Visuel de Léa dans les villages
Nouveauté

Léa dans les villages

Inédit - Samedi 23 septembre 2017 à 12h00 - Sur Facebook Aquitaine, Limousin, Poitou-Charentes

La comédienne Léa Miguel, actrice dans la série de France Télévisions « Un village français », parcourt la Nouvelle-Aquitaine, de village en village, en nous lisant chaque semaine un nouveau poème.

Sur ton chaleureux et décalé, ce programme nous fait redécouvrir des grands classiques de la poésie francophone.

Les modules courts de 2 à 3 minutes naissent sur internet et vont être, par la suite, également diffusés sur notre antenne télé. 
Cette semaine, Léa nous emmène à Saint-Savinien-sur-Charente, en Charente-Maritime pour nous lire un grand classique de la poésie française:

"Il y a"
 
Poème à Lou

    Il y a un vaisseau qui a emporté ma bien-aimée
    Il y a dans le ciel six saucisses et la nuit venant on dirait des asticots dont naîtraient les étoiles
    Il y a un sous-marin ennemi qui en voulait à mon amour
    Il y a mille petits sapins brisés par les éclats d'obus autour de moi
    Il y a un fantassin qui passe aveuglé par les gaz asphyxiants
    Il y a que nous avons tout haché dans les boyaux de Nietzsche de Gœthe et de Cologne
    Il y a que je languis après une lettre qui tarde
    Il y a dans mon porte-cartes plusieurs photos de mon amour
    Il y a les prisonniers qui passent la mine inquiète
    Il y a une batterie dont les servants s'agitent autour des pièces
    Il y a le vaguemestre qui arrive au trot par le chemin de l'Arbreisolé
    Il y a dit-on un espion qui rôde par ici invisible comme l'horizon dont il s'est indignement revêtu et avec quoi il se confond
    Il y a dressé comme un lys le buste de mon amour
    Il y a un capitaine qui attend avec anxiété les communications de la T.S.F. sur l'Atlantique
    Il y a à minuit des soldats qui scient des planches pour les cercueils
    Il y a des femmes qui demandent du maïs à grands cris devant un Christ sanglant à Mexico
    Il y a le Gulf Stream qui est si tiède et si bienfaisant
    Il y a un cimetière plein de croix à 5 kilomètres
    Il y a des croix partout de-ci de-là
    Il y a des figues de Barbarie sur ces cactus en Algérie
    Il y a les longues mains souples de mon amour
    Il y a un encrier que j'avais fait dans une fusée de 15 centimètres et qu'on n'a pas laissé partir
    Il y a ma selle exposée à la pluie
    Il y a les fleuves qui ne remontent pas leur cours
    Il y a l'amour qui m'entraîne avec douceur
    Il y avait un prisonnier boche qui portait sa mitrailleuse sur son dos
    Il y a des hommes dans le monde qui n'ont jamais été à la guerre
    Il y a des Hindous qui regardent avec étonnement les campagnes occidentales
    Ils pensent avec mélancolie à ceux dont ils se demandent s'ils les reverront
    Car on a poussé très loin durant cette guerre l'art de l'invisibilité

Guillaume Appolinaire

 

Une coproduction

France 3 Nouvelle-Aquitaine

&

Le Centre Dramatique National du Limousin.