Affiche
INFRAROUGE PRÉSENTÉ PAR MARIE DRUCKER

« Marseille, ils ont tué mon fils »

Mardi 1er mai 2018 à 23.05
Souad, Baya et Céline sont des mères marseillaises. Dans les quartiers Nord, elles ont vu naître leurs garçons. Elles les y ont vu se perdre, aussi. Et pour deux d’entre elles, mourir. Ces mères nous racontent par bribes leur survie, emmurées dans ces tours qu’elles ne peuvent quitter et où elles se consument lentement dans la douleur. À travers la mémoire du passé, le quotidien chaotique et leurs efforts éperdus pour envisager l’avenir, le film raconte le destin de ces femmes qui restent là, comme sous un plafond de verre, dans les quartiers Nord de Marseille. Orphelines de leur enfant.

 

Depuis la rentrée, Marie Drucker anime le rendez-vous prisé de la case documentaire « Infrarouge », proposant toujours un regard novateur et exigeant sur une diversité de sujets.

 

Séparation

 

RÉSUMÉ DU FILM :

Imaginez que, dans votre quartier, une à deux fois par mois, un jeune se fasse tuer par une kalachnikov, des dizaines de coups de couteau ou bien torturer dans une cave par des amis d’enfance. C’est la réalité des cités de Marseille. Ces exécutions ont lieu de plus en plus devant témoins et sur la place publique.

Alors que le terme « règlement de comptes » jette définitivement le déshonneur sur ces familles déjà dans la douleur, comment les mères survivent à de tels drames ?

Ce nouveau documentaire réalisé par Édouard Bergeon et Philippe Pujol et produit par Jérôme Duc-Maugé donne sobrement la parole à celles qui portent et donnent la vie, avant de se la faire enlever. Un prisme qui fait table rase des préjugés que nous portons sur la violence dans les banlieues.

 

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NOTE D'INTENTION DES RÉALISATEURS :

Tout n’est qu’une question d’enfermement, dans une cité, dans un réseau de stups, dans une addiction, dans le chômage, dans la misère ou dans sa condition. Et comme tous les enfermés, on rêve d’évasion, grâce à la drogue, l’alcool, la bouffe, la délinquance, l’achat compulsif, l’ambition. Avec, parfois, une mort violente comme seul destin. Une mort comme un poison pour des mères qui réclament justice pour faire leur deuil. Mais paradoxalement, elles ne quittent pas leur quartier dont elles connaissent toutes les chausse-trapes. Même si les tueurs de leurs fils habitent le bâtiment d’en face.

En apparence, ce sont des quartiers nouveaux, comme il en existe tant en France. Ils sont assez neufs, assez vides, parcourus de larges allées, ponctués de hautes tours. Ils ne sont ni particulièrement tristes, ni particulièrement gais. En somme, la vie d’un quartier populaire, avec ses existences menues, ses fins de mois difficiles, ses mères courage et ses têtes brûlées. En apparence, du moins. Plusieurs fois par mois, un cadavre est retrouvé. Abattu à bout portant sur un coin de trottoir. Recroquevillé dans une carcasse de voiture brûlée. Livré aux rats dans l’obscurité d’une cave. Lardé de coups de couteau sur un parking anonyme. C’était l’un de ces jeunes, un de ceux qui fumait, buvait et rigolait dans le quartier. C’était peut-être un dealer. Ou peut-être pas.

C’est la réalité des cités Nord de Marseille. En 2016, vingt-neuf morts dans l’année. Si 2017 en a compté 16, au seul mois de janvier 2018, il y en a déjà 3. Dans la presse, on lit : « C’était un règlement de comptes ». Il n’y a pas de grandes analyses, pas de stratégies complexes de guérillas urbaines. C’est une violence qui surgit comme le magma d’un volcan, puissant et destructeur, par de brûlants mouvements qui dévorent et emportent – et puis, parfois, s’arrêtent. Désormais, à Marseille, on sort un flingue et on tire comme ailleurs on allongerait un coup de poing. Les gosses des cités s’envoient à la morgue à tour de bras, et les familles restent comme pétrifiées face à ces ados dégingandés qui s’assassinent, se rayent l’un l’autre de la carte d’un revers de main.

Ne reste plus aux mères qu’à survivre, en silence. Un silence de plomb. Côtoyer un assassin n’est pas une fiction au nord de Marseille, c’est le quotidien. Seul un meurtrier sur deux est interpellé. Ces mères sont contraintes de côtoyer ceux de leurs propres enfants. Pourtant, tous savent. Mais tous tremblent et tous se taisent. Personne ne veut être le prochain sur la liste. Sombre cercle vicieux de l’omerta.

La parole livrée dans ce film relève donc presque du miracle : il n’y a à Marseille qu’une minorité de mères prêtes à aider la justice car il n’existe, en France, aucune protection des témoins. Quand elles se confient enfin, les mères racontent par bribes cette dérive marseillaise : à travers leurs mots se dessine le malaise de la société française vis-à-vis de ses banlieues et de ses immigrés, le destin d’une jeunesse fascinée par l’argent facile, l’impuissance des parents, dépassés ou complices par leur silence, le fiasco d’un pouvoir défaillant, qui prend « les quartiers » pour du bétail électoral.

Ce documentaire se propose de donner la parole à celles qui sont condamnées à se taire. De partager avec elles ce temps suspendu, dans leur univers empreint des souvenirs du passé, de la peur de l’avenir. Il veut offrir un temps de répit à celles qui ont porté la vie et qui portent le deuil. Pour faire table rase des préjugés sur la violence dans les banlieues. Pour offrir une mémoire à ces orphelines de cœur. Pour rendre leur visage à ces corps anonymes. Pour dire que ces vies, bien que courtes, ont été, tout simplement.

 

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BIOGRAPHIE DES RÉALISATEURS :

Édouard Bergeon est auteur et réalisateur. Son film Les Fils de la terre, sur le mal-être des paysans directement inspiré de l’histoire tragique de son père, obtient de nombreuses distinctions en France et à l’international. Mention du Jury Fipa 2012, prix du premier film Figra 2012, finaliste prix Albert-Londres, étoile de la Scam et sélectionné en compétition officielle à l’IDFA - Amsterdam. De ce documentaire naît une pièce de théâtre (prix du jury et du public au Festival du Théâtre 13) jouée au Festival d’Avignon en 2017.

Il réalise les documentaires L’Entrée des Trappistes et Liberté, Égalité, Improvisez ! pour Mélissa Theuriau et Canal +.

Édouard Bergeon collabore régulièrement pour France 2 et l’émission 13h15, le samedi avec une trentaine de magazines à son actif dont Ferme à vendre, prix du grand reportag, 40 min, Figra 2013.

En parallèle, il écrit un scénario de fiction sur la transmission de la terre, inspiré de son histoire familiale. Il en effectuera la mise en scène et la réalisation en 2018 pour son premier film de cinéma, Au nom de la terre, produit par Christophe Rossignon, Nord-Ouest Films.

 

Philippe Pujol est un journaliste, auteur et réalisateur marseillais ayant obtenu en 2014 le prix Albert-Londres pour sa série d’articles « Quartiers shit » sur les quartiers Nord de Marseille. Il avait déjà obtenu en 2012 le premier prix Varenne PQR pour sa série French Deconnection, publiée dans La Marseillaise. De ces deux séries naissait son premier livre French Deconnection : au cœur des trafics.

Son long travail sur les quartiers populaires de Marseille comme sur les politiques qui en font depuis des décennies des quartiers de la relégation, trouvait un aboutissement dans le livre La Fabrique du monstre : 10 ans d’immersion dans les quartiers Nord de Marseille, la zone la plus pauvre d’Europe, un best-seller récompensé en 2017 du prix ESJ-Paris. Souad, l’une des mères de ce documentaire, y est déjà largement racontée.

Philippe Pujol connaît par ailleurs personnellement les trois mères présentes dans ce documentaire, depuis plusieurs années. Pour l’une d’elle, avant même que son fils ne soit tué. Dans le cas de Souad, depuis le jour où son fils a été tué.

Philippe Pujol a aussi écrit Mon cousin le fasciste, un récit de son immersion au sein d’un groupuscule nationaliste français dirigé par son cousin germain.

En février 2018 sortira Marseille 2040, un essai prospectif sur l’avenir du système de santé français.

Il tourne et prépare actuellement plusieurs documentaires comme auteur et réalisateur. Après avoir participé au scénario de la saison 2 du Marseille de Netflix, sans pousser plus loin l’aventure, Philippe Pujol est devenu le scénariste d’Ultra, une série de super-héros dans les quartiers Nord de Marseille, entrée en production depuis le début de l’année.

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FICHE TECHNIQUE

 

52 min

 

Un film réalisé par
Édouard Bergeon
Philippe Pujol

 

Coécrit par
Cécile Allegra
Marie-Lise Faure

 

Avec le soutien de
la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur
La Procirep – société des producteurs

L’Angoa
le Centre national du cinéma et de l’image animée
 

Produit par
Jérôme Duc-Maugé

 

Production
Cocottesminute Productions

 

Responsable de programmes France 2
Anne Roucan

 

Directrice de l'unité documentaires et magazines culturels France 2
Catherine Alvaresse

 

 

 

Le documentaire est disponible en visionnage sur https://www.francetvpreview.fr/

 

 

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