Marie-Agnès Gillot, l’art du grand écart

« Le grand écart, c’est ma spécialité. C’est la première position que je fais le matin. Cela ne me coûte rien. C’est peut-être pour cela que je fais des grands écarts tout le temps, artistiques et physiques », s’amuse Marie-Agnès Gillot, capable de passer d’un rôle du répertoire classique à une création contemporaine de Wayne McGregor ou Carolyn Carlson. C’est d’ailleurs à l’issue d’une représentation d’un ballet de la chorégraphe américaine que la danseuse devint étoile, en 2004. Une consécration pour celle qui se rêve ballerine dès 7 ans.

Pourtant rien n’était gagné pour la talentueuse gamine de Normandie. À l’école de danse, on lui diagnostique une scoliose. Elle se voit contrainte de porter un corset et pratique la natation à haut niveau. Le résultat ? Une carrure athlétique atypique dans le milieu, un corps d’une très grande malléabilité et une détermination qui lui permettent de gravir petit à petit les échelons du monde de l’opéra. « Les plus grosses batailles qu’on a à faire sont sur soi-même », explique celle qui danse comme elle respire et qui regrette la rivalité qui règne entre les danseurs. « Marie-Agnès est un être qui, avec toute cette force rayonnante, est d’une fragilité et d’une sensibilité terribles », souligne Ghislaine Thesmar, professeure de ballet et ancienne étoile de l’opéra.

Exigeante et fougueuse, cette interprète à la personnalité forte et magnétique adore jouer de beaux rôles. Les grands chorégraphes, comme Pina Bausch, Maurice Béjart, Jiří Kylián ou Anne Teresa De Keersmaeker, lui permettent d’ailleurs de briller sur scène dans tous les répertoires. « Je fais faire ce que je veux à mon corps, reconnaît-elle, mais plus pour très longtemps. » Car, le 31 mars prochain, Marie-Agnès Gillot tirera sa révérence, obligée de prendre sa retraite, qui arrive à 42 ans pour une étoile de l’Opéra de Paris. Son avenir, elle le rêve dans la création, mais aussi la transmission. De nouveaux défis qui n’effrayent pas cette femme engagée et passionnée. « Personne ne ressemble à Marie-Agnès, elle est unique, s’extasie la chanteuse Marianne Faithfull. Elle a en elle une force qui la pousse. C’est l’âme des grands artistes. »

Amandine Deroubaix