Meurtres à la Ciotat

En octobre 1988, le gouvernement français et la Commission Européenne décident de la fermeture définitive des chantiers navals en France. D'une part, Bruxelles réclame l'arrêt des financements publics et préconise un seul grand chantier naval par pays. D'autre part, au nom de la modernisation et se sentant impuissant face à la concurrence asiatique, le gouvernement vise à démanteler l'industrie lourde française, par ailleurs vivier d'ouvriers syndiqués.

Depuis 1982, les chantiers de Dunkerque, de La Seyne-sur-Mer et de La Ciotat sont regroupés sous la bannière de Normed. Si le premier est déficitaire, les deux autres chantiers sont en bonne santé. Le regroupement va signer leur perte. Les déficits de Dunkerque qui pèsent sur la Normed ainsi que les injonctions de Bruxelles entraînent l'arrêt des financements publics. Normed est mise en liquidation judiciaire. (reportage france 3 de l'époque)

Mais cette mise en faillite de la Normed n'entraîne ni reprise de l'entreprise, ni reconversion du site de la Ciotat. En effet, dès la fin officielle de l'activité industrielle, l'entreprise est occupée par 105 salariés irréductibles, les "Chevaliers de la Lumière". Présents jour et nuit entre 1988 et 1994, ils s'opposent à la transformation du lieu en marina et militent pour un redémarrage de la construction navale.

Ils trouvent l'appui du Conseil Général des Bouches-du-Rhône. Décentralisation oblige, c'est ce dernier qui gère le domaine public maritime de l’Etat. Il accorde à la compagnie de navigation américano-suédoise Lexmar, une concession de 30 ans sur les terrains. (reportage france 3 de l'époque)

Ce qui provoque la colère de la municipalité et du gouvernement, favorables à un développement axé sur le tourisme. Afin d’empêcher Lexmar d’acquérir l'outillage auprès du liquidateur de la Normed, le gouvernement fait racheter cet outillage par une banque nationalisée, la banque Worms. Lexmar ne parviendra jamais à acquérir l'outillage qui lui était indispensable. Fin 1990, elle dépose son bilan.

Les "Chevaliers de la Lumière" organisent alors une "marche pour l'emploi" durant tout le mois de mai. De la Ciotat à Paris, la marche vise à populariser la "lutte de La Ciotat". 

Un nouvel essai de relance des chantiers par les Ateliers de Production pour l'Avenir de La Ciotat (APAC), fait long feu. (reportage France 3 de l'époque)

La situation se débloque en août 1994. L'’Etat, le conseil général, le conseil régional, Marseille Provence Métropole et la municipalité de La Ciotat créent la Semidep. Fini la construction de navires, les 34 hectares sont loués à des entreprises spécialisées dans la rénovation de yachts de luxe, avec 700 emplois à la clef.   

Aujourd'hui, sous le nom de La Ciotat Shipyards, le site est devenu l’un des deux premiers chantiers mondiaux de rénovation des yachts de plus de 50 mètres.