Incas(s)ables est une fresque adolescente singulière.

Celle de Kahina, Alex, Gabriel, Guillaume et Jérémie.

Ils ont entre 10 et 18 ans et vivent ensemble dans ce qu’on appelle dans la protection de l'enfance une microstructure : un pavillon en meulière où chacun a sa propre chambre et où une équipe de 6 éducateurs se relaient chaque jour auprès d’eux. 

Un accompagnement éducatif et psychologique sur mesure pour ces enfants placés qui ont mis en échec les structures d’accueil classiques de l’Aide Sociale à l’Enfance. Tous cumulent traumatismes et troubles psychologiques. On les appelle au mieux les « cas complexes », au pire les « incasables ».  

Ce film les suit au quotidien pendant un an. Au fil des jours, des hauts et des bas, on les voit s’apaiser, se revaloriser mutuellement et apprendre à se débrouiller avec leurs blessures.   

Peu à peu, ils se révèlent dans les échanges avec leurs éducateurs, et aussi, de façon plus onirique, au travers des aventures épiques d’un personnage qu’ils ont créé de toutes pièces ensemble.  

Ils se prennent alors à rêver leur vie d’après le foyer, leur vie d’adulte.

Note d'intention de Ketty Rios Palma

Je suis la fille d’un « enfant de la DDASS », l’ancêtre de l’Aide Sociale à l’Enfance. C’est peut-être parce que mon père m’a raconté dès mon plus jeune âge son histoire que je suis profondément touchée par les jeunes aux vies cabossées qui grandissent loin de leur famille et qui réussissent malgré les blessures à se dessiner un avenir. Ce sont leurs histoires que je veux raconter, partager, pour initier un regard bienveillant sur eux.

C’était le cas pour Yanie, l’adolescent placé très jeune en famille d’accueil que j’avais suivi dans « Itinéraire d’un enfant placé » (ARTE, 2018). Avec « Incas(s)ables » je poursuis un cycle, en racontant un autre pan de la protection de l’enfance : le placement en foyer. Mais le foyer dont il s’agit ne ressemble en rien aux foyers traditionnels. Ici, avec un éducateur pour un jeune, on fait du « sur mesure », pour des enfants qui cumulent les handicaps.

Un foyer identique à celui du film d’animation de Claude Barras « Ma vie de Courgette », qui m’a fortement inspirée à l’écriture. J’ai fait le pari d’un film sans commentaire, ni interviews. Tout se dit et se voit dans les échanges : entre les jeunes eux-mêmes, entre eux et les éducateurs, entre les éducateurs. Le pavillon est comme une scène de théâtre, où les entrées et les sorties de scènes sont importantes, où le silence et le hors champ sont lourds de sens.

Suivant des enfants souvent « cadenassés » par leurs peurs, leurs traumatismes, leurs violences, je voulais capter les moments où, par petites touches, par la parole et l’écoute, ils redeviennent des enfants. Pour renforcer cela, j’ai mis en image avec une illustratrice, la création progressive d’un conte dans lequel les jeunes racontent les aventures folles d’un personnage qu’ils ont imaginé.

Incas(s)ables n’est ni un mélo misérabiliste ni une enquête dénonciatrice mais une fresque adolescente singulière. Le film n’occulte pas les difficultés et ne cache en rien la réalité du placement. Mais il s’attache surtout à peindre Guillaume, Alex, Kahina, Jérémie et Gabriel au-delà de leur situation d’enfants placés. A montrer en eux une incompressible force de vie qui ne demande qu’à s’exprimer.

D’où la pirouette du titre, qui dit le changement de regard sur eux.