Le Poids de l’héritage

« Il est temps. » À respectivement 82 et 80 ans, Jean-Louis et Marine Hédelin veulent penser à l’avenir de leur château de Dampierre-sur-Boutonne, en Charente-Maritime. Si sept mille touristes visitent chaque année ce monument de la Renaissance, c’est grâce à l’opiniâtreté de ce couple. En 1982, le bâtiment fut presque détruit par un incendie. Il a fallu quatre millions d’euros, dix années de rénovation et beaucoup d’investissement pour que celui-ci retrouve de sa superbe. Ce n’est donc « pas de gaieté de cœur » que les propriétaires envisagent de passer la main. Leur objectif : que le monument reste dans la famille. Mais leur fille unique, Morgane, ne veut pas de ce lourd fardeau. « Je n’ai pas les épaules assez solides, explique-t-elle. Ce n’est pas ma place. » Le seul héritier pourrait être leur petit-fils Aurélien, âgé de seulement 15 ans. Une décision qui ne plaît pas à toute la famille…

C’est justement pour éviter les complications ou les disputes que peuvent entraîner les successions que Renée, agricultrice en Corrèze, a choisi d’aborder la question du partage avec son frère Michel. Il y a deux ans, à la mort de leur mère, ils ont hérité de la ferme familiale dans laquelle ils ont grandi. Depuis un an, le frère et la sœur s’emploient, avec l’aide d’un notaire, à trouver un accord sur la répartition des bâtiments et des terres de l’exploitation. Car, si Renée est pressée de sortir de l’indivision pour pouvoir donner à ses enfants à son tour, il faut plus de temps à Michel pour accepter de se détacher du passé. « Il ne s’était pas préparé à cela, reconnaît sa sœur. On sépare ce qu’il n’était pas envisageable de séparer. Ça reste mon frère, c’est ma famille… Si on n’arrive pas à s’entendre, ça couperait tout. »

La reconnaissance par l’héritage

Après la douleur du deuil viennent en effet parfois incompréhensions et disputes. La succession peut se révéler une épreuve chargée d’émotions et cristalliser les rancœurs familiales. Depuis la mort de leur père, Didier, Olivier et Éric ne se parlent plus. Ils n’ont pas réussi à s’entendre sur le partage d’une somme de 400 000 euros bloquée chez le notaire. Une lettre qui accuse Olivier de détournement d’héritage a fait éclater la fratrie et remonter des blessures anciennes, des non-dits ou encore des besoins de reconnaissance inavoués. « Tout s’exprime à travers l’argent », souligne Éric. En effet, ce qui se joue dans la transmission d’un patrimoine n’est pas uniquement d’ordre matériel, comme le confie Olivier, « c’est une question de morale et d’honneur ».

Pour d’autres, le problème n’est pas la succession mais l’absence d’héritier. À qui confier ses biens quand on n’a pas d’enfants ? Qui sera le gardien de l’histoire familiale, des souvenirs ? René, qui n’a pas de contacts avec ses neveux, souhaite que son jardinier, Sébastien, soit son descendant. Une procédure d’adoption simple doit avoir lieu chez un notaire, puis ce choix nécessite de passer devant un juge du tribunal de grande instance. La justice permettra-t-elle à cet ancien ouvrier de chez Renault de 89 ans de voir se réaliser ses dernières volontés ? Cet acte est une manière de laisser une trace, « pour que [sa] vie ait servi à quelque chose tout de même ».

Amandine Deroubaix

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Les invités du « Monde en face »

Après la diffusion du documentaire, Marina Carrère d’Encausse prolonge la soirée avec un débat, en compagnie de Denis Westhoff, fils de Françoise Sagan, qui, après trois années de négociations, a finalement accepté la succession de sa mère décédée en 2004 ; Matthieu Andriveau, généalogiste et chasseur d’héritiers ; M^e Barbara Thomas-David, notaire, et Nicole Prieur, psychothérapeute et spécialiste des conflits de famille, notamment en matière de succession.