes seulement. Elles ont toutes misé sur la qualité et non la quantité de poissons produite, et la plupart sont certifiées bio ou dans une démarche bio.

L'autre raison du faible développement sur le littoral français est la concurrence des autres activités et notamment le tourisme qui s'accommode mal de la présence de ces élevages, considérés comme polluant l'environnement. Les concessions sur le domaine public maritime sont très difficiles à obtenir et leur surface ne s'accroît pas.

Quelle est la motivation de ces éleveurs ? Plutôt écologique pour préserver un parc marin menacé ou purement mercantile ?

VS : Les éleveurs que j'ai rencontrés sont des professionnels de l'élevage, qui ont fait des études en biologie marine, en aquaculture. S'ils ne sont pas des militants de l'environnement, ils gagnent leur vie en élevant des poissons, ils ont une éthique et une vraie passion pour leur métier.

Le cahier des charges du bio en élevage marin est extrêmement contraignant en France. Ils sont suivis, doivent faire des prélèvements du milieu et doivent prouver qu'ils peuvent rendre les lieux dans leur état initial en un temps donné. Par ailleurs, la nourriture qu'ils déversent dans l'eau et qui est un des facteurs de pollution (en plus des déjections des poissons) est comptée au plus juste car elle coûte extrêmement cher.

Quelles sont les qualités de ces fermiers marins ? 

VS : Ce sont des passionnés de la nature et de la vie au grand air. Des passionnés aussi de la vie sous-marine car ils passent la moitié de leur temps en immersion, comme un éleveur irait dans son champ... Ils sont entiers et ont, je le répète, une éthique véritable, en tout cas convaincante. Ils sont les héritiers éclairés de ce que l'agriculture a pu produire comme aberrations. Conscients des erreurs du passé, ils ne veulent pas les reproduire. La compagne de l'éleveur du Frioul, qui est elle-même gestionnaire de la ferme, est fille d'agriculteurs. Elle sait d'où elle vient.

Ce qu'il faut savoir, c'est que la moitié des produits de la mer que nous consommons aujourd'hui dans le monde provient de l'élevage. Le mouvement est inéluctable. Mieux vaut donc des professionnels sérieux, responsables et respectueux du milieu que des industriels qui ne cherchent que les rendements.

C'est le sens du choix que j'ai pu faire de ces personnages. Le thème reste polémique. Il n'y qu'à voir les réactions sur le net dès qu'on parle d'élevage de poissons. L'animal est considéré, sans doute à juste titre, comme le dernier animal sauvage que nous consommons et il est compliqué pour nous de le voir en cage... Le film démarre sur ce constat ironique.

Comment les pêcheurs locaux ont-ils accueilli les aquaculteurs ?

VS : Les aquaculteurs de la région ont bien compris leur intérêt, dès le départ, de ne pas marcher sur les plates-bandes des petits pêcheurs de tradition locaux. Ils sont donc très soucieux de ne pas entrer en concurrence avec eux. A Cannes, ils ne vendent pas, par exemple, aux restaurants.

En général, l'aquaculture sert les grandes surfaces qui ont besoin de gros volumes et aussi de régularité (les aquaculteurs ne sont pas météo dépendants, à l'inverse des pêcheurs). En même temps, le nombre des petits métiers a diminué de façon terrible depuis 30 ans, il y a donc de la place pour tout le monde.

La famille Charvoz, à Cannes, est représentée dans les instances de prudhommie de pêche régionales et met un point d'honneur à dialoguer et à se battre aux côtés de ses confrères pêcheurs quand il le faut. C'est donc un "gentlemen agreement" qui régit les relations entre eux...