Thé ou café

Comment avez-vous abordé cette nouvelle rentrée ?
Avec le plaisir de voir qu’une émission, qui a autant de bouteille, continue d’intéresser le public, et avec l’envie de proposer, encore et toujours, de nouvelles rencontres aussi diverses que prestigieuses. Je recevrai ainsi Cyril Lignac le 14 octobre et Bernard Cazeneuve, le 22, qui reviendra sur ses 150 jours à Matignon. Cette année, nous souhaitons également continuer à sortir des plateaux, à réserver des journées surprises à nos invités ou à leur laisser carte blanche, comme nous le ferons prochainement avec Laurent Gerra qui nous emmènera dans sa ville, Lyon.

Il y a vingt et un ans, pensiez-vous que l’émission allait connaître une telle longévité ?
Non. Mais France 2 a compris que, pour qu’une émission s’impose, il fallait lui laisser du temps. Et cela nous a effectivement pris quelques mois, peut-être même un ou deux ans, avant que le rendez-vous soit installé. Ne pas être exposé à des horaires très concurrentiels a sans doute permis cela… Avec les années, nous sommes parvenus à non seulement fidéliser les téléspectateurs mais aussi les personnalités invitées. Aujourd’hui, et malgré un horaire confidentiel, les personnes les plus représentatives de notre société, de grands noms – français ou internationaux –, viennent s’exprimer dans Thé ou Café. Sans doute pour la qualité d’accueil, d’écoute, favorisée par le côté intimiste de l’émission. Ils nous choisissent, je pense, tout simplement pour ce que nous sommes.

Justement, est-ce que la case horaire de l’émission induit un ton, une atmosphère particulière ?
Oui, je crois. Lorsqu’on regarde Thé ou Café en direct, la maison ne bouge pas, d’autres dorment peut-être encore. Le moment est confidentiel, l’instant tranquille. Le rapport à l’écran est différent. Souvent, le public nous dit d’ailleurs qu’il a l’impression d’être assis à table avec nous, de partager un thé ou un café en notre compagnie. Il ne s’agit pas seulement d’un tête-à-tête avec mon invité, mais d’un trio avec le téléspectateur. En établissant un rapport assez intime avec l’invité, en allant dans la confidence, le téléspectateur n’est plus « extérieur » à la conversation. Et je veille toujours à l’intégrer à notre entretien.

Comment parvenez-vous à instaurer un tel climat de confiance ?
Il me semble qu’on obtient beaucoup de quelqu’un – et c’est tout aussi valable en dehors de l’écran – lorsqu’on éprouve pour lui de l’intérêt, de la curiosité. De l’empathie même. Dans l’émission, il règne une douceur, mais sans complaisance. Vous savez, je suis gémeaux, et il existe en moi une certaine dualité. Je peux caresser et porter un petit coup de griffe ! Pour obtenir des réponses, j’oscille entre douceur et fermeté – comme dans la vie –, sans jamais être intrusive. Et puis, le décor de l’émission « comme à la maison », ce lieu de vie très cocooning favorise sans doute la confidence.

Dans votre fameuse « interview dos à dos », les invités se prêtent volontiers au jeu de la confidence. Selon vous, est-ce que la position, ce contact physique favorise ce lâcher-prise ?
Tout à fait. Il y a un corps-à-corps ! Nos colonnes vertébrales se touchent… Dos à dos, vous ne percevez plus le regard de l’autre, et vous vous retrouvez seul, face à vous-même. L’introspection est alors plus grande. Et puis, mes questions sont, c’est certain, très orientées sur l’intime : préférez-vous la vérité qui fait mal ou le mensonge qui console ? ; qu’avez-vous fait de plus fou par amour ? ; dans l’amour, vous préférez avant, pendant ou après ? Il faut nécessairement un peu se dévoiler et être surtout très réactif. Mes invités dégagent souvent, à ce moment-là, une certaine tension.

De votre côté, posez-vous des questions que nous n’oseriez pas poser face à face ?
C’est certain ! Je me dissimule aussi. Toutes les questions un peu coquines, malicieuses, je les réserve pour le « dos à dos ». Et le public, demandeur, s’amuse de voir comment l’invité va réagir. Cette interview dévoile une facette différente de la personnalité. Car leurs réponses reflètent aussi leur sens de la répartie. Mais je peux vous dire que l’ensemble de l’émission est difficile. Durant les cinquante minutes de tournage, la personne invitée est obligée de se raconter, de livrer des choses assez profondes et sincères. Après l’émission, ils sont vraiment éprouvés, même physiquement…

Quels sont les invités que vous rêveriez encore de recevoir ?
J’en ai reçu 1 670 mais, heureusement, il reste encore pas mal de gens intéressants et cultivés sur notre planète ! J’aimerais beaucoup recevoir Isabelle Huppert. Je l’ai déjà rencontrée à plusieurs reprises et j’espère, un jour, la convaincre de participer. Avec le temps, beaucoup finissent pas accepter. Calogero, qui a longtemps refusé, a fini par accepter en m’expliquant qu’il était désormais prêt à assumer. Il s’agit, c’est sûr, d’une petite épreuve vis-à-vis de soi, mais tous parviennent à s'apercevoir que je ne les torture pas !

Pour finir, que peut-on vous souhaiter pour cette nouvelle saison ?
Que l’émission soit toujours autant suivie – à l’antenne, en replay ou sur notre chaîne Youtube. Qu’elle continue à évoluer, à être moderne, contemporaine. Thé ou Café est une émission laboratoire où l’on doit sans cesse essayer de nouvelles choses, qu’il s’agisse du montage, des sujets, des décors. Enfin, je souhaite que le programme soit beau, élégant, avec du sens, qu’il allie fond et forme afin que l’émission demeure un lieu de partage et de tolérance. 

Propos recueillis par Céline Boidin-Lounis.