Les Trésors cachés des variétés (Jean-Christophe Averty)

Des années 1960 aux années 1990, Jean-Christophe Averty a écrit les pages les plus déjantées de l’histoire de la télévision. De ses mises en scène de sketches avant-gardistes – dont la célèbre séquence du bébé en Celluloïd passé à la moulinette dans son émission Les Raisins verts – à ses shows osés et novateurs concoctés pour les plus grandes stars du moment (Sylvie Vartan et Johnny Hallyday, Gilbert Bécaud, Serge Gainsbourg et Jane Birkin, Yves Montand, Nino Ferrer…), ce précurseur de l’art vidéo a littéralement réinventé les programmes de variétés en commettant des centaines d’émissions dont le mordant et la modernité n’ont pas pris une ride.

"La leçon de solfège" de Marcel Amont / (c) MD Productions

Des couleurs avant la télé couleur !

C’est au début des années 60 qu’Averty fait ses premiers pas de réalisateur à la sage télévision française. Le média compte deux chaînes, la couleur est en passe d’arriver (1967), les programmes sont peu inventifs. De quoi largement stimuler l’esprit pionnier et bouillonnant d’idées d’Averty. « La télévision, c’est une radio que l’on regarde de temps en temps. On ne la regarde pas vraiment, on l’écoute. Plus la bande sonore est riche, plus l’émission devient intéressante. Cela nous force à regarder l’image. » Insufflant un vent de folie créative et audacieuse, il va donner des couleurs aux programmes télé des soirées des Français.

Françoise Hardy et Jacques Dutronc dans "Mini, mini, mini" / (c) MD Productions

Une écriture visuelle riche et inédite

Passionné par l’abstraction, le graphisme et l’absurde, Averty use de trucages vidéo pour donner une dimension pop et surréaliste à ses réalisations. Contrastes, formes géométriques, surimpressions, split screen, aphorismes : ses images reflètent son imagination débordante et son goût pour des artistes modernes tels qu’Alfred Jarry, Marcel Duchamp, Salvador Dali… Des univers qui l’inspirent et qu’il réinvente avec poésie et humour. Ainsi, le père Ubu, personnage emblématique du théâtre de Jarry, fait régulièrement son apparition dans les créations d’Averty (Le Tourbillon de la vie de Jeanne Moreau, Le Jouet extraordinaire de Claude François). Tel un gimmick visuel, sa spirale ombilicale symbolise l’absurdité de l’existence, les cycles de la vie et l’éternel recommencement. Des références personnelles qui peuvent parfois échapper, jusqu’aux artistes mêmes avec lesquels il collabore. « Il y a des tas de clins d’œil, même assez occultés, que lui était capable de faire dans ses filmages, ses tournages, se souvient Pierre Perret. Il y avait un double regard, comme dans ces peintures où il y a deux, trois niveaux, des tas de détails qui nous échappent et que l’on découvre au fur et à mesure. C’est ça l’apanage des œuvres riches. »

Jane Birkin et Serge Gainsbourg s'invitent dans une toile de Dali / (c) MD Productions

Des shows sur mesure

On se bouscule devant la caméra de Jean-Christophe Averty. Gilbert Bécaud, Yves Montand, les yéyés (Françoise Hardy, Jacques Dutronc, Johnny Hallyday et Sylvie Vartan, Claude François…) : tous souhaitaient être mis en scène dans l’une de ses créations dont lui seul a le secret. « C’était quelqu’un de tellement moderne, il a vraiment fait bouger la télévision. Aujourd’hui, on pourrait encore prendre exemple sur ce qu’il a fait. Ce n’est absolument pas démodé », observe Sylvie Vartan. Pour les vedettes, Averty invente les clips avant l’heure. Chaque séquence est pensée en fonction de ce que lui inspirent le texte et la musique des chansons. Pour Antoine de Caunes, le style Averty est tout à fait à part et a marqué son temps. « En règle générale, je n’aime pas trop les trafics d’images vidéo. Chez Averty, il n’y a jamais d’effet pour l’effet. Au contraire, il y a toujours une raison. On regarde ses émissions avec des yeux ouverts comme des soucoupes car ce sont des images intelligentes. À tel point qu’il a même failli me faire aimer Dalida ! ».

(c) MD Productions

Sylvie Tournier