C'ETAIT ECRIT

C’était écrit : François Fillon, l’homme qui ne pouvait pas être président

Dimanche 4 février 2018 à 20.50

Comprendre les raisons d’un événement récent en examinant, tel un historien, la succession des faits qui y a mené. C’est le défi de cette nouvelle collection écrite par Bruce Toussaint. Ce premier volet, coécrit avec Félix Seger, est consacré à la campagne de François Fillon et à son échec à l’élection présidentielle. De nombreuses personnalités politiques livrent leurs confidences, laissant entrevoir une défaite écrite.

Avril 2017 : François Fillon est éliminé dès le premier tour d’une campagne présidentielle qu’il croyait « imperdable ». Cette tragédie personnelle se double d’un revers historique pour la droite française, absente du second tour. Un accident de l’histoire ? Pas vraiment. Pour comprendre la fuite en avant et la chute de François Fillon, il faut se replonger dans son passé, dans ses failles personnelles, dans les méandres de son parcours politique et dans les chausse-trapes au sein de son parti. Cet échec était écrit. La primaire arrachée sur le fil, l’emballement du « Penelopegate », la mise en examen, les journées décisives du Salon de l’agriculture et du Trocadéro, cette campagne fut riche en coups de théâtre. Pour la première fois, la plupart des principaux acteurs de cette campagne en dévoilent les coulisses. Au fil des confidences, on découvre un François Fillon très seul face à son destin présidentiel. Certains de ses soutiens de campagne avouent même… ne pas avoir voté pour lui.

Collection documentaire

Durée 90 min

Auteurs-réalisateurs Félix Seger et Bruce Toussaint

Réalisateur Félix Seger

Production Caméra Subjective, avec la participation de France Télévisions

Année 2018

C'ETAIT ECRIT

Qu’avez-vous souhaité raconter dans ce film ?

Bruce Toussaint : Nous avions envie de raconter l’histoire immédiate, en appliquant les méthodes d’historiens. La formule « C’était écrit » explique bien ce qu’on veut raconter. Ce n’est pas seulement le récit d’un événement marquant, c’est aussi la recherche de tout ce qui a pu en créer les conditions, quelques années plus tôt. Un des ressorts des films sont les flash-back. Pour l’affaire Fillon, nous avons essayé de comprendre ce qui s’est passé, avec le recul d’une année, de trouver les racines de cet enchaînement d’événements. Analyser avec beaucoup de minutie les faits, aller en chercher les causes profondes, faire ce travail de recherche et d’analyse dans un temps très court, c’est la philosophie générale de la collection.

C’était écrit… pour la droite ? ou pour Fillon ?

B. T. : Ce qui est passionnant dans cette histoire extraordinaire, c’est que le désastre de la campagne de Fillon trouve ses racines dans l’histoire de la droite de ces dix dernières années. Plusieurs intervenants nous disent, avec beaucoup de franchise et parfois beaucoup d’émotion, que ce ratage monumental a germé avec l’élection triomphale de Sarkozy en 2007 pour aboutir à l’échec retentissant de l’élection présidentielle en 2017. C’est la première fois de l’histoire de la Ve République que cette famille politique est absente au second tour. C’est cette histoire-là que l’on raconte dans ce film.

Comment avez-vous conçu ce documentaire ?

B. T. : Le documentaire est une autre écriture, singulière : on a effectué un énorme travail sur plusieurs mois de recherche d’archives, près de vingt-cinq interviews et un montage très long. C’est différent de ce que je peux faire au quotidien, même si sur France 5 la priorité est toujours donnée au décryptage. Comprendre, analyser, expliquer s’appliquent parfaitement à cette série.

La liste des intervenants est longue. Avez-vous ressenti le besoin ou l’envie pour certains de parler ?

B. T. : Il y a quelque chose de l’ordre de la thérapie de groupe. Il y a eu un traumatisme énorme car cette élection était imperdable, la victoire était assurée… Ce naufrage hante encore toutes ces personnalités de la droite. Donc, quand on leur a demandé de raconter, ils ont tous abandonné leur langue de bois habituelle pour jouer le jeu du récit et de cette histoire. Ils ont envie de partager ! Ils étaient aux premières loges, et c’est une des premières fois qu’ils ont l’occasion de le faire avec ce film. François Fillon n’a pas souhaité s’exprimer, ni ses plus proches, qui se sont rangés à cette décision.

Qu’est-ce qu’on apprend de nouveau ?

B. T. : Ce qu’on découvre dans le film, c’est d’abord l’incroyable série de fractures dans cette famille politique. On le savait, mais à ce point on ne l’imaginait peut-être pas : on se rend compte que, parce qu’il y avait ces divisions très fortes, ces haines, il ne pouvait pas y avoir d’autre issue. Puis, on cherche à savoir qui est vraiment François Fillon. On découvre le mystère, une personne insondable : même ses plus proches n’arrivent pas à le percer, c’est étonnant. C’est un personnage qui a de multiples facettes : il a une combativité exceptionnelle, un courage inouï, un tempérament qui fait qu’il reste debout au cœur de la tempête. Mais il est aussi doté d’une incapacité à reconnaître les erreurs qu’il a commises politiquement. Ceux qui l’ont accompagné tout au long de la campagne lui en ont énormément voulu de ne pas lâcher l’affaire. Au point que certains, parmi ses plus proches, nous révèlent qu’ils n’ont pas voté pour lui à l’élection présidentielle ! Ce qui ressort beaucoup du film, c’est que François Fillon n’est pas l’unique responsable. François Baroin le dit de façon très claire et très honnête : « Nous avons tous une part de responsabilité dans ce qui est un désastre. » C’est tellement extraordinaire que ça dépasse toutes les séries. Un des personnages du film, Gilles Boyer, ancien directeur de campagne d’Alain Juppé, le dit : « Aucun scénariste de fiction n’aurait pu imaginer un tel scénario ! »

Propos recueillis par Anne-Laure Fournier

Entretien avec Félix Seger

Comment vous êtes-vous réparti les rôles avec Bruce Toussaint ?

Félix Seger : Nous avons écrit et pensé le film ensemble. Nous nous sommes réparti les interviews. Je me suis beaucoup occupé du montage. Certains moments clé ont mérité quelques reconstitutions, comme les coulisses de la préparation du numéro du Canard enchaîné ou comme le soir de la primaire où François Fillon, victorieux, revient chez lui au lieu de faire la fête et regarde tout seul la série The Crown.

Parmi les intervenants, ni Fillon ni ses proches n’ont accepté de vous répondre…

F. S. : Fillon n’aime pas parler, il a fait campagne tout seul et il a gagné l’élection de la primaire tout seul. Il n’a tendu la main ni à Juppé ni à Sarkozy, ce qui a entraîné une partie de sa défaite. Anne Méaux, sa communicante, a refusé de parler, Bruno Retailleau, un des plus proches, aussi. Seul Patrick Stefanini, son directeur de campagne qui l’a quitté en cours de route, a accepté de nous parler longuement.

Qu’est-ce qu’on apprend sur le personnage de Fillon ?

F. S. : Lorsqu’il gagne la primaire, on connaît peu le personnage. C’est quelqu’un de très secret, plein de zones d’ombre, même s’il a occupé tous les postes de la République. On s’intéresse à sa personnalité pour comprendre ce qui pouvait annoncer la suite, et que ses plus proches ignoraient. De fin janvier à mi-mars, les événements sont concentrés avec des rebondissements presque tous les jours. Les acteurs nous racontent ce qui se passe en coulisses à ces moments-là. Entre le 24 et le 25 janvier, jour de la sortie du Canard enchaîné, Fillon a longtemps dit qu’il n’était pas au courant, or on démontre qu’il l’était. Personne dans son équipe ne savait, sauf sa communication qui n’a pas anticipé. On raconte ce premier couac et la succession de journées décisives jusqu’au meeting du Trocadéro le 6 mars, où il arrive à se maintenir. Le 1er mars, il annule sa venue au Salon de l’agriculture, car il vient d’apprendre la veille qu’il a été mis en examen. Tout le monde le lâche. Mais avec le meeting du Trocadéro, il joue de manière très habile, en entretenant le doute sur son maintien et en montant les uns contre les autres. Et il arrive à se maintenir de façon incroyable ! L’affaire des costumes de Robert Bourgi, avocat de la Françafrique, sera un peu le coup fatal qui fait qu’il ne pourra plus être président. C’est incroyable que le candidat de la probité ait pu ainsi se laisser aller. Ce sont ces aspects un peu troubles du personnage que l’on éclaire aussi dans ce documentaire.

Propos recueillis par Anne-Laure Fournier

En savoir plus sur Félix Seger

Après une formation à l’école publique de journalisme de Tours, et la University of Northern Colorado, Félix Seger intègre La Matinale de Canal+ en 2011, puis la société de production Bangumi en 2012, en tant que journaliste reporter d’images-réalisateur. Après un an au sein de l’émission Le Supplément de Canal+, il devient « envoyé spécial » du Petit Journal avec Martin Weill. Pendant deux saisons, il fait plusieurs fois le tour du monde en tant que grand reporter pour l’émission de Yann Barthès sur des sujets et des terrains souvent difficiles. En 2015, il se tourne vers la réalisation de documentaires longs, pour Planète+ et Canal+ : C’était mieux avant ? Le Travail (Planète+, 2016), Comment gagner une élection présidentielle ? Être candidat (Planète+, 2017), Sandwich (Canal+, février 2018). Après avoir collaboré en tant que pigiste aux magazines Envoyé spécial et Stupéfiant sur France 2, c’est son premier documentaire pour France Télévisions.

Bernard Accoyer, Roselyne Bachelot, François Baroin, Xavier Bertrand, Jean de Boishue, Gilles Boyer, Valérie Boyer, Robert Bourgi, Éric Ciotti, Jean-François Copé, Rachida Dati, Gérard Davet, Laureline Dupont, Georges Fenech, Louis-Marie Horeau, Brice Hortefeux, Bruno Jeudy, Christine Kelly, Fabrice Lhomme, Gérard Longuet, Valérie Pécresse, Céline Pigalle, Jean-Pierre Raffarin, Thierry Solère, Patrick Stefanini, Brice Teinturier.

Fiche technique

En détails

Anne-Sophie Bruttmann
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