Balladur-Chirac, mensonges et trahisons

Deux amis irréductibles, deux inséparables qui sont à tu et à toi depuis leur collaboration au sein du gouvernement de Georges Pompidou. L’un comptant sur l’autre, l’autre se référant à l’un, Chirac et Balladur sont deux véritables amis dans cet univers envié et jalousé. Mais cette idylle politique prendra une tournure inattendue dès lors que deux conceptions du pays se feront face. « Amis depuis trente ans », ces deux ténors de la droite vont sceller la fin d’une amitié à coups de poignard dans le dos.

La perspective de la présidence de la République de 1995 provoque le début de la rupture. Pourtant, cette perspective avait l’air d’être jouée d’avance avec un Chirac désigné candidat à l’Élysée et un Balladur futur locataire de Matignon. En effet, après une déclaration marquante de Balladur faite à Anne Sinclair sur le plateau de 7/7 – s’il devenait Premier ministre d’une cohabitation, il ne se présenterait pas à l’élection présidentielle –, il assure donc à Chirac un accord. Mais les élections législatives changent la donne : la gauche est laminée, et la droite majoritaire à l’Assemblée. Une nouvelle cohabitation s’impose : Chirac ne désirant pas renouveler l’expérience, François Mitterrand désigne Balladur Premier ministre. À droite, la déclaration de ce dernier à 7/7 est présente dans tous les esprits… mais elle s’avérera mensongère. En effet, fort d’une popularité sans précédent et surtout conscient de la différence de vision politique au sein même de la droite, vision libérale versus vision étatique, Balladur annonce sa candidature à l’élection présidentielle — au grand dam évidemment de son « ami de trente ans ». Des signes avant-coureurs de cet affrontement avaient eu lieu dès la nomination de son équipe gouvernementale où l’on retrouvait très peu de ministres chiraquiens. La cohabitation est difficile… mais pas avec ceux que l’on croit : les décisions et les actions de Balladur sont surtout décriées au sein même de la droite. La campagne présidentielle menée par les deux frères ennemis s’annonce sanglante.

Le documentaire de Jean-Charles Deniau retrace un épisode particulièrement douloureux de l’histoire de la droite française. En faisant intervenir plusieurs témoins de cette période, des personnalités politiques de droite et de gauche, et l’un des principaux concernés, Édouard Balladur lui-même, le réalisateur revient sur cette lutte qui a longtemps empoisonné les relations au sein de la droite. Une amitié qui a viré au pugilat, dont la droite et le pays même subissent encore les conséquences. Car cette course effrénée vers la présidentielle a été parsemée de coups, certes, mais aussi de transactions pas très claires, de malversations afin de financer la campagne des deux candidats de la droite. Avec l’intervention d’un avocat de l’affaire Karachi, l’on s’aperçoit que cette campagne n’a pas seulement laissé un homme à terre, mais provoqué aussi bien des dégâts collatéraux…

Mona Guerre