seconde chance
Itinéraires

Seconde Chance

Mardi 9 avril 2019 à 20h00 - Sur NC la 1ère

Itinéraires propose une soirée autour du thème de la réinsertion des détenus. Jenny Briffa s’interroge sur le vivre-ensemble à travers deux documentaires « Seconde chance » et « En plein choeur ». Deux films poignants. Deux documents rares qui interroge sur notre société.

 

Réalisatrice et auteure : Jenny Briffa
Co-réalisateur :  Jérôme Javelle
Production : Têtemba productions - AAA production - Calédonia - NC la 1ère
Durée : 52 minutes

A quelques kilomètres du centre-ville de Nouméa, le foyer d’action éducative de Nouville accueille des mineurs placés par la justice.

Auteurs présumés ou condamnés de crimes ou délits, ces jeunes hommes délinquants sont encadrés 24 heures sur 24 par des éducateurs.

« Seconde chance » raconte l’histoire de trois jeunes placés au foyer pour des crimes et délits : Thomas, Lucas et Marco.

Pendant un an, la réalisatrice Jenny Briffa a obtenu l’autorisation exceptionnelle de les suivre dans leur quotidien au foyer mais également au tribunal, dans le bureau du juge des enfants, ou au Camp Est.

 

Fiche technique

En détails

C'est vraiment pour moi, le coeur de mon métier : faire des films et des reportages qui aident à renforcer le lien social soit en pointant ouvertement des problèmes que nous devons résoudre ensemble (les accidents de voiture, l'alcool etc.); soit en montrant au grand jour des réalités qui sont cachées car honteuses (la prison, les mineurs délinquants).

Jenny Briffa

Pourquoi avoir choisi de travailler sur la délinquance des mineurs ?

Il y a 2 ans quand nous avons lancé ce projet, la question de la délinquance des mineurs était vraiment au cœur de l’actualité. J’ai réalisé que tout le monde parlait de ces jeunes, mais que personne ne leur donnait la parole. J’avais très envie de les entendre, de les laisser s’exprimer. Je me suis dit que le plus évident serait de pouvoir passer du temps avec eux dans un foyer ; à la fois pour pouvoir les suivre sur le long terme, voir le travail réalisé par les éducateurs, et leur donner la parole.

Comment s’est passé le tournage avec eux ?

Cela n’a pas été simple au début ! Mais je m’y attendais… Les jeunes n’avaient pas forcément envie que l’on soit là… Ils ont conscience qu’ils sont placés dans un foyer parce qu’ils ont commis des actes répréhensibles. Ils ont donc honte… Alors voir une équipe de télé débarquer, ce n’est pas évident. Mais nous avons pris le temps de créer du lien. Et, ils ont fini par nous oublier et par nous faire confiance aussi.

Ce sont souvent des jeunes qui ont eu des vies cabossées, qui viennent des squats ou de quartiers difficiles, dans des familles souvent dysfonctionnelles. Mais ces jeunes, au fond, ne sont pas méchants, même s’ils sont parfois exaspérants (rires) ! Ils ont beaucoup de complexes alors qu’ils ont plein de talents sous exploités –souvent dans les domaines artistiques ou sportifs. Finalement, donc,  on a réalisé de très belles interviews avec ces jeunes. Les éducateurs étaient parfois surpris de voir qu’ils nous parlaient autant. Ils avaient conscience, je crois, que nous étions une oreille différente : pas un éducateur, pas un juge, pas la famille… Et surtout je leur ai bien expliqué que finalement à travers ce film, ils parleraient aux Calédoniens. Finalement, on comprend que souvent, ils ont sombré dans la délinquance un peu malgré eux. Comme le dit un jeune dans le film « y’a personne qui nous a montré la route. »

Beaucoup de personnes ont cru voir un lien entre la montée de la délinquance et la politique, avec l’arrivée des échéances comme le référendum. Qu’en dites vous ?

C’est une question que l’on aborde avec les jeunes dans le film. Et comme souvent, les situations sont diverses. Certaines le disent « on s’en fout de la politique. On n’est pas assez grands pour voter ». Un des jeunes que l’on a suivi a caillassé des gendarmes « pour faire comme les grands » ; mais sans vraiment réfléchir à ce qu’il faisait… On réalise que chez les jeunes mineurs, on est plus dans l’immaturité, la bêtise et le suivisme que dans l’idéologie. 

Vous avez obtenu des autorisations de tournage assez exceptionnelles 

Nous avons pu tourner des audiences avec le juge des enfants au tribunal, mais aussi au Camp Est au quartier des mineurs, ou encore des séances de travail avec un avocat. Il faut saluer le travail effectué par la justice dans son ensemble. Le grand public est souvent déconcerté par les réponses judiciaires apportées face à la délinquance des mineurs. Les Calédoniens dans leur ensemble souhaitent souvent des réponses plus répressives qu’éducatives. Mais c’est oublier que la France considère que l’éducation doit primer avec les jeunes délinquants. C’est ce que prévoit le code pénal depuis l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante.

Et effectivement, on voit bien dans le film, à quel point il est important de privilégier l’éducatif plutôt que le simple enfermement en prison où le jeune va finalement se désocialiser. La vie au foyer est très encadrée. Ce n’est pas la prison, certes. Mais ce n’est pas non plus la liberté. Loin de là ! Les jeunes n’ont pas le droit au téléphone portable, pas d’internet, tout est cadré, ils n’ont pas accès à leurs chambres avant 18h etc. il y a toute une série de règles et contraintes à respecter. On cherche à leur donner un cadre qui leur a manqué bien souvent.

Quels ont été les moments forts du tournage ?

C’est vraiment un tournage que je n’oublierai jamais. Il y a eu des moments d’intenses émotions quand l’un d’entre eux évoque ses envies suicidaires face à son éducateur visiblement désemparé, quand un jeune du foyer a finalement été incarcéré au Camp Est et qu’on l’a retrouvé là-bas, ou encore quand l’un des jeunes annonce à son avocat qu’il est premier de sa classe. Il fallait voir son sourire et ses yeux qui pétillaient de fierté !

C’est vraiment bouleversant de voir la trajectoire de ces jeunes calédoniens On ne peut s’empêcher de penser que leur vie aurait pu être bien différente s’ils avaient grandi dans des situations moins précaires. Les inégalités sociales font le lit de la délinquance des mineurs.

Les questions sur la réinsertion vous tiennent à cœur, dans quelle mesure « Seconde chance » fait écho à votre premier film dans le milieu carcéral calédonien « En plein chœur » ?

Effectivement, ces questions me semblent essentielles car elles sont au coeur du vivre-ensemble. Et c'est vraiment pour moi, le coeur de mon métier : faire des films et des reportages qui aident à renforcer le lien social soit en pointant ouvertement des problèmes que nous devons résoudre ensemble (les accidents de voiture, l'alcool etc.); soit en montrant au grand jour des réalités qui sont cachées car honteuses (la prison, les mineurs délinquants).  Comment fait-on dans une société pour aider ceux qui ont fait un faux pas car, sans rien enlever de leurs responsabilités; on sait que souvent des conditions sociales difficiles, les inégalités, l'alcool peuvent expliquer  (pas excuser) un passage à l'acte. Or, les inégalités, l'accès à l'alcool, le rapport aux femmes sont autant de questions qui relèvent de la responsabilité individuelle mais aussi collective. Vivre dans une société qui tolère les violences faites aux femmes, qui valorise les excès de consommation d'alcool, qui ne prend pas à bras le corps le problème des inégalités, c'est vivre dans une cocotte minute où le vivre ensemble est malmené. Et les premières victimes en sont les plus vulnérables et notamment les jeunes...Ces gamins, que nous avons suivis, ont bien souvent été malmenés dans la vie avant d'arriver à commettre des délits ou des crimes. L'idée du film était de montrer ce qu'ils traversent et la réalité d'une vie dans un foyer. J'espère qu'à la fin du film, les Calédoniens seront convaincus qu'il faut aider ces jeunes à retrouver leurs places dans notre société et qu'il ne suffit pas de les astiquer pour qu'ils retrouvent le droit chemin. Le problème est beaucoup plus complexe que cela...   

Finalement quel est le message de votre film ?

En tant que réalisatrice calédonienne, j’essaie, grâce à mes films, de contribuer à la construction du vivre ensemble et d’œuvrer pour une meilleure compréhension entre les communautés, tout en veillant à ne pas tomber dans un optimisme béat.

La question de la délinquance des mineurs peut être un frein au vivre ensemble car c’est un problème qui touche majoritairement les jeunes kanak, ou les jeunes océaniens. Pas parce qu’ils sont kanak ou océaniens. Mais parce qu’ils viennent de milieux sociaux défavorisés. Tout comme la délinquance en col blanc touche majoritairement des personnes européennes qui sont bien insérées dans la société, la délinquance des mineurs touchent elle majoritairement (mais pas exclusivement) des jeunes océaniens défavorisés. C’est la réalité. Avec ce film, nous montrons simplement que l’on ne naît pas délinquant. On le devient parce qu’on grandit dans un milieu défaillant, avec souvent des conditions de vie difficile.

Dans l’unique prison de Nouvelle-Calédonie, chaque semaine une bénévole, Carine Minvielle, professeure de mathématiques, vient animer un atelier de chant lyrique pour les détenus en longue peine. Une façon, dit-elle, de rendre à la société ce qu’elle nous donne.
A l’extérieur de la prison, en parallèle, un chœur de femmes travaille le même répertoire. Elles rejoindront le chœur des détenus à l’occasion d’un concert en fin d’année.

« En Plein Chœur » raconte l’histoire de cette chorale atypique, qui œuvre à la réinsertion des détenus et qui chaque année se produit devant les autorités judiciaires, après 10 mois d’intenses répétitions. 

En plein choeur

Chaque mercredi matin, derrière les immenses murs du Camp Est, c’est le même rituel. Carine Minvielle doit passer les différents postes de contrôle de la prison jusqu’à la salle de chant. Au fur et à mesure, les portes des sas s’ouvrent et se referment derrière elle. Après dix minutes dans les couloirs et les coursives de la prison, elle peut enfin se poster à la porte de la salle d’activité et accueillir un par un les détenus en leur serrant la main. Ils arrivent au compte- goutte, accompagnés d’un surveillant. Quand le gardien est parti et qu’une trentaine de détenus sont présents, le cours commence. Pendant deux heures, et sans surveillance, tous vont s’appliquer à apprendre à chanter...

Entre ces murs, des instants de grâce, de beauté, de création peuvent se réaliser. Quel impact cet atelier de chant lyrique a sur les prisonniers quand on sait qu’ils sont là pour de longues années ? Au-delà de la bouffée d’oxygène que peut leur apporter l’atelier lyrique, qu’y trouvent-ils ? En s’engageant dans cette chorale, les prisonniers cherchent-ils à se racheter ? Est-ce une simple échappatoire ou une chance à saisir ?

Stéphanie Moulin
Responsable de Projet et d'Actions de Communication Nouvelle Calédonie la 1ère