ROUGE SANG

Rouge sang

Téléfilm

Xavier Durringer signe une nouvelle enquête imprégnée de l’atmosphère marine et humide de Brest. C’est une histoire de pied et de buste coupés, d’archéologue de cœur et de joueuse de flic, de quêtes d’identité et d’amours passionnées. Un film envoûtant avec Sandrine Bonnaire et Bernard Le Coq. 

La mer moutonne. Une falaise abrupte. Un ciel lourd d’automne. Un homme promène son chien. Tout à coup, un pied. Là, sur l’herbe, il y a un pied ! Plus loin, plus tard, un hall de gare, une femme tonique marche vers la sortie en écoutant de la musique africaine. C’est le capitaine Schneider alias Sandrine Bonnaire, qui débarque à Brest où ses excès langagiers et son mépris de la hiérarchie l’ont conduit. Cela ne semble pas l’affecter plus que ça. Elle aime chercher, sentir, débusquer. Il lui faut une affaire à décortiquer et à élucider. Celle du pied l’intéresse qui la porte dans tous les coins de Brest. « Jamais vous ne lâchez ?! », s’écrie un commissaire exaspéré. L’obstination, la passion du détail, elle les reconnaît en César Istria, le médecin légiste, archéologue, autre obsédé de la quête qui veut croire, poète, en l’existence de la ville d’Ys.

Ambiance bretonne. 
Le film sent bon le Durringer, lequel s’entend à composer une ambiance. Dans Rouge sang, il crée une atmosphère qui imbibe toute l’intrigue, une impression à la fois fantasmée et réelle de la ville de Brest qu’une citation du brigadier illustre joliment ; Brest est « la seule ville au monde où être heureux rend triste » ! Tout un programme ! Couleurs, lumières deviennent sourdes au fur et à mesure que l’enquête avance et concordent à produire une idée de tristesse, de lourdeur, de secrets. Chacun semble contenir en soi sa ville d’Ys, une ville de passions inassouvies et de tristesses inavouées. La solitude se porte haut et prend ses aises dans les paysages bretons humides ; elle se marie à une impression de vide, que renforcent les images de mer morose, de cargos gigantesques, de quais à perte de vue et les silences.

Les personnages sont d’autant plus séduisants que Durringer ne cherche pas à les expliciter. Excepté sa mise au placard, on ignore tout du passé de Schneider ; c’est bien reposant. Sandrine Bonnaire lui donne un pep’s fou. Son capitaine fait preuve d’un tonus endurant, d’une autorité tranquille et d’un goût certain pour la vie. D’une minute à l’autre, son visage et son ton se durcissent et le sourire disparaît. C’est un drôle d’oiseau, un oiseau changeant, qui applique les lois, mais se plaît à jouer au poker dans des salles illicites. César (Bernard Le Coq) garde toujours un maintien et une élégance exemplaires, même dans sa salle d’autopsie où il promène des airs de professeur émérite et décontracté, un cigare coincé dans la bouche et le regard brillant des passionnés. Les acolytes du capitaine valent aussi leur pesant d’or : Éric Savin en lieutenant bougonnant, breton et boudeur ; Micha Lescot, brigadier homosexuel bien dans ses baskets. 
Comme dans Hiver rouge, la réalisation de Durringer multiplie les touches de tendresse, de poésie et d’humour. Il s’amuse avec le texte (adaptation et dialogues écrit avec Sylvain Saada qui signe le scénario) et la forme. Il montre bien que dans la routine du commissariat, l’histoire du pied détonne. « Notre cible habituelle, c’est davantage le petit gibier coloré », déclare l’un des flics. Le lieutenant (Éric Savin) ne cesse de « faire la tête ». Au capitaine qui s’en agace, il lui retorque : « C’est ma tête à moi, ma tête de Breton ». Durringer entremêle archéologie, découpage et enquête policière : « On a un corps mais pas celui qu’on cherche.» Un torse qui ne va pas avec un pied, c’est bien bête. Dans ce film, les choses ne s’imbriquent pas d’elles-mêmes, tout échappe à l’attendu. Les lignes sont flottantes ; celles du genre, celles du bien et du mal, celles de la passion et de la haine. Tonnerre de Brest !


Amélie de Vriese

ROUGE SANG

Durée : 1 h 30

Genre : Drame policier

Avec : Sandrine Bonnaire, Bernard Le Coq, Eric Savin…

Production : Ceci-Cela

Année : 2014

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