Cent mille dollars au soleil

Bébel et Lino se lancent à toute berzingue à bord de leur bahut bringuebalant à travers le désert marocain. Il faut dire que l’as des as a joué les margoulins en fauchant pour cent mille dollars de marchandise. Ni une ni deux, un Ventura revanchard lui colle aux basques. Entre coups de Trafalgar et bourre-pif de routiers, les deux sagouins ventilent à tour de rôle jusqu’à un face-à-face final aux allures de passation de pouvoir.

Nos deux cadors de la pellicule made in France se font face pour la deuxième et dernière fois après Classe tous risques de Claude Sautet, en 1960. Mais là, c’est Henri Verneuil qui colle sa prunelle derrière l’œilleton et signe un western français dans les montagnes de l’Atlas à vous flanquer les miquettes. Côté sonotone, la partition est assurée par un certain Georges Delerue (Le Mépris, Garde à vue, Platoon… et c’est peu dire !). Si on ajoute à cela des berlingots linguistiques signés Michel Audiard, c’est le spectateur qui s’en prend plein les mirettes et les esgourdes. Et quand Bernard Blier rapplique en jouant les entremetteurs goguenards avec sa gouaille naturelle de camionneur, le tableau est complet : on en crierait presque au chef-d’œuvre.

Mais la partie est loin d’être gagnée à Cannes en 1964, où le film provoque un tollé. La critique rue dans les brancards, un ou deux génies de la parlotte trouvant même certaines séquences colonialistes. La jactance ne s’arrête pas là, certains vont qualifier Cent mille dollars au soleil de « sous-Salaire de la peur ». Qu’à cela ne tienne, le film trouve son public à sa sortie en salle. Et c’est avec un plaisir à peine entamé que, cinquante ans plus tard, on boulotte encore facile ces deux heures de péloche.

Ludovic Hoarau