Rwanda
Jeudi 25 avril à 23.20

Retour à Kigali, une affaire française

Au terme d'une enquête historique précise et fouillée, « Retour à Kigali » met à jour les responsabilités françaises dans le génocide des Tutsis du Rwanda de 1994. Le film réunit pour la première fois la plupart des acteurs-clés de cette tragédie qui fit plus de 800 000 morts en moins de trois mois. Vingt-cinq ans après les faits, la parole de ces hauts responsables politiques et militaires commence enfin à se libérer.

Ancien grand-reporter, Jean-Christophe Klotz, a été l’un des rares journalistes français à se rendre au Rwanda en 1994, en plein génocide. S’il y retourne aujourd’hui, c’est pour savoir quel a été le véritable contrechamp des images terribles qu’il y a filmées et comprendre comment un tel drame a pu se dérouler dans la quasi-indifférence générale, avec même la complicité de certaines capitales, Paris en première ligne. Libérant la parole de protagonistes qui ont joué un rôle dans cette « affaire française », notamment plusieurs généraux français (l’amiral Lanxade, le général Varret, le général Lafourcade, le général Quesnot) mais aussi des diplomates et des hommes politiques français, belges et américains (François Léotard, Bernard Kouchner, Johan Swinnen, Herman Jay Cohen, Prudence Bushnell…), le film permet, vingt-cinq ans après, de jeter une lumière nouvelle sur l’enchaînement des manquements, erreurs d’analyse et compromissions qui ont rendu possible le dernier génocide du XXe siècle.

 

Note d’intention de Jean-Christophe Klotz

Le 8 juin 1994, un événement est venu bousculer le cours de ma vie. J'avais été l'un des tout premiers journalistes à me rendre à Kigali après le départ des ressortissants occidentaux du Rwanda. Alors que j'étais en train de filmer des Tutsis qui se terraient dans la ville alors à feu et à sang, je fus moi-même pris dans l'un de ces massacres. Grièvement blessé à la hanche, je ne dois mon salut qu'à la providence, et au fait que j'étais journaliste occidental.

Depuis, j'ai effectué plus d'une dizaine de voyages au Rwanda. J'ai réalisé plusieurs films, des reportages, un documentaire, ainsi qu'un long-métrage de fiction(*). Pendant quelques années, j’ai pu croire en avoir fini avec le Rwanda, mais cette histoire sans cesse me rattrape.

Ce qui s'est passé au Rwanda au printemps 1994 est sans précédent historique. Au moins huit cent mille morts, tués à la machette, au couteau, au gourdin, au tournevis. Et le tout en moins de cent jours. Une très grande partie de la population d'origine hutue impliquée dans les tueries. Bourreaux et rescapées contraints de vivre côte à côte dans un pays qu'il a fallu faire renaître de ses cendres, un véritable défi humain, politique et philosophique.

Vingt-cinq ans ont passé depuis ces jours terribles de 1994. La plupart des pays ont examiné leur part de responsabilité, à l’image des Etats-Unis qui ont présenté leurs excuses officielles par la voix de Bill Clinton, ou de la Belgique qui a mené une profonde réflexion, grâce à une commission d’enquête parlementaire. Mais en France, non. Depuis vingt-cinq ans, tout est fait pour brouiller les pistes, et surtout refuser de s’interroger sérieusement, nous, la patrie des droits de l’homme. Et je vois bien que, malgré mes divers voyages au Rwanda et les films que j’y ai réalisés, pour moi comme pour la France ce passé ne passe pas.

Si je suis retourné à Kigali, c’est parce que j’avais la conviction qu’à 25 ans de distance, la parole pouvait se délier et la vérité enfin émerger. Une vérité qui ne soit plus sujette à caution ou à débat contradictoire mais qui puisse enfin permettre à la France d’effectuer son examen de conscience et d’inscrire de manière claire et lucide l’histoire du génocide des Tutsis du Rwanda dans notre mémoire collective.

De nombreux protagonistes qui ont joué à l’époque un rôle dans cette « affaire française », ont aujourd’hui accepté de témoigner dans le film. Parmi eux des militaires français, hauts gradés et simples soldats, qui, après des années de silence, acceptent enfin de témoigner devant la caméra. Leur parole, précieuse, permet de mieux comprendre l'articulation complexe entre décisions politiques prises au plus haut niveau, et répercussions concrètes sur le terrain, à hauteur d'homme.

Pour le film, j’ai également effectué une enquête fouillée dans les documents officiels, déclassifiés ou non, avec pour ambition de nommer les choses, de présenter des faits avérés, non d'alimenter par de nouvelles suppositions la polémique stérile qui, en donnant l'impression que tout a été dit sur le Rwanda et en renvoyant chacun dos à dos, permet surtout de masquer les responsabilités.

À travers la mise en image de cette grande enquête, j'ai cherché à dévoiler l'image globale de ce puzzle géant que le public ne connaît que par bribes, entendues ça et là au fil de quelques saillies dans l'actualité, pour enfin faire toute la lumière sur les raisons pour lesquelles, malgré le "Plus jamais ça!" tant de fois martelé, le génocide des Tutsis du Rwanda n’a pu être empêché.

 

(*) notamment "Kigali, des images contre un massacre" (Arte, Semaine de la critique du Festival de Cannes 2006) et "Lignes de Front" (Sélection officielle Locarno 2009).

 

Liste des intervenants

Bernard Kouchner Député européen de 1994 à 1997
Marc Trévidic Juge antiterroriste de 2006 à 2015
François Léotard Ministre de la Défense de 1993 à 1995
Général Jean Varret Chef de la Mission de Coopération Militaire au Rwanda de 1990 à 1993
François Nicoullaud Directeur de cabinet de Pierre Joxe, ministère de la Défense de 1991 à 1993
Général Jean-Claude Lafourcade Commandant de l'opération Turquoise en 1994
Amiral Jacques Lanxade Chef d’état-major des Armées de 1991 à 1995
Guillaume Ancel Capitaine opération Turquoise en 1994
Adj-Chef Thierry Prungnaud Formateur GIGN  en 1992
Jean-Hervé Bradol Coordinateur MSF au Rwanda  en 1994
Pierre Conesa Délégation aux Affaires stratégiques, ministère de la Défense  en 1993
Michel Cuingnet Chef de la mission de Coopération civile au Rwanda de 1992 à 1994
Gérard Prunier Historien
Karel Kovanda Président du Conseil de Sécurité de l’ONU de 1994 à 1995
Alain Destexhe Commission d’enquête du Sénat belge sur le Rwanda 1997
Johan Swinnen Ambassadeur de Belgique au Rwanda de 1990 à 1994
Prudence Bushnell Sous-secrétaire d’Etat adjointe aux Affaires africaines (USA) de 1993 à 1996
Herman Jay Cohen Secrétaire d’État adjoint aux Affaires africaines (USA) de 1989 à 1993
Brig-Général Babacar Faye Aide de camp du général Dallaire en 1994
Lt-Général Roméo Dallaire Commandant des Casques bleus au Rwanda de 1993 à 1994
Général Christian Quesnot Chef d'état-major particulier de François Mitterrand de 1991 à 1995

 

Jean-Christophe Klotz
Diplômé du Centre de formation des journalistes, Jean-Christophe Klotz a longtemps travaillé comme grand reporter, notamment pour l'agence CAPA. Il s'est rendu pour la première fois au Rwanda en 1994. Dix ans plus tard, il revient sur cette expérience dans son documentaire Kigali, des images contre un massacre  (Semaine de la critique, Cannes 2006). Il revient à nouveau au Rwanda l'année suivante pour son premier film de fiction, Lignes de front  (Locarno 2009). Il a depuis réalisé de nombreux documentaires pour la télévision française : John Ford, l’homme qui inventa l’Amérique (2018), Les Dassault, une affaire de famille (2016), L'Argent, le sang et la démocratie – A propos de l'affaire Karachi (2013), Les Routes de la Terreur (2010).

 

 

Un film de Jean-Christophe Klotz

Produit par Estelle Fialon - Les Films du Poisson avec la participation de France Télévisions, Public Sénat, CNC, Procirep Angoa, Fondation pour la Mémoire de la Shoah

Conseillère Historique : Hélène Dumas

Unité documentaires : Emmanuel Migeot et Louis Castro

 

 

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Laurence Guillopé
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