OLIVIER DELACROIX (STUDIO)
Dans les yeux d'Olivier

Repentis

Magazine - Inédit - Mardi 4 octobre 2016 à 22.50

Alors qu’il prépare déjà les dix prochains films qui composeront la 7e saison de Dans les yeux d’Olivier, Olivier Delacroix revient sur les trois derniers inédits de la saison 6. Des numéros où il pose, avec délicatesse et empathie, un regard atypique sur notre société et sur les Français. Avec son sens tout particulier de l’écoute et son intérêt profond pour ceux qu’il rencontre, il va chercher les mots là où les épreuves et les traumatismes de la vie les ont emprisonnés. Avec tact, gentillesse et délicatesse, il rend la parole plus dense, plus libre. Entretien.

Dans « Précaires, la tête haute » et « Réfugiés pour survivre » revient l’expression « dépasser sa zone de confort » dans les propos de vos témoins. De quelle manière, vous, dépassez-vous votre zone de confort ?
Justement en ayant choisi de traiter de sujets comme la précarité ou ceux qui ont fui la guerre. Avec « Repentis » et le témoignage incroyable de David Vallat, un ex-djihadiste, on s’inscrit dans la lignée des films qui ont donné à notre programme Dans les yeux d’Olivier la résonance que l’on connaît aujourd’hui. Entendez par là, qu’à l’évocation de ce titre « Repentis », on s’imagine déjà découvrir une histoire et un récit poignants, et c’est le cas, croyez-moi. Ce film a quelque chose d’incroyablement surprenant que cela soit par l’histoire de ces hommes repentis, mais aussi par leur personnalité hors du commun. Mais même si chaque numéro reste pour nous un challenge à réaliser, j’ai eu le sentiment de sortir de ma zone de confort en m’intéressant à la précarité et aux réfugiés, tant il est difficile d’aller sur ces terrains en évitant la facilité, le caricatural, ou le dénigrement des systèmes responsables de cette précarité, et au final de se retrouver avec un film médiocre, à écouter des propos mille fois entendus. Ce que je ne voulais surtout pas, et ce que je craignais. Je suis un angoissé et peut-être que mes peurs peuvent paraître disproportionnées, mais je sais qu’elles m’aident à ne jamais être sûr de moi, et que je me remets en permanence en question face à un nouveau sujet. C’est ça, se mettre en situation d’inconfort... (sourires). J’ai pour ambition de proposer des films qui interpellent, interrogent. Où le téléspectateur peut se mettre, pourquoi pas, à la place de l’autre en se demandant comment il aurait agi en pareille situation, quel comportement il aurait adopté. Bouger les consciences de ceux qui nous regardent et les amener  poser un autre regard sur ceux qu’on appelle les invisibles… Des hommes, des femmes, des enfants que l’on croise mais que l’on ne voit pas. Que l’on ne regarde pas car eux-mêmes sentent déjà qu'ils n'existent plus… Ils tentent chaque jour de s’en sortir, de subsister, tout en restant dignes et exemplaires. Un boulot déjà à plein temps ! À l’arrivée, je trouve ces films lumineux et pleins d’espoir. Les personnes que vous y entendrez sont des héros.

Dans ces trois films, il est aussi question de main tendue...
Effectivement, mais elles sont plus rares que les bonnes intentions. L’intelligence des personnes qui ont vécu cette situation est d’avoir su saisir une opportunité, car bien souvent, elles ne sont pas là à quémander de l’aide, elles font plutôt appel au système D. J’ai rencontré des gens admirables par leur courage, leur ingéniosité, leur capacité à se reconstruire. Au passage, on ne peut que saluer la démarche de celles ou ceux qui se cachent derrière ces mains tendues. Il y a quelque chose d’éblouissant dans leur geste. Ces histoires sont aussi pour moi celles d’une reconstruction, où chacun tente de faire fi d’un passé qui lui colle à la peau, qui se rappelle à lui à chaque étape de sa reconstruction. Un thème finalement récurrent dans notre programme. Mais n’est-ce pas là l’essence même de notre existence ? Plus on avance dans la vie, plus on s’aperçoit qu’on peut construire et démonter ce qu’on a construit pour mieux le reconstruire après.

L’autre point commun de vos trois films est d’être en lien avec l’actualité. Rééditerez-vous l’expérience ?
Indéniablement, quand les thèmes s’y prêteront. Avoir traité ces trois sujets en lien avec l’actualité m’a fait prendre conscience qu’on pouvait de temps à autre s’intéresser à des sujets moins intemporels, tout en conservant le principe de l’émission qui est d’écouter les autres se raconter. Bien évidemment, dans le cas présent, mon positionnement n’a pas été à l’identique des autres numéros. Il m’était impossible de faire abstraction de ces milliers de personnes contraintes à l’exil dont on nous parlait à chaque JT, des actes terroristes odieux qui ont endeuillé la France et le reste du monde, ou des inégalités toujours plus flagrantes entre les plus pauvres et les plus riches... Il ne faut pas regarder bien loin autour de nous pour se rendre compte combien nous sommes privilégiés d’avoir un toit, un travail, de quoi nous nourrir ou nous soigner sans galérer. Je crois que les témoins de ces films rappelleront à beaucoup la fragilité de ce que l’on appelle « le bonheur ».

Que pouvez-vous déjà nous dire de la 7e saison, qui sera coproduite avec MFP ?
Rejoindre MFP est le début d’une nouvelle aventure et, comme toute nouvelle aventure, le plaisir et l’envie de travailler ensemble sont présents. La chaîne nous a passé commande de dix films pour la saison prochaine de Dans les yeux d’Olivier, soit autant d’histoires à raconter, de personnes à croiser et de destins à brasser. Mais c’est tellement passionnant… Ce sont des challenges très excitants, et c’est aussi une marque de confiance indéniable de la part des équipes de France 2 qui m’ont toujours soutenu. Ça donne envie d’aller plus loin.

Propos recueillis par C.R. et J.-F. P.

Ex-djihadiste, braqueur ou sympathisant néonazi, ces hommes ont eu deux vies. Parce qu’ils étaient hantés par les actes qu’ils avaient commis, parce qu’un événement ou l’intervention d’un tiers leur a ouvert les yeux, ces repentis ont éprouvé le besoin de se racheter. Mais s’affranchir de ses démons lorsque l’on a vécu dans l’illégalité et la violence est une démarche difficile. Comment vivre avec un passé aussi lourd, parfois avec des victimes sur la conscience ? Comment s’inventer une nouvelle vie lorsque l’on n’a connu que la haine ? Comment convaincre les autres que l’on a réellement changé, au point de lutter aujourd’hui contre ce qui nous définissait hier ? Olivier Delacroix recueille les confessions de ceux qui ont franchi les limites, mais cherchent aujourd’hui à se racheter…

Karim (37 ans)

Enfant battu, Karim est entré très jeune dans la spirale de la violence. Des petits larcins, des cambriolages, puis des braquages… Jusqu’au jour où un homme est tué. Lorsque Karim est condamné à 10 ans de réclusion criminelle, il n’a que 19 ans. Après plusieurs tentatives de suicide en prison, ce sont des rencontres qui l’ont sauvé, celle d’une femme en particulier. Karim a pleinement pris conscience de ses actes et de son parcours, et est devenu quelques années plus tard un acteur important du monde associatif, un expert du milieu carcéral et de la délinquance auquel le monde politique fait régulièrement appel.

David Vallat (45 ans)

Ex-djihadiste formé au Pakistan impliqué dans les attentats de 1995 en France qui ont fait 8 morts et 200 blessés, David a purgé cinq années de prison. Son incarcération, la lecture et des rencontres décisives lui ont permis de sortir d’un engrenage dans lequel il était entré dès l’adolescence. Aujourd’hui, David est devenu un opposant farouche à l’islamisme radical, prend la parole dans les écoles et les associations pour dissuader d’autres jeunes de se lancer dans la voie du djihad.

William (48 ans)

William est moine vaishnava dans un temple hindouiste en Normandie. Il prêche la paix et la non-violence. Il n’a qu’un seul but : se racheter. Aujourd’hui, dit-il, « il n’est pas une seule journée sans que je ne me repente de toutes les atrocités que j’ai pu commettre. » Car William n’a pas toujours été un homme de paix. Il a passé toute sa jeunesse dans l’ultraviolence, membre d’un groupe de skinheads, sympathisants nazis.

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