SEA, NO SEX AND SUN

Sea, No Sex and Sun

Cinéma - Nouveauté - MERCREDI 15 JUIN 2016 20H00 - Sur Martinique 1ère

Cette comédie chorale douce et amère dresse le portrait attachant de trois hommes à des périodes clés de leur vie. Une belle brochette d’acteurs porte cette histoire de bord de mer. 

La Bretagne, le mois de juillet, Carnac-Plage. Alex, 20 ans, saisonnier au Tennis Club, profite de sa liberté, sort, fait des rencontres. Guillaume, 35 ans, vient en vacances avec sa femme et sa fille. C’est ici qu’il a passé ses meilleurs étés lorsqu’il était jeune. Pierre, 50 ans, récemment divorcé, séjourne avec ses deux enfants et espère renouer avec eux. Sea, No Sex and Sun évoque les déboires de trois hommes de générations différentes, confrontés à leurs désirs et à la difficulté de les assouvir. Une comédie qui se moque gentiment des hommes, éternels insatisfaits. Finalement, un film sur l’acceptation de soi et le renoncement. L’été sera chaud… mais pas trop ! 

Cinéma

Durée : 1h29 min

Genre : Comédie

Réalisation : Christophe Turpin

Avec : Fred Testot, Antoine Duléry, Julie Ferrier, Arthur Mazet, Armelle Deutsch, Anouk Grinberg, Patrick Bouchitey, Alma Jodorowsky  

Production : Quasar Pictures, Pathé

Année : 2012

Comment est née l’idée du scénario ?

 

J’étais à Carnac, un été, il y a quatre ou cinq ans. J’attendais un copain pour aller boire des coups dans un bar, et j’observais tous les jeunes autour de moi qui, probablement, s’apprêtaient à passer une soirée sans savoir où ils allaient aller, ni avec qui, ni comment… Ils dégageaient une insouciance qui m’a renvoyé au fait que, contrairement à eux, je ne pourrais pas trop boire sans regarder l’heure, et que ma soirée à moi serait rapidement balisée par l’obligation de remonter dans ma voiture et de rentrer à Vannes, où j’étais attendu. Bye bye, l’insouciance de ma jeunesse ! Sur la base de ce sentiment, j’ai commencé à réfléchir à une histoire. Depuis, le bar où tout a commencé a fermé, mais on s’en est servi de décor. Juste retour des choses…

 

Le film est vu à travers le regard alterné de trois hommes de générations différentes : 20, 35 et 50 ans. Comment les avez-vous définis ?

 

J’ai d’abord pensé au personnage qui a l’âge le plus proche du mien, Guillaume, interprété par Fred Testot, parce qu’il représente mon présent. Ensuite, j’ai attaqué le plus jeune, Alex, incarné par Arthur Mazet, parce qu’il évoque mon passé. Enfin, je me suis consacré au « senior », Pierre, interprété par Antoine Duléry, qui annonce le quinqua que je n’espère pas devenir. Et pour cause, il est divorcé et un peu pathétique dans son désir de redevenir jeune.

 

Pouvez-vous décrire leurs personnalités ? L’état des lieux de leur existence au moment où le film commence ?

 

Il y a Alex, 20 ans, qui passe l’été à Carnac pour travailler dans un club de tennis. Un soir, il va coucher avec une fille qu’il ne  connaissait pas quelques heures auparavant. C’est le principe même de ce qui peut arriver l’été quand on est jeune, célibataire et qu’on séjourne dans une station balnéaire. Sauf qu’un peu plus tard, Alex tombe par hasard sur une fille dont il est amoureux depuis le lycée. Sa frustration à lui, c’est ça : alors qu’il peut s’éclater avec une nana sympa qui l’apprécie vraiment, il va tout gâcher pour tenter d’assouvir une obsession liée à cette fille en apparence parfaite, belle comme une figure de mode, mais qui, visiblement, ne le calcule pas du tout. Ensuite, il y a Guillaume, 35 ans. Lui, il venait en vacances à Carnac quand il avait l’âge d’Alex. Mais cette fois, il débarque avec sa femme et sa fille en espérant que cela lui rappellera de bons souvenirs, avant de se rendre compte assez rapidement que cette espèce de nostalgie se retourne contre lui. Enfin, il y a le personnage de Pierre, 50 ans, récemment divorcé. Il s’offre des vacances à Carnac avec sa fille de 18 ans et son fils de 13 ans. Pour lui, ce sont ses premières vacances d’homme « libre » depuis 25 ans, et il a bien l’intention d’en profiter !

 

Qu’est-ce qui relie profondément ces trois personnages ?

 

L’idée est que ces trois hommes pourraient être la même personne à trois âges différents. Je l’ai un peu occultée pendant le tournage afin de ne pas en être prisonnier. Mais j’ai disséminé ici ou là des indices qui laissent penser que chaque personnage a vécu ou vivra les mêmes choses que les autres.

 

Votre film donne une vision assez fataliste, assez désenchantée de l’amour.

 

Frédéric Beigbeder dit que « l’amour dure trois ans », et j’imagine qu’il n’a pas complètement tort… Sérieusement, c’est déjà compliqué à la base, et l’époque dans laquelle on vit n’arrange rien, on est tout le temps sollicité. Maintenant, il y a même des pubs pour tromper votre conjoint en toute tranquillité ! Un des thèmes que le film aborde est le comportement des hommes en été. C’est une saison qui procure toujours un sentiment de liberté. S’il y a bien une période où l’on aimerait tous avoir 20 ans, c’est bien celle-là. Quand on est adolescent, c’est là où l’on commence à vivre sans les parents. L’été, c’est la période de l’année qui cristallise le plus les souvenirs, les bons moments : les premières cuites, les feux de camp, les amours de vacances… Ensuite, on vieillit, et c’est moins marrant. Avec le temps, l’été finit par ressembler à l’automne, car cela devient une période propice à la nostalgie ! Lorsqu’on est marié, qu’on a des enfants, qu’on a une vie hyper stable, on sait qu’il y a des barrières à ne pas franchir et cela devient vite très frustrant ! Mais finalement est-ce que j’étais plus heureux à 20 ans ? Probablement que non. Bref, on n’est jamais content. C’est de cette frustration qu’est né Sea, No Sex and Sun. En fait, j’ai voulu faire un « feel good movie » sur la frustration.

 

Vous avez 40 ans et c’est un âge assez « tardif » dans le cinéma d’aujourd’hui pour réaliser son premier film. Quelles sont les étapes de votre parcours ?

 

La base de ma cinéphilie, ce sont plutôt les films d’horreur, le fantastique, les revues Mad Movies ou Starfix... Quand j’étais adolescent, je faisais des maquillages d’horreur, et j’ai même pensé à devenir maquilleur... Vers 12 ans, j’ai tourné des courts métrages directement sur cassettes VHS en me baladant avec le gros magnétoscope familial, un JVC, sur lequel je branchais une caméra dont la batterie ne dépassait pas les dix minutes.

Je me souviens d’un film, si on peut appeler cela un « film », qui s’intitulait Le caniche de l’ombre… Plus tard, je suis passé au Super 8 avec, entre autres, un remake du New York 1997 de John Carpenter. On retrouve une trace de ma culture dans Sea, No Sex and Sun, où les personnages aiment la BD ou portent des tee-shirts de films de Spielberg.

Pour revenir à mon parcours, je suis arrivé à Paris à 18 ans dans le but exclusif de faire du cinéma. J’ai accumulé les petits boulots, j’ai bossé un peu dans la pub, mais j’écrivais beaucoup, toujours sous forme de scénarios. En 1998, j’ai tourné un court métrage avec Barbara Schultz : Enchanté Baby Jane, puis un moyen métrage : C’est pas tous les jours marrant, avec Jocelyn Quivrin, Élodie Navarre et Lorànt Deutsch, que peu de gens ont vus pour diverses raisons. Ils étaient tous deux dans la veine de Sea,No Sex and Sun. Puis, quelques années plus tard, après Jean-Philippe, je me suis positionné comme scénariste. Durant plusieurs années, je n’ai pas cherché à occuper un autre poste.

 

Comment en êtes-vous arrivé à votre premier scénario crédité, celui de Jean-Philippe justement, qui vous a valu une nomination au César ?

 

En fait, c’est un gros coup de chance. Je l’ai écrit dans mon coin en 2003, je l’ai proposé à Johnny par le biais d’Antoine Duléry et de Barbara Schultz. Il a dit oui assez vite, et le film s’est enclenché, non sans difficultés d’ailleurs, mais au final je suis très content du résultat. J’ai eu beaucoup de chance sur Jean-Philippe. Mon scénario a été respecté.

 

Vous n’aviez aucune envie de le réaliser ?

 

Je ne me voyais pas du tout diriger Fabrice Luchini et Johnny Hallyday ! Ils m’auraient bouffé tout cru. J’ai donc continué à tracer mon sillon dans l’écriture de scénarios pour le cinéma et pour la télévision.

 

Comment vous êtes-vous finalement retrouvé à la mise en scène de Sea, No Sex and Sun ?

 

Pour exister dans le cinéma français, il vaut mieux être auteur-réalisateur. Ce n’est qu’à partir du moment où vous occupez ce poste qu’on vous accorde toute la confiance nécessaire. J’ai écrit le scénario du film, je l’ai vendu à la société de production Quasar. Pathé s’est ensuite engagé dans le projet et m’a donné la possibilité et la liberté de le mettre en scène.

 

Cette marge de liberté s’est-elle appliquée au casting ?

 

Oui, avec des réserves, évidemment. Il fallait d’abord trouver trois acteurs pas trop différents physiquement les uns des autres. Fred Testot, c’est vraiment quelqu’un à qui j’ai pensé dès le début. Déjà, il est très drôle dans la vie, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Même certains comiques ne sont pas très drôles « en vrai »… Je savais qu’avec lui, l’aspect « comédie » du film pourrait être réussi. Et en le dirigeant de façon naturelle, sans forcer le trait, je voulais également le montrer ambivalent, voire cruel ou pathétique.

 

Antoine Duléry ?

 

Je le connaissais depuis Jean-Philippe, et comme pour Fred, j’ai pensé à lui très vite, d’autant qu’il avait pile l’âge du rôle. Dès notre première conversation, je lui ai dit que le ton du film serait plutôt léger, mesuré, et il a joué le jeu avec un grand plaisir. Je pense qu’à l’heure actuelle, il cherche ce genre de rôles, plus nuancés. C’est un grand acteur populaire, au bon sens du terme.

 

Comment avez-vous découvert Arthur Mazet ?

 

Je me suis rappelé être tombé sur une photo d’Arthur Mazet dans Libération à propos d’un film que je n’avais pas encore vu : Simon Werner a disparu. Avant même de le voir bouger, je m’étais dit : « Tiens, physiquement, ça pourrait coller. » J’ai donc appelé son agent, je l’ai rencontré, et il y a eu un feeling direct, une empathie immédiate. Arthur dégage une sensibilité proche de la mienne, proche de ce que j’étais au même âge.

 

Il y a également trois personnages de femmes « adultes ». Celui d’Anouk Grinberg, par exemple.

 

J’avais du mal à imaginer quelqu’un pour ce rôle, je ne sais pas pourquoi… Peut-être parce que c’est le plus éloigné de moi ? Mais quand la directrice de casting, Emmanuelle Prévost, a suggéré Anouk Grinberg, l’évidence m’a sauté aux yeux. C’est vrai qu’Anouk a un jeu particulier, bien à elle. C’est évidemment une grande actrice, très touchante, avec une aura encore intacte. Je sais que dans le film, elle plaît énormément. Ce que j’aime chez elle, c’est son côté femme-enfant. Elle me rappelle un peu Isabella Rossellini.

 

Qu’est-ce qui vous a orienté vers Armelle Deutsch, qui joue Raphaëlle ?

 

J’avais besoin de quelqu’un avec du peps, le genre de fille marrante avec qui on a envie de passer une soirée. Avec elle, on n’a aucun souci à se faire : elle assure, elle est pro. Dans la vie, elle est à la fois très féminine et elle dégage des vibrations de « pote », presque de garçon manqué. Et ça aussi, ça collait très bien au personnage.

 

Julie Ferrier, elle, quitte son registre habituel.

 

En effet, c’est un vrai contre-emploi. Elle est victime de son mari qui la laisse en plan, elle pleure, pousse des gueulantes, elle n’est pas spécialement marrante - même si elle l’est !... En réalité, je lui ai d’abord proposé le personnage de Raph’, mais quand elle a lu le scénario, elle a préféré celui de Justine. Ça lui donnait l’occasion de s’aventurer sur un nouveau terrain.

 

La bande originale est particulièrement fournie. Pourquoi avez-vous accordé une telle importance à la musique ?

 

Depuis toujours, j’écris en écoutant de la musique. Essentiellement de la pop, de la variété vintage, beaucoup de bandes originales de films. C’est d’ailleurs pour cela que je préfère écrire seul. D’où l’importance que j’accorde à la musique. Pour moi, c’est une composante essentielle du cinéma. Quand je revois les films que j’aime, les moments que je préfère sont souvent liés à leur musique. Un exemple parmi tant d’autres : Stand by Me. À la fin, quand les gamins se séparent, on voit River Phoenix s’éloigner sur les premières notes de la chanson-titre réorchestrée par Jack Nietzsche. Ce n’est pas grand-chose, ça dure quinze secondes, mais quand je pense au film, c’est la première séquence qui me vient à l’esprit. Sur la route de Madison, pareil, Forrest Gump ou Peggy Sue s’est mariée, idem. Et ne parlons même pas des films comme E.T. ou Les Aventuriers de l’Arche perdue, dont les thèmes sont devenus tellement mythiques qu’on n’imagine pas une seconde les films sans eux.

 

Pourquoi avez-vous choisi le standard des Beach Boys « Wouldn’t it be nice » en leitmotiv ?

 

Au départ, je voulais « Happy together » des Turtles, qui était plus facile à chanter, mais les droits étaient trop chers. J’ai donc choisi ce morceau des Beach Boys, que j’aime beaucoup, même si ce n’est pas mon préféré du groupe. Autrement, j’ai pu insérer des chansons qui font partie de mon Panthéon personnel. Par exemple : « Reach » des Pale Fountains, un groupe

culte des années 80 un peu oublié ; ou encore « And suddenly » des Left Banke, génial groupe new-yorkais de la fin des 60’s, ultra pop… Dans les plus récents, il y aussi des morceaux de

God help the Girl, Pacovolume, All if, Euro Childs…

 

Qu’est-ce que ces chansons ont en commun ?

 

C’est de la pure pop ! Et la pop, c’est de la musique à la fois légère et mélancolique. Agréable. Ça fonctionne très bien avec le bord de mer et l’esprit général du film. En Bretagne, il y a une grosse culture de pop anglaise et dans les années 90, les jeunes Bretons écoutaient des groupes comme Blur, Pulp ou Divine Comedy, même si ce dernier est irlandais…

D’ailleurs, mon compositeur, Jean-Philippe Verdin, est lui-même breton et il possède une solide culture pop. L’influence majeure pour le thème du générique de début a été le fameux morceau sifflé de « Coup de tête » composé par Pierre Bachelet, un morceau un peu mélancolique, avec un air enlevé et triste à la fois. 

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