VAN GOGH
Place au cinéma

Van Gogh

Cinéma - Lundi 31 octobre 2016 à 20.50

Avec cette évocation à la fois impressionniste et naturaliste des dernières semaines de la vie d’un peintre nommé Van Gogh, Maurice Pialat — qui envisagea d’abord lui-même une carrière de peintre — réalise en 1991 son dixième et avant-dernier long-métrage, l’un des plus grands films de son œuvre. Et peut-être son autoportrait en artiste hanté par l’échec.

« Van Gogh, c’était un type qui peignait, point. [...] Il prend le train pour Auvers. Il a cent tableaux à peindre, trois mois à vivre. Il s’appelle Van Gogh et il n’en a rien à foutre*. » Ainsi résumé par le réalisateur, l’argument de Van Gogh tient en peu de choses et dit assez bien tout ce à quoi Pialat tourne le dos : le biopic chevauchant à travers les années, la reconstitution historique minutieuse et empesée, le regard rétrospectif sur le grand homme, la mise en scène du mystère du génie créatif et destructeur. Vincent Van Gogh, quand il descend du train à Auvers-sur-Oise, en mai 1890, est juste un homme fatigué, voûté, taiseux, qui prend une chambre chez Mme Ravoux, demande au docteur Gachet de soigner ses migraines, se met au travail. Rien d’extraordinaire en apparence. Il peint. On le voit de face ou on aperçoit, mais à peine, les coups de pinceau. Il ne sait pas qu’il est Van Gogh, et on veut bien l’oublier aussi. A-t-il du génie ? Personne n’en sait trop rien, à part peut-être le docteur Gachet, médecin humaniste et amateur d’art un peu risible mais sincère. En tout cas, Vincent, lui, se voit en raté, fustige sa « barbouille qui vaut pas un sou, qui vaudra jamais un sou » ou reproche à son frère de ne rien faire pour vendre ses toiles.

La puissance du naturalisme

Pialat bâtit son film par scènes impressionnistes, par fragments qui ressuscitent à la fois un monde englouti et une existence gâchée, trop pleine de vie, de désespoir, de colère. Un déjeuner sur la terrasse des Gachet, l’évocation de la Commune de Paris... Vincent va au bordel retrouver des prostituées, rend visite à Théo à Paris, s’engueule avec tout le monde, se jette dans l’Oise (blague ? tentative de suicide ?), mange son casse-croûte en silence devant un champ de blé balayé par le vent, boit des verres de rouge avec l’idiot du village. Vincent n’est pas aimable : « Tu n’es pas sympathique », lui reproche un autre peintre — « Ça sert à quoi ? ».
La puissance du naturalisme chez Pialat, comme l’avait justement remarqué Serge Daney, réside pour une bonne part dans l’étrange statut de ses personnages. Ils semblent n’être pas vraiment là pour la caméra. Ils vivent leur vie. On les surprend un moment, et puis ils sortent du champ. Quand on les retrouve, ils ont vécu d’autres choses. Ils n’ont pas que ça à faire. Quand on les quitte tout à fait, alors que Vincent est mort, solitaire, abandonné dans sa chambre, ils vivront encore d’autres choses. Mme Ravoux reçoit la trappe de la cave sur le pied. Elle s’écrie : « Il va me falloir des mois pour m’en remettre ! » La vie continue…

Christophe Kechroud-Gibassier

* Pascal Mérigeau, Pialat, Grasset, 2002. Cité par Corinne Pieters, « De quoi Pialat était-il peintre ? » Esprit, mars 2013.

VAN GOGH

Film (France)

Durée 158 min

Réalisation Maurice Pialat

Production Erato Films, Centre national de la cinématographie / Cofimages 2 / Films A2 / StudioCanal / Sofica Investimage 3 / Sofica Investimage 2

Avec Jacques Dutronc, Alexandra London, Bernard Le Coq, Gérard Séty, Corinne Bourdon, Elsa Zylberstein, Leslie Azzoulai, Chantal Barbarit, Jacques Vidal, Frédéric Bonpart, Lisa Lamétrie

Année 1991

 

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