REVENANTES

Infrarouge – Revenantes

Documentaire - Inédit - Mardi 16 janvier 2018 à 22.55

Elles se prénomment Laura, Emma, Henda, Marie. Elles ont en commun de s'être radicalisées et, pour deux d'entre elles, d'avoir rejoint la Syrie. Pour « Infrarouge », la réalisatrice Marion Stalens a cherché à comprendre comment elles ont pu se laisser embrigader et ce qui les a poussées à s'en sortir. En complément de ce film, Marie Drucker donnera la parole à des experts de terrain.

« Je témoigne pour que d'autres ne partent pas.
S'il y en a un que je peux sauver, alors j'aurai tout gagné. 
»
Laura

 

Laura, d'origine belge, assume aujourd'hui ce qu'elle a é. « Je dis tout le temps : Daesh m'a déradicalisée.» À visage découvert, elle relate son histoire familiale, personnelle, le racisme dont elle a été victime enfant, avant d'évoquer sa conversion à l'Islam, ses déconvenues amoureuses avec le père de son fils et enfin sa radicalisation. Elle ne cache rien de ses conversations avec son recruteur, de son séjour en Syrie en 2014 avec son enfant et son mari (qu'elle a épousé à leur troisième rencontre), de son désenchantement à peine arrivée sur place et de ses conditions de vie. Elle s'était rêvée infirmière et elle a vécu cloîtrée avec des Françaises pendant que son mari s'entraînait dans un camp. Pas un instant, elle ne cherche à minimiser ses actes. Consciente d'avoir été abusée, embrigadée, elle déroule mot après mot la manière dont sa vie a basculé du côté obscur de la religion avant de revenir vers une pratique religieuse sereine, intime et non démonstrative. Son parcours, elle l'expose au grand public, aux jeunes qu'elle rencontre.
Doit-on y voir une forme de rédemption ? Peut-être.
Un besoin vital de se sentir nécessaire dans une société qu'elle avait délaissée et critiquée ? Certainement. Elle est devenue quelqu'un sans avoir besoin de se pavaner avec une arme en bandoulière comme lorsqu'elle vivait en Syrie. Laura s'est trouvé une place et une fonction, celle d'aider les autres à ne pas tomber dans les mêmes pièges qu'elle.

Mais pour comprendre comment cette femme et d'autres ont pu ainsi se laisser berner, manipuler et endoctriner, sans simplement les accuser de naïveté, il suffit de penser aux méthodes employées par les sectes pour « recruter » et « formater » leurs membres. En les coupant de leur entourage, de leurs repères, en leur assurant une écoute constante et une attention toute particulière et en leur inculquant un autre mode de pensée, conversation après conversation..
Laura n'est pas la seule à avoir basculé, à s'être radicalisée au contact des personnes qu'elle a croisées sur les réseaux sociaux. Marie, qui est aussi partie avant de revenir, Emma dont les parents ont tout fait pour la retenir, et Henda, qui fut salafiste pendant quinze ans, reviennent sur leurs histoires respectives, les approches personnalisées dont elles ont bénéficié et ce sentiment d'être comprises, soutenues, encouragées… à changer de vie. Elles évoquent leurs règles de vie strictes, le droit du mari à frapper sa femme, la description peu flatteuse de l'Occident, ces pays de mécréants où les hommes seraient tous des pervers. Henda se rappelle le sentiment de supériorité qu'elle ressentait avec son niqab face à celles qui portaient seulement le voile. Des femmes pas assez pures et n'ayant pas assez la foi. Cette mère de trois enfants qui a fui un mari brutal (et dont elle découvrira plus tard qu'il était fiché S) ne porte plus aucun signe distinctif. Sa foi est bien plus tolérante et ouverte sur le monde qu'elle ne le fut pendant des années.

Enfin, il est une femme au parcours atypique, puisqu'elle n'a jamais été radicalisée, que la réalisatrice a souhaité intégrer dans son documentaire. Aya a dû fuir son pays envahi par les combattants de l'EI pour se réfugier en France. « Après l’arrivée de Daesh, tout a clairement changé pour les femmes. C’est devenu interdit pour une femme de sortir dans la rue sans être accompagnée d’un homme autorisé à l’escorter, c'est-à-dire seulement son père, son frère ou son fils. Pour le voile, toutes les femmes ont dû se couvrir de la tête aux pieds. C’est devenu impossible pour une femme de voyager ou d’aller à l’université. La femme, pour eux, c’est juste un objet sexuel. » Pour étayer son propos, la réalisatrice a choisi de diffuser quelques-unes des images qu'Aya a filmées en caméra cachée alors qu'elle vivait encore à Raqqa. En respectant leurs règles, elle n'a pas hésité à défier ces « occupants », ces émigrés venus dicter leur loi dans son pays et priver les Syriens de leur révolution et de leurs rêves. Par son vécu, Aya peut dénoncer les images d'Épinal véhiculées par Daesh et ainsi éviter à d'autres femmes de se laisser endoctriner.
 

C. R.

Un documentaire de Marion Stalens
Musique originale de Mathias Duplessy
Produit par Cinétévé
Avec le soutien de la Procirep -Société des Producteurs et de l'ANGOA
Avec la participation du Fonds Image de la diversité – Commissariat général à l'égalité des territoires, du Centre national du cinéma et de l'image animée et de France Télévisions
Avec Laura Passoni, Emma, Nathalie, Virginie, Geneviève, Henda Ayari, Rachid Benzine, Marie, Haya Al-Ali, Hicham Abdel Gawad.

Quand l'islamogue Hicham Abdel Gawad et Laura n'échangent pas sur le Coran, ils partent à la rencontre des jeunes pour les mettre en garde face au djihadisme.

« On ne sait pas aujourd'hui comment lire un texte religieux. On apprend aux jeunes comment lire une fable. On leur explique même la structure fondamentale des contes mais on ne leur apprend pas comment lire un texte religieux. (…) Ils ne savent pas lire ça. Ils n'ont pas été initiés à la lecture symbolique de ces textes, ils n'ont pas été initiés au contexte dans lequel ont été écrits ces textes. »

« La religion, quelle qu'elle soit, c'est un océan. Si on cherche à traverser cet océan à la nage, à un moment ou un autre, on va couler. Pour traverser cet océan, on a besoin d'une embarcation, ça va être votre connaissance de vous-même. Si vous savez qui vous êtes, si vous êtes solide sur ce qui vous fonde à l'intérieur, personne ne vous coulera. Mais si vous n'êtes pas solide au fond de vous-même, alors quelqu'un pourra peut-être vous faire croire quelque chose qui ira dans son sens à lui et pas dans votre sens à vous. Donc, travaillez bien cette question : “qui es-tu ?” »

« “Nous aimons la mort comme vous aimez la vie.” Ça, c'est le genre de phrase qu'on ne trouvera jamais dans le Coran. Les textes à la base ne veulent pas du tout dire cela. Au VIIe siècle, en Arabie, il n'y a pas de nourriture pour tout le monde, donc c'est une société dans laquelle la préservation de la vie est importante. Dans la façon dont le Coran parle du combat, tout est fait pour stopper les hostilités dès que possible, donc on n'est pas dans ce culte de la mort qu'on trouve chez Daesh. »

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