LE CHALET

Éditorial

« Comptez jusqu’à trois, Messieurs, Mesdames, et l’un de vous disparaîtra. Jamais on ne le reverra »… Comme la comptine des Dix Petits Nègres, la voix enfantine qui s’élève sur le générique du Chalet nous fait déjà frissonner et ouvre le bal. Un homme interrogé – que s’est-il passé ?, qui est mort ? – sur l’existence d’une certaine Adèle, une route qui s’élève dans la montagne, un couple, un pont qu’il faut traverser, le village juste derrière... Tout est si beau, si calme... Bientôt, les autres invités arriveront, et nous seuls spectateurs sommes invités à voir qu’une ombre guette et qu’un homme se débat, attaché sous le pont. À pressentir qu’une fois le pont fracassé, et le seul lien avec la vallée et le monde extérieur coupé, il ne fera pas bon s’attarder à Valmoline. Avant que l’angoisse ne rattrape à son tour les personnages contraints de tenter de s’organiser pour survivre.

Le Chalet nous permettait d’explorer un genre que la fiction française aborde somme toute peu ou jamais frontalement, celui du thriller noir façon hécatombe énigmatique et lutte pour la survie, revisité en conte de fées macabre par les auteurs, Alexis Lecaye et Camille Bordes-Resnais. L’isolement, le lieu coupé du monde, la menace diffuse, les premiers blessés ou disparus, la mort qui frappe et le piège qui se referme... Les codes sont éprouvés. Dans cette montagne que la caméra, au lieu d’ouvrir vers l’air pur, enserre et enferme, dans ces chambres et ces ruelles qui emprisonnent, la série va jouer à les relancer : proposant au spectateur d’entrer dans le jeu, d’avoir peur, de se faire peur, d’imaginer, de chercher des clés, un jeu qui ne fait que commencer. Qui sera le prochain sur la liste ? Le tueur est-il parmi nous ? Qui réussira à en réchapper ? Jeu que vient densifier ce passé qui remonte à la surface. Que s’est-il passé en 1997 ? Qu’est devenue cette famille qui a occupé le chalet cet été-là ? Quelle faute cachent ceux qui sont restés, les familles Genesta et Personnaz, hier comme aujourd’hui enchaînées au café-tabac du village ? Le récit, retors, se joue de nos questions. Il se donne à voir comme un puzzle dont la dernière pièce, inattendue et offrant un dessin complet de l’ensemble, ne s’ajustera qu’aux derniers instants.

Bienvenue à Valmoline, six habitants, treize invités. Portés par la mise en scène terriblement précise de Camille Bordes-Resnais et la caméra frémissante de Marc Romani, une épatante équipe de comédiens incarne ce groupe de femmes et d’hommes face à leur destin : Chloé Lambert, Philippe Dusseau, Émilie de Preissac, Marc Ruchmann, Blanche Veisberg (dont le regard bleu, la fougue boudeuse, l’aplomb pratique, la dinguerie sont inoubliables), Éric Savin, Maud Jurez, Nicolas Gob, Mia Delmaë, Manuel Blanc, Agnès Delachair, Mathieu Simonet, Nade Dieu, Pierre-Benoist Varoclier, Fleur Geffrier, Jean-Toussaint Bernard, Fleur-Lise Heuet, Thierry Godard, Catherine Vinatier ; et les enfants : Félix Lefebvre, Louvia Bachelier, Max Libert, Laura Meunier, Eliott Lobrot, Arthur Dujardin, Elie Jarrosson. Merci d’avoir joué pour nous et de nous offrir ce plaisir d’attendre et de trembler. Et que la musique entêtante de Samuel Hercule vous fasse entrer dans la danse : un, deux, trois…


Fanny Rondeau et Carole Le Berre
Direction de la fiction France 2