UN BEAU DIMANCHE
CINÉMA

UN BEAU DIMANCHE

Le septième long-métrage de Nicole Garcia est un film sensible, lumineux mettant en scène deux mondes qui s'opposent. Louise Bourgoin, bouleversante, interprète avec justesse une jeune employée saisonnière, qui joint les deux bouts pour assurer son rôle de mère célibataire,  en proie à des questionnements sociaux. Pierre Rochefort (fils du célèbre acteur et de la réalisatrice) incarne avec brio un instituteur suppléant, fuyant toute attache et son passé familial obscur, dévoilé pudiquement dans une seconde moitié du film. 

Baptiste est un solitaire. Instituteur dans le sud de la France, il ne reste jamais plus d’un trimestre dans le même poste.
A la veille d’un week-end, il hérite malgré lui de Mathias, un de ses élèves, oublié à la sortie de l’école par un père négligent.
Mathias emmène Baptiste jusqu’à sa mère, Sandra. C’est une belle femme, qui après pas mal d’aventures, travaille sur une plage près de Montpellier.
En une journée, un charme opère entre eux trois, comme l’ébauche d’une famille pour ceux qui n’en ont pas. Cela ne dure pas. Sandra doit de l’argent, on la menace, elle doit se résoudre à un nouveau départ, une nouvelle fuite.
Pour aider Sandra, Baptiste doit revenir aux origines de sa vie, à ce qu’il y a en lui de plus douloureux, de plus secret.

UN BEAU DIMANCHE

Un film de Nicole Garcia

Avec Louise Bourgoin, Pierre Rochefort, Dominique Sanda, Déborah François

Durée 1h35

France

2013 

UN BEAU DIMANCHE

D’où vient «Un beau dimanche» qui paraît être un film à part dans votre œuvre ?
Je ne savais pas grand chose sur mes personnages lorsque j’ai commencé à écrire le scénario de « Un beau dimanche » avec Jacques Fieschi. Il y avait l’idée d’un jeune homme, instituteur suppléant, qui va de villes en villes, d’écoles en écoles, sans jamais souhaiter s’attacher nulle part. Je n’avais pas envie de connaître trop vite ses raisons, mais je savais qu’une rencontre impromptue d’un élève et de sa mère l’aiderait à élucider son propre mystère. Quelque chose bougerait dans sa vie, mais également dans celle des deux autres. C’est parfois la part d’ombre des personnages qui donne l’envie de continuer, d’aller à leur poursuite, de savoir qui ils sont. En tout cas, «Un beau dimanche» a commencé ainsi. J’avais le pressentiment qu’en allant à la recherche de Baptiste, à questionner cette solitude étrange pour quelqu’un de son âge, je tomberai sur une histoire qui me concerne intimement : le gisement qui existe dans un être, une eau qui dort… et qui peut surgir comme un élan, une libération.
Au début du film, le choix de Baptiste, qui pourtant aime enseigner, réside dans un perpétuel départ. Un choix qui obéit à un besoin de liberté qu’on comprendra peu à peu quand son histoire s’éclaire.
C’est un rescapé, un homme en fuite, mais qui ne pourra pas toujours fuir.

Est- ce que ça a suscité pour vous une nouvelle approche de la mise en scène ?
J’ai travaillé de façon plus légère que dans mes films précédents. J’ai renoué avec la manière de mon premier film, «Un weekend sur deux» : une équipe plus petite, plus souple, un découpage plus libre peut-être. Tout cela autour d’un sujet douloureux mais traversé par un espoir. 

Au début du film l’enfant, Mathias, semble encombrer tout le monde : son père, sa mère. Et pourtant c’est lui qui va aimanter le destin des adultes.
Dans l’abandon que subit Mathias, Baptiste voit sa propre histoire. Il va rencontrer dans Sandra une autre enfant perdue.  Les vies des trois personnages vont se nouer très vite, comme si elles s’attendaient.
Dès lors, Baptiste sera assez fort pour affronter son passé. Et Sandra aussi pourra balayer toutes les nuisances et les fatigues de sa vie.

Unité de lieu (le Sud de la France), unité de temps (le weekend de la Pentecôte), le récit est quasi linéaire ce qui est rare dans votre cinéma.
Oui, on a fait le choix d’une narration plus simple, le passé se parle au présent, dans les mots. Ça correspondait peut-être à l’économie générale du film, pas seulement son coût, bien sûr, mais son rapport aux sentiments, au secret des personnages, à la proximité où j’espère le spectateur sera avec eux.

Vous revenez dans le Sud de la France que vous avez souvent filmé, dans «Un week-end sur deux », «Le fils préféré », «Un balcon sur la mer».
Je suis née dans cette Méditerranée. J’avais envie de filmer la lumière d’un Sud plus sauvage, pas vraiment touristique, un Sud où on peut rouler sans casque à mobylette. Vers Montpellier, entre mer et étangs. Puis l’échappée vers le Sud-ouest. Et l’arrivée dans un monde ordonné, bien peigné, celui d’une dynastie bourgeoise.

Comment avez vous souhaité traiter le conflit de classes qui se passe dans la deuxième partie ?
Dans cette famille là, être instituteur ce n’est pas grand chose, être amoureux d’une fille comme Sandra, ça ne peut être qu’une passade.
Mais nous ne voulions pas faire des caricatures. On voulait suivre les personnages de la famille, mère, frères, sœur au plus près de leur logique sociale et de leurs sentiments réels, sans les juger, et ce quoiqu’on pense de leurs préjugés. Leur donner à eux aussi une chance de nous émouvoir. 

Louise Bourgoin en Sandra est complètement inhabituelle, on la reconnaît à peine, comment avez vous travaillé avec elle ?
Louise a beaucoup été filmée sur son éclat physique. Elle a cette gaité que j’adore, mais aussi une part secrète plus étrange, plus douloureuse. On a  beaucoup travaillé ensemble pour trouver la juste tonalité d’un personnage issu d’un milieu populaire, qui n’est pas le sien. Elle a accepté de durcir ses traits, de foncer sa couleur de cheveux, d’ôter une frange, d’avoir un tatouage. Elle est rayonnante, pleine de vitalité, et puis l’instant d’après, presque moins belle, un peu perdue. 

Quant à Baptiste, il est incarné par votre fils, Pierre Rochefort, est-ce particulier de filmer son enfant ?
Je pense que je lui ai porté la même attention qu’à tous les acteurs du film. Le naturel du geste de le filmer m’a moi même surprise. Durant les prises je ne voyais pas mon fils, mais Baptiste. Pierre a été valeureux. Ce rôle c’était pour lui une chance, un privilège, et aussi possiblement un piège. Le personnage que nous avons écrit se révolte contre une pression familiale, la folie des grandes destinées décidée par les parents, et il refuse très explicitement tout héritage. Un hasard ? Est-ce qu’on peut refuser un héritage ? En voyant le film aujourd’hui, je pense que lui seul pouvait le jouer. Ce questionnement, il le connaît. Il a comme Baptiste le goût de l’indécision et de l’aventure. 

 

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