LES ENFANTS DE DAESH
Le Monde en face

Les Enfants de Daech

Documentaire - Déconseillé aux moins de 12 ans - Mercredi 4 octobre 2017 à 20.50

Quel sort sera réservé aux enfants des combattants étrangers de l’organisation État islamique ? Mineurs amenés sur les terres du « califat » par des parents venus de l’étranger ou nés sur place, ils posent un problème à l’ensemble de la communauté internationale, à commencer par la France… Ce film donne la parole aux enfants revenus de ces camps, aux familles, aux spécialistes des extrémismes et de l’enfance meurtrie.

En 2015, les élèves d’un collège de Toulouse sont sous le choc. Ils viennent de découvrir les images vidéo d’un de leurs camarades de classe, parti en Syrie avec sa famille. Armé d’un pistolet, il abat froidement un otage. La scène fait voler en éclats les souvenirs du « gentil garçon, bienveillant, protecteur à leur égard, avec qui ils ont partagé tant de joies du quotidien », raconte la psychologue de l’établissement. Le beau-père de Ryan est un proche de Mohammed Merah, et l’enfant a été enrôlé et entraîné, comme des milliers d’autres, dans les camps de Daech.

En Syrie ou en Irak, les combattants du califat placent désormais leurs espoirs dans ces nouvelles générations, arrivées avec leurs parents ou nées sur place d’unions forcées avec de jeunes femmes volontaires ou otages des jihadistes. Unique par son ampleur, leur politique nataliste, à l’image de celle d’autres régimes autoritaires, vise à recruter dès le berceau les combattants de demain.

Fallah est issu de la communauté kurdophone yézidie, victime d’un début de génocide par Daech. Il a 13 ans lorsqu’il est enlevé à sa famille et conduit à Raqqa, où il est entraîné dans plusieurs camps avant d’être envoyé sur le front. Libéré il y a un an, il a été mis en prison par les autorités irakiennes méfiantes. « À cette époque de souffrances, je me demandais comment j’en étais arrivé là… une vie peu plaisante, faite de coups, d’injustice, d’oppression… Je me sentais comme un homme mort. Moi, je n’ai plus peur de rien, même si quelqu’un veut m’égorger, parce que j’ai subi beaucoup de choses là-bas et je me suis habitué. »

Un endoctrinement extrêmement structuré

Nikita Malik, qui travaille pour la Fondation Quilliam, un institut de recherche britannique contre l’extrémisme, explique : « La violence est systématique partout dans la vie de l’enfant. Donc c’est un programme d’éducation extrêmement structuré. » Où l’idéologie et la religion dominent. « Il est très facile de fanatiser un enfant, parce que c’est un moment d’hypermémoire, rappelle le neuropsychiatre Boris Cyrulnik. Si on lui apprend la haine, au nom de la morale bien sûr, les circuits cérébraux se mettent en place à une vitesse stupéfiante. » Jusqu’à 9 ans, les jeunes recrues étudient dans un cadre très strict où aucune place n’est laissée au jugement personnel. Puis elles sont soumises à un entraînement militaire qui les épuise, à une violence quotidienne, et formées à l’espionnage et aux attaques-suicides. « L’idée de se dire “Ce sont des monstres !” est quelque chose de très protecteur pour nous, explique le médecin thérapeute Pierre Duterte. Je pense que ce sont des enfants, malheureusement comme les nôtres, mais qui ont été amenés par ces traumatismes à passer outre quelque chose… »

Une véritable « bombe à retardement »

Alors que l’armée de Daech est en déroute, les 500 mineurs français, dont un tiers nés en Irak ou en Syrie, susceptibles de revenir en France, sont devenus ainsi pour les services secrets une menace potentielle. Début 2017, un rapport confidentiel-défense alerte : « La nouvelle génération des “lionceaux du califat”, élevés dans la haine des valeurs occidentales, fait figure de véritable “bombe à retardement”. » Que faire d’eux à leur retour ? À leur descente de l’avion, les enfants français sont placés dans des structures d’accueil, car leurs parents sont systématiquement incarcérés. Un choix contesté ailleurs, comme en Belgique, où un juge peut choisir de laisser le mineur au sein de sa famille. « C’est une opération de tous les instants, estime Erroll Southers, conseiller en contre-terrorisme de l’ex-président Barack Obama. Ils ont été recrutés d’une certaine manière, avec quelqu’un de disponible pour eux vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Nous devons utiliser exactement le même procédé pour les ramener vers nous. »

Au tribunal de Bobigny, qui centralise les dossiers, la procureure de la République Fabienne Klein-Donati veut y croire : « Si ces enfants ne sont pas récupérables, il faut qu’on arrête notre métier… Nous devons tout faire pour qu’ils le soient et qu’on prévienne le pire. » Quoi qu’il en soit, le chemin vers une vie « normale » sera long pour ces petites filles et ces petits garçons traumatisés : leurs nuits sont toujours hantées par les cauchemars, et leurs dessins représentent souvent décapitations et crucifixions…

Anne-Laure Fournier

LES ENFANTS DE DAECH

Documentaire

Durée 70 min

Réalisation Dorothée Lépine et Seamus Haley

Production Pac Presse et Troisième Œil Productions, avec la participation de France Télévisions

Année 2017

 

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