L'ANGLE ECO

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Faut-il fermer les frontières pour sauver nos emplois ?
Magazine de la rédaction - Inédit - Jeudi 30 mars 2017 à 20.55

Face à la délocalisation industrielle, le repli sur soi, prôné par de nombreux partis populistes, s’invite au cœur du débat politique. L’Angle éco et son présentateur, François Lenglet, abordent les risques induits par un modèle qui avive de nombreuses polémiques. Entretien.

Ce nouveau numéro aborde le protectionnisme, une question qui revient sur le devant de la scène avec la montée des partis populistes...
Oui, nous avons vu cela avec le Brexit au Royaume-Uni l’été dernier, puis avec l’élection de Donald Trump aux États-Unis en novembre de l'année dernière. Aujourd’hui, l’Europe continentale est confrontée à la même question, que ce soit aux Pays-Bas dans quelques jours, ou en France, à l’occasion de l’élection présidentielle qui se tiendra aux mois d’avril et mai prochains. La thématique du protectionnisme est devenue le clivage principal de l’offre politique avec, d’un côté, ceux qui prônent l’ouverture ou tout du moins l’idée de maintenir un ordre mondialisant, et d’un autre, ceux qui, au contraire, réclament la fermeture ou la régulation des flux de commerce, d’investissements et d’immigration.

Comment traiterez-vous la question ?
Nous nous sommes rendus en Suisse, un pays qui a instauré des barrières protectionnistes solides destinées à l'importation de produits agricoles stratégiques. Or, en même temps, il s’agit d’un des pays qui exportent le plus par rapport à leur PIB. Cela montre qu’une certaine forme de protectionnisme n’est pas contradictoire avec l’essor du commerce ni avec la conquête de nouveaux marchés. Vous verrez notamment un reportage sur la mâche, le produit le plus taxé en Suisse. Nous avons analysé en détail le système douanier lié à cette salade pour montrer comment il a permis de protéger les agriculteurs. Nous nous sommes également intéressés à l’industrie des montres, qui demeure un secteur très stratégique pour la Suisse.
Les délocalisations à l’intérieur de l’Union européenne sont un autre point crucial auquel un sujet sera consacré. Pour l’illustrer, nous nous intéresserons au secteur de l’automobile avec l’entreprise PSA et montrerons comment certaines unités de production slovaques ont été développées, parfois au détriment d’unités de production françaises. Puis, il y aura un reportage sur une faïencerie centenaire à Gien, dans le département du Loiret, qui se redresse en essayant d’affronter la mondialisation. 

La fermeture des frontières peut-elle produire les effets escomptés, notamment pour réduire le chômage ?
Les entreprises sont des animaux dociles. Si vous mettez en place un environnement qui favorise la délocalisation ou qui leur permet d’en profiter grâce à la différence de coûts du travail, elles y vont immédiatement. Si, au contraire, vous mettez un cadre qui les contraint à privilégier la carte nationale, elles se plieront à ce dispositif. Rappelez-vous, au sujet des promesses de Donald Trump de taxer les produits en provenance du Mexique, le patron de Nissan, Carlos Gohsn, avait dit qu’il s’adapterait et qu’il suffisait simplement de fixer des règles du jeu claires.

De quels leviers disposent les pays pour mettre en œuvre une politique protectionniste ?
Tout dépend de la situation du pays en question. À l’extérieur de l’Europe, il y a une grande marge de manœuvre, puisque le seul organisme de régulation international, l’OMC, n’a pas d’autorité très contraignante. Il y a aussi le cas particulier du Royaume-Uni qui a choisi de quitter l’Union européenne. Mais en ce qui concerne les gouvernements membres de l’UE, la marge de manœuvre demeure très limitée, car les instruments traditionnels sur lesquels reposent le protectionnisme ne sont pas autorisés par les traités : la préférence nationale est par exemple interdite. Tout comme les taxes aux frontières ou la réservation des marchés publics aux entreprises nationales. En fonction du pays, l’équation sera radicalement différente.

Des barrières que certains partis politiques pensent lever en quittant l’UE...
Oui, ce sont le Front national, Debout la République et le Front de gauche. Pour ce dernier, c’est un peu différent car, pour le coup, la raison de sa rupture avec l’Europe n’est pas tant de rétablir les frontières, mais plus de rompre avec la politique économique européenne. Alors que les deux autres partis visent avant tout et surtout à protéger l’industrie nationale.

Sommes-nous allés trop loin dans le démantèlement des frontières ?
À certains points de vue, oui, indéniablement. Par exemple, la directive des travailleurs détachés induit une situation dramatique. Permettre à des entreprises d’employer des gens aux regard des règlements en vigueur dans leur pays d’origine est tout simplement délirant. Cela maintient les travailleurs dans une forme d’esclavage légal et favorise une concurrence déloyale vis-à-vis des travailleurs nationaux.
Dans les années 1960, 1970, quand nous avons accueilli les travailleurs nord-africains, portugais et espagnols, tout le monde était payé aux conditions françaises. C’était la meilleure garantie pour qu’ils s’intègrent et pour ne pas déséquilibrer le marché du travail. Cette liberté traduit un fanatisme économique vraiment délétère.
Cela étant, un protectionnisme raisonnable, extra-européen, qui s’attacherait à distinguer les produits européens et non européens, pourrait éventuellement s’avérer utile.

Propos recueillis par Yannick Sado

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