MANHATTAN
Place au cinéma

Manhattan

Cinéma - Lundi 10 octobre 2016 à 20.50

New York en noir et blanc sur un air de Gershwin : cette semaine, dans « Place au cinéma », Dominique Besnehard nous emmène à « Manhattan ». En écrivain raté hésitant entre plusieurs amours, Woody Allen peaufine son personnage de névrosé magnifique. Un grand classique de son cinéma.

Scène culte parmi de nombreuses autres : vautré sur son canapé, microphone à la main, Woody Allen, désabusé, enregistre sur un magnétophone la liste des choses qui rendent la vie digne d’être vécue. En vrac, il cite Groucho Marx, le second mouvement de la Symphonie Jupiter de Mozart, Potato Head Blues de Louis Armstrong, les films suédois (« Naturellement », précise-t-il), L’Éducation sentimentale de Flaubert, Frank Sinatra ou encore les « géniales pommes » de Cézanne. Peu importe qu’il joue là le rôle d’un écrivain raté en pleine crise de la quarantaine, Woody Allen pourrait tout aussi bien être en train de répondre à une interview, tant son film se joue des échos entre personnes et personnages, situations fantasmées et souvenirs vécus, névroses réelles et imaginaires.

Un anti-héros des temps modernes

Réalisé en 1979, Manhattan confirme en effet le virage autobiographique et introspectif que le réalisateur, jusque-là connu pour ses comédies burlesques et potaches (Prends l’oseille et tire-toi, Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe…), a amorcé deux ans plus tôt avec Annie Hall, son film aux quatre Oscars (dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur). Avec Manhattan, il peaufine son personnage d’intellectuel juif new-yorkais mal dans sa peau — célèbre pour ses épaisses lunettes et son inimitable débit mitraillette —, qui se crée « des problèmes névrotiques pour éviter d’affronter les questions essentielles ». Il est une sorte d’anti-héros des temps modernes, produit d’une époque et d’un milieu que, tout à la fois, il incarne et croque avec une autodérision mordante teintée de mélancolie. Célibataire depuis que sa seconde épouse (Meryl Streep) est partie avec une femme, son personnage, Isaac Davis, vit une relation sans avenir avec une adolescente de 17 ans (Mariel Hemingway), avant de tomber amoureux de la maîtresse de son meilleur ami (Diane Keaton).

Manhattan in Blue

Autant le personnage est hésitant, autant le réalisateur est affirmé : Woody Allen filme cette valse des sentiments avec une finesse et une intelligence rares, fixant ses héros dans un New York romantique et atemporel (superbe usage du noir et blanc, magnifié par Gordon Willis, le célèbre chef opérateur du Parrain), le tout saupoudré du Rhapsody in Blue de Gerswhin. On s’attire en ombres chinoises dans le planétarium de Central Park. On s’insulte autour d’un squelette dans une salle de classe. Et, au petit jour, on se repose d’une nuit de badinage sur un banc, face au pont de Queensboro illuminé…  Autant de moments délicieux, que l’on serait bien tenté d’ajouter à son énumération en forme de collage à la Perec. Oui, Manhattan fait partie de ces petits bijoux qui rendent la vie digne d’être vécue.

Cyrille Latour

MANHATTAN

Film (États-Unis)

Durée 96 min

Réalisation Woody Allen

Production Jack Rollins & Charles H. Joffe Productions

Avec Woody Allen, Diane Keaton, Meryl Streep…

Année 1979

 

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