Année zéro (enfin la retraite ?)

Qu’on la souhaite ou qu’on la redoute, c’est un moment de transition radicale dans la vie de chacun. Car arrêter de travailler est toujours difficile, même pour celui qui se réjouit. Changement de rythme, perte de repères, recherche d’utilité sociale… La rupture avec le monde des actifs est propice aux interrogations personnelles. À quoi sert-on ? Comment trouver sa place quand on a quitté son activité professionnelle ? Comment être encore utile ? Que faire de toute cette liberté retrouvée ? Dans cette nouvelle vie débarrassée de contraintes, les nouveaux retraités se retrouvent face à un grand vide qu’ils ne savent pas toujours comment remplir. Pour la génération des baby-boomers, pour qui le travail a été un pilier de l’identité, tout est chamboulé. Comment ne rien faire quand on n’a pas appris à prendre son temps ? Que faire quand on n’a plus qu’à penser à soi ? Impossible d’échapper au face-à-face avec soi-même. Ceux qui l’espèrent depuis longtemps trouvent-ils vraiment cette révolution attendue ? Marie Agostini a voulu savoir comment les nouveaux retraités vivaient la première année de cette nouvelle vie. Et si la retraite, c’était encore du boulot ?

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MORCEAUX CHOISIS

Roger, cameraman, retraité depuis un mois

« J’ai commencé à 16 ans et travaillé jusqu’à 70 ans. Je ne sais pas ce que c’est de ne rien faire et cela ne m’amuse pas beaucoup. »

« Tu ne te retires pas, tu t’arrêtes. Les autres continuent et toi, t’es arrêté et tu ne sais pas si tu vas repartir. La retraite, une nouvelle vie ? Pour l’instant, j’attends de voir. »

Nicolas, médecin réanimateur, retraité depuis quatre mois

« J’ai promené mon téléphone dans mes poches pendant quarante-deux ans, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, matin, midi et soir, dimanche et fêtes, aux toilettes, en vacances, au resto. Et d’un coup d’un seul, ça s’est arrêté. Eh bien, je vais vous dire un truc : cela fait drôlement bizarre. […] C’est une expérience pas forcément facile. »

Chantal, fonctionnaire, retraitée depuis dix minutes

« Je trouve que la vie passe très vite. Je suis une boulimique de la vie, et là, j’ai du temps pour vivre, c’est génial. Mais pas vivre des trucs compliqués, juste vivre : se lever le matin, prendre le temps, goûter aux choses simples de la vie… Et ça, pour moi, c’est hyper précieux. Ce qui me remplit, c’est d’avoir conscience que j’ai du temps. »

Dominique, enseignante, retraitée depuis quatre mois

« Quand j’ai décidé de prendre ma retraite, on s’était dit qu’on partirait trois mois à vélo, qu’on irait jusqu’à Oslo. Maintenant je me dis que c’est vraiment très loin de ce que l’on avait prévu. Je ne sais pas si on rêvait, mais en tout cas on n’est pas partis à vélo. Est-ce que l’on ne s’illusionne pas aussi quand on prévoit sa retraite ? »

Bruno, comédien, retraité depuis douze mois

« Qu’est-ce qu’on veut vraiment ? Qu’est-ce qui nous fait vraiment envie ? La liberté, ça fait peur, parce qu’on est face à soi ? Et puis la liberté, on a beau la réclamer, il faut savoir quoi en faire. Ce n’est pas si évident que cela. Il y a peut-être dans des trajectoires de vie des gens qui ont passé leur temps à se fuir, à ne jamais se regarder dans un miroir, à ne jamais chercher qui ils étaient vraiment. Et là ils sont presque obligés de le faire, et ça peut faire peur, mal ou rendre malade. »