Intox – Tuez Kadhafi !

Début 2011, un vent nouveau souffle sur l’Afrique du Nord. Après la Tunisie et l’Égypte, les révoltes populaires du printemps arabe s’étendent à la Libye du colonel Kadhafi. Mi-février, tandis qu’à Tripoli, la capitale, les contestations sont réprimées dans le sang, à l’est du pays, la rébellion prend le contrôle de Benghazi. Sentant le danger, le guide suprême affirme, dans un discours à la nation, son intention de reconquérir la ville « rue par rue, maison par maison, et de détruire tous les rats qui s’y trouvent ».

En s’exprimant ainsi, il court à sa perte, car, selon Hugh Roberts, alors responsable pour la Libye de l’ICG (International Crisis Group), « la diabolisation de Kadhafi a commencé dès le début de l’insurrection ; on l’a tout de suite accusé de crimes contre l’humanité ». À tort, si l’on en croit Donatella Rovera d’Amnesty International, qui dit n’avoir assisté, à ce moment, qu’« à des accrochages assez ordinaires ». Au mois de mars, la surveillance satellitaire ne repère que quelques tanks aux abords de Benghazi. Pourtant, à travers la planète, le dictateur est dépeint, dans la presse, comme un monstre génocidaire. Et cette propagande, orchestrée en partie par les opposants au régime, fonctionne. D’autant plus qu’à Paris, Washington et Londres, certains se manifestent ouvertement en faveur d’une intervention « pour assurer la protection de la population civile » et y trouvent même un intérêt politique. Barack Obama, réticent au départ, va se laisser convaincre. Le 17 mars, la résolution 1973 de l’ONU autorise l’usage de la force dans ce but. Après un ultimatum envoyé le lendemain, les Américains entrent en action le 20 mars et tirent 120 missiles de croisière qui anéantissent les défenses libyennes. Mission accomplie en quarante-huit heures !

Cela ne suffit pas aux États-Unis, qui, dépassant le cadre de la résolution de l’ONU, sont bien décidés à renverser le régime et à se débarrasser de Kadhafi. La guerre va se poursuivre encore sur le terrain pendant plusieurs mois. Capturé à Syrte au mois d’octobre, le dictateur est mort dans des conditions qui n’ont jamais été élucidées. Six ans plus tard, François Gouyette, alors ambassadeur de France à Tripoli, dresse un bilan on ne peut plus négatif de cette période : « Dans deux domaines qui sont aujourd’hui devenus des domaines de priorité extrême pour notre sécurité, à savoir le terrorisme et les migrations irrégulières, la situation est infiniment pire qu’elle ne l’était avant 2011. » Quant au peuple libyen, il rêve toujours de démocratie et de liberté.

Beatriz Loiseau