Documentaire inédit

Horizons : Jean-Claude Barny, le cinéma du Nèg Maron

Lundi 21 Mars 2022 à 20.05

Les cinéastes explorant l'histoire antillaise sont suffisamment rares pour être remarqués. Jean-Claude Barny est de ceux-là. Déraciné très jeune de sa Guadeloupe natale, le réalisateur fut dans l’incapacité de traduire par des mots son vécu et son histoire, jusqu'au moment où il se mit à faire des films. Devenu cinéaste, il raconte avec des images sa place dans le roman national, et le mal être d’une génération. Il réussit à représenter sa communauté sans fioriture ni préjugé, car dans l'histoire de la communauté antillaise et du peuple qui l'habite, c'est l'histoire de la France qui s'écrit.

 

52 min • Réalisation : Sonia Medina, Stéphane Krausz • Production : Zycopolis Productions, avec la participation de France Télévisions

♦ Note d'intention du réalisateur, Stéphane Krausz

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, un documentaire qui retrace l’œuvre de Jean Claude Barny ne se tourne pas « sur le vif », il faut au préalable construire un récit comme un scénario de fiction en faisant des recherches précises sur tous ses films. Il faut se documenter sur l’origine des histoires qu’il raconte dans ses films et aller à la rencontre des différentes personnes qui ont travaillé à ses côtés.

Le point de départ de ce film a été de prendre appui sur l'actualité  de  Jean-Claude Barny, et le tournage de son dernier film : « Fanon ». Ce  fut l’occasion de filmer le cinéaste dans son travail pour montrer la réalité d’un tournage de cinéma, et de capter la réalité de son univers dans quelque chose de plus large. Il s’agit pour moi d’identifier ce qui, dans cette réalité de son cinéma, peut constituer une histoire. C’est ici que documentaire et fiction se rejoignent. A travers un long entretien inédit du cinéaste et l’intervention de ses proches collaborateurs, de comédiens mais aussi de cinéastes influencés par son travail, j'ai voulu essayer de percer le secret de son indépendance. Cet entretien a été entrecoupé d’extraits de ses films et de reportages sur ses tournages afin de découvrir l’originalité d’un réalisateur passionné et exigeant, mais aussi de comprendre les raisons profondes de ces choix de sujet liés à ses origines, et son attachement infaillible aux Antilles. Je me suis efforcé de recréer au maximum l’univers et l’ambiance particulière des films de Jean-Claude Barny, à travers des effets de lumière, de musique et de montage, et qui en font un cinéaste guadeloupéen unique en son genre : la vie du réalisateur mise en relief avec, par moments, des anecdotes révélatrices du métier, mais également des éléments de sa vie privée et de ses engagements personnels liés directement ou indirectement au cinéma.  

♦ Trois questions à Jean-Claude BARNY

Jean Claude Barny @AL (Albane Lussien)

Jean Claude Barny est né en 1965 à Pointe-à-Pitre. Il fait ses premiers pas au cinéma en 1994 en réalisant son premier court-métrage « Putain de porte ». Il y fait alors la rencontre de Matthieu Kassovitz, qui lui confiera la direction du casting de ses deux longs métrages culte : « La haine » et « Assassin(s)». Puis il poursuivra sa carrière en réalisant de nombreux clips vidéo, notamment pour Kassav’, Neg’ Marrons, Doc Gynéco ou encore Tonton David. En 2005, il retourne en Guadeloupe afin de réaliser son premier long métrage « Nèg Maron ». Ce film met en avant les problèmes de fond d’une jeunesse antillaise désœuvrée et sans avenir. S’en suivront la série « Tropiques amers » en 2007, le téléfilm « Rose et le soldat » en 2015 et son second long métrage « Le Gang des Antillais » en 2016.

1 - "Jean-Claude Barny, le cinéma  du nèg maron",  selon vous est-il toujours possible d'être libre ? 

Au départ le titre de ce documentaire était  "Jean-Claude Barny, le cinéma  d'un homme libre", et avec le réalisateur on a voulu créoliser le titre. Et peu importe la génération, le cinéma la musique ou la littérature portent des personnages authentiques qui ont cet engagement dans leurs travaux, et dans leur témoignage, avec cette nécessité d'être indépendant et libre. C'est une vraie ligne d'épanouissement artistique que j'ai depuis toujours, une fibre comme une colonne vertébrale, on ne peut pas la bouger, la changer, elle trace notre chemin. Quoiqu'il se passe en face, le cinéma d'engagement et le cinéma libre a encore de beaux jours devant lui.

2  - Parlez nous de votre prochain long métrage FANON?  

Depuis l'âge de 17 ans, le travail de Frantz Fanon a toujours occupé une très grande place dans ma vie. Il m'a donné un coup de fouet et m'a guidé dans mon travail pour refaire surface, et me défaire de l'aliénation de la culture française. Dans le film "Nèg Maron" Silex interprété par Daly, est un hommage à Frantz Fanon. C'est un personnage plein de révolte, dure, sans aucune faiblesse face à l'autre, et à ce qui pouvait l'outrancier.

Depuis presque trois ans, je travaille sur l'écriture et la mise en production de mon prochain film "Fanon" qui avance bien, c'est un projet essentiel qui s'inscrit dans une thématique que j'ai ouvert avec "Nèg Maron"; puis ensuite avec "Tropiques amers", "Rose et le soldat" et "le Gang des Antillais" j'avais envie de dissocier et de tracer des époques fortes et intéressantes culturellement pour nous, de ce fait "Fanon" vient fermer cette thématique. Dans chacun de ces films, j'avais sa pensée et son écriture avec moi, car j'essais de faire de mes films à la fois un cinéma de cinéphile pour un public averti, mais aussi d'y insérer de la pédagogie afin d'être toujours en phase avec notre histoire, et en contact avec ma communauté. Je porte le regard de quelqu'un qui est à l'intérieur, et qui a envie de participer à l'évolution de sa population.

3-  Quel regard portez-vous sur la nouvelle génération du cinéma antillais  avec les deux courts-métrages réalisés par des Guadeloupéens  "Soldat noir " et "Timoun Aw " en lice récemment pour les César 2022.     

Cette sélection avec ces deux films guadeloupéens en compétition est historique. Euzhan Palcy, Christian Lara, et Luc Saint-Eloy se sont battus pour que cela arrive, c'est une grande récompense à nos ainés. Maintenant la grande famille des "César" saura qu'il va falloir compter sur nous, ces deux jeunes réalisateurs sont rentrés dans l'histoire.

Propos receuillis par S.MICHEL

 

avec Admiral T

avec Daly

avec Sonia Medina, la co réalisatrice & Philippe Bernard co scénariste

avec mathieu Kassovitz

avec Stéphane Krausz, co réalisateur

avec Régis Dubois

avec Solo du groupe ASSASSIN

avec Nicolas Mouen

avec Nicolas Mouen

Sabine Michel
Responsable projets et actions de communication Guadeloupe la 1ère