Pierre Hurel, le réalisateur

Jusqu’à aujourd’hui, les récits sur l’affaire Grégory ont surtout raconté les dérives du juge Lambert, des gendarmes, des avocats, des policiers et des journalistes.
Pour raconter l’affaire Grégory, nous avons focalisé le récit sur l’essentiel : le crime, la vallée, la famille. Cette affaire, bien avant ses « dérives », c’est le meurtre quasi rituel d’un petit garçon de 4 ans et demi, plongé dans la rivière, les poings et les chevilles liés comme dans un sacrifice païen et barbare. L’assassin fait forcément partie de la famille, comme le prouve la revendication du crime par un mystérieux corbeau. C’est cela le cœur du mystère Grégory. C’est cela que nous allons raconter. En remontant aux racines du mal (la violence intrafamiliale), en décrivant la spirale infernale de l’enquête et les vies brisées qui en découlent, en suivant le dernier rebond de l’affaire, nous allons répondre, à notre manière, au mystère qui demeure.

Le film interroge aussi la Vologne avec sa forêt de sapins, les tempêtes de l’hiver, les usines désaffectées… Et aussi les grandes familles de la vallée, ces clans entremêlés, terreau de jalousie et de violence…

Pourquoi Grégory a-t-il été tué ? Parce que la Vallée est maudite. Alors, bien sûr, cette explication est romanesque, pas scientifique…

Cependant, Pierre Hurel et Christophe Dubois ont veillé à être factuels et à garder la chronologie historique. L’affaire Grégory fait partie de l’imaginaire national, de l’histoire française.

Elle a modifié le rapport des Français aux médias. C’est la première fois qu’une affaire est aussi médiatisée. Elle divise la France (et les journalistes) entre pro- et anti-Christine.   Encore plus qu’un fait divers, c’est un fait de classe. Laroche est défendu par l’avocat du Parti communiste (Prompt), alors que les Villemin sont défendus par l’avocat (Garaud) partisan de la peine de mort et de la légitime défense. 

Les errements de l’enquête, notamment sur le plan des constatations (les prélèvements, l’autopsie), ont amené la création d’une véritable police scientifique. Aucune scène de crime n’a plus été abordée de la même manière.  L’affaire a passionné l’opinion publique toutes classes confondues. De Paris Match à Détective en passant par Libération et Marguerite Duras. 

L’affaire Grégory est devenue une sorte d’objet judiciaire non identifié, où chacun projette sa part de vérité, en modifiant (consciemment ou non) la réalité. Elle continue à passionner car le mystère reste entier.

Trente-quatre ans après la mort de Grégory, ce crime passionne encore l’opinion publique comme un feuilleton médiatique sans fin. La fascination pour ce crime nous met à la fois en face d’un crime sordide et d’un mystère avec ses rebondissements dignes d’un roman noir.